Actuel directeur général de Lafarge Holcim pour l’Afrique de l’Ouest et du centre, Emmanuel Rigaux travaille en Afrique depuis plus de cinq ans. Ancien responsable pays pour la Zambie et la RDC, il brosse les ambitions de son groupe dans cet entretien réalisé en marge d’Africa CEO Forum.
Que représente la zone Afrique de l’Ouest et du Centre pour LafargeHolcim en termes de présence pays et d’investissements?
C’est une zone qui regroupe les pays d’Afrique francophone avec une présence industrielle dans 4 de ces pays, à savoir la Côte d’Ivoire, la Guinée Conakry, le Cameroun et le Bénin. A cela s’ajoute une présence commerciale, de manière importante dans trois de ces pays que sont le Mali, le Tchad et la République Centrafricaine. La zone est surtout un portefeuille de développement de projets extrêmement ambitieux dans les trois prochaines années pour nous conduire à établir de manière claire notre position de leader de l’Afrique francophone.
Quelle est la dynamique du marché du ciment et matériaux de construction dans la zone ?
il y a deux tendances assez nettes. D’une part, un marché de l’Afrique de l’Ouest (zone UEMOA) assez dynamique avec une forte croissance et, à côté, une zone de l’Afrique centrale un peu au ralenti. Les pays de la zone CEMAC mettront certainement deux ans avant de rebondir.
L’on peut donc dire sans risque d’être démenti que la croissance du marché du ciment et matériaux de construction reproduit la courbe de la croissance du PIB?
Exactement. Nous dirions même que non seulement la croissance de la consommation des matériaux de construction reproduit la courbe du PIB mais elle l’amplifie, étant en général entre 2 et 3 points au dessus du taux de croissance économique. Bref, la consommation du ciment est un indicateur de la santé économique.
Les investissements dans le secteur ont augmenté ces dernières années. L’Afrique francophone est-elle désormais autosuffisante en ciment ?
C’est quasiment le cas. Chacun des pays de la zone a développé une production nationale. Le risque est désormais inverse et se pose en termes de surcapacité. Les importations du ciment chinois encore pratiquées dans certains pays se sont considérablement réduites.
Quid des normes et de la qualité des ciments produits en Afrique. Y-a-t-il un encadrement normatif clair ?
L’encadrement existe mais pas suffisamment à mon avis. Notre politique en la matière c’est de nous mettre systématiquement aux normes dans tous les pays où nous sommes présents. Ce n’est pas forcément le cas de tous nos concurrents. Il est important que les agences de normalisation et les ministères concernés s’assurent que les ciments sont aux normes requises. Il en va de la qualité et de la sécurité des infrastructures et des habitations. Nous sommes pour le respect des normes sur le ciment et la qualité du béton, des blocs ou briques. Sur ce point, le marché nous paraît hétérogène.
Votre groupe se présente comme leader en Afrique de l’Ouest. L’est-il en termes d’investissements réalisés et d’investissements prévus ?
On peut le dire sans crainte. Nous venons de doubler notre capacité de production en Côte d’Ivoire, passant à 2,5 millions de tonnes. Nous allons doubler notre production en Guinée et au Cameroun dans les 18 prochains mois. Nous annoncerons aussi l’entrée en production industrielle dans au moins deux pays. Nous sommes aujourd’hui le cimentier dont la croissance est la plus rapide.
La presse rapporte des importations de ciment de l’Algérie vers l’Afrique de l’Ouest. Qu’en est-il?
Je ne connais pas la situation en Algérie de très près. Il y a effectivement des problèmes résiduels de surcapacité. Il y aura certainement des importations de clinker vers l’Afrique de l’Ouest. C’est une chose normale puisqu’il y a un certain nombre de pays dont la Côte d’Ivoire qui ne disposent pas de clinker. Ceci étant, il y a la possibilité de substituer le clinker importé par des matériaux locaux. Nous y travaillons d’ailleurs et je crois fermement que dans les prochaines années, il y aura une proportion importante de matériaux locaux dans le ciment produit en Afrique.
Quelle sera l’incidence de la Zone de libre échange continental (ZLECA) signée récemment à Kigali sur vos activités ?
La ZLECA signifie un progrès important pour les économies africaines. Pour nous, qui avons un certain nombre de sites de production dans divers pays, cela nous permettra d’améliorer la desserte des pays, à l’instar de notre usine au Nord du Cameroun qui pourrait couvrir le Tchad et la République Centrafricaine. Il serait important que cette libre circulation se fasse dans le sens de la réduction des exportations clandestines.