Par Leila El Andaloussi*
Les nouvelles technologies n’épargnent aucun secteur. Celui du financement des entreprises et de l’économie fera également sa mue. Une solution de financement innovante, le Crowdfunding, verra bientôt le jour au Maroc et permettra de donner vie aux rêves de nombreux créateurs.
En Europe et aux Etats-unis, le crowdfunding a connu un essor sans précédent et a permis de financer de grands pans de l’économie, ainsi que des projets sociaux et culturels. Qu’en sera-t-il au Maroc ? Donnera-t-il la même impulsion à l’esprit créatif de nos entrepreneurs et amorcera-t-il cette dynamique tant attendue ?
En tout cas le cadre réglementaire, en étude depuis plusieurs années, est fin prêt. L’avant-projet de loi sur le Crowdfunding est en effet actuellement en consultation jusqu’au 21 avril prochain sur le site du Secrétariat Général du Gouvernement pour recueillir avis et propositions d’amendement du public.
Aussi, serait-il intéressant d’apporter un éclairage sur ce nouveau texte appelé à jouer un rôle de premier plan dans l’amélioration de l’environnement de la création d’entreprise et de l’investissement au Maroc.
L’esprit et la philosophie de ce mode de financement est de faciliter la collecte des fonds, et l’impulser à travers une plateforme internet. Grâce à cette dernière, il est escompté une mobilisation plus massive des réseaux de contributeurs. Le risque inhérent au projet s’en trouvant plus réduit puisque partagé.
Ainsi, le statut de plateforme de financement collaboratif « PFC » verra le jour. Elle permettra de mettre en relation créateurs, personnes physiques ou morales, et contributeurs. Elle sera gérée par des structures dédiées, les sociétés de financement collaboratif « SFC ».
Elles devraient exercer sous forme de sociétés commerciales avec un capital minimal de 300 000 DH (30 000 euros ) et obtenir l’agrément d’une administration, pour pouvoir exercer à titre principal l’activité du Crowdfunding. Elles peuvent également assurer à titre accessoire le conseil et l’accompagnement des porteurs de projets pour épauler de façon professionnelle les futurs chefs d’entreprise.
Le Crowndfunding peut revêtir 3 formes
– Il peut s’agir d’une plateforme de don pur et simple.
Le donateur joue alors le rôle de mécène et apporte les fonds parce qu’il y croit et par initiative citoyenne. Cet acte peut avoir du sens pour lui, notamment dans un pays comme le Maroc où la mobilisation de la générosité publique n’est pas difficile car la culture du don y est bien implantée. Ce cas se prête plus aux projets de nature culturelle, artistique ou philanthropique.
– Le financement participatif en capital est la deuxième catégorie
La levée de fonds se fait alors sous forme de prise de participation par augmentation de capital ou par apport en compte courant. La contrepartie sera donc la rémunération par les bénéfices.
- Le texte prévoit également la possibilité pour le contributeur d’intervenir en tant que prêteur
Il mettra à disposition du porteur du projet des prêts rémunérés ou non.
Dans ces deux derniers cas, la mobilisation du financement se fait par une communauté composée d’un grand nombre d’investisseurs avec un ticket d’entrée réduit. Ils peuvent collectivement mettre à disposition des créateurs une épargne intéressante à un moment ou les banques sont réticentes à prendre le risque inhérent à tout nouveau projet.
Les avantages du Crowdfunding paraissent nombreux.
- Le premier est d’encourager les talents créateurs à s’exprimer et présenter des projets novateurs et bien ficelés en vue de renforcer leur chance de trouver un financeur.
La plateforme internet introduira une souplesse et flexibilité nouvelle dans la mobilisation des fonds. Elle permettra également de diffuser à large échelle quelques projets, leur donnant la visibilité nécessaire auprès d’un public en quête d’idées originales et avant-gardistes.
A ce titre, le projet de loi prévoit justement la protection de la confidentialité des projets par le respect de la loi 908 relative à la protection des données personnelles.
-La collecte des fonds ne pourra désormais plus se faire qu’avec des organismes agréés du métier, régulés par une autorité de tutelle, et, assurée par Bank Al Maghrib pour les activités de dons, et par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux « AMMC » pour les activités d’investissements en capital.
-Un commissaire aux comptes inscrit à l’Ordre des Experts Comptables doit également être désigné par la société de financement pour assurer le contrôle et le suivi des comptes de la SFC.
-La communauté des contributeurs peut-être aussi bien résidente que non résidente, les flux de financement devant s’opérer dans ce dernier cas conformément à la réglementation des changes.
La place de notre pays en tant que terre d’accueil aux investisseurs étrangers ne s’en trouvera que plus renforcée. Il va de soi que ces derniers continueront à bénéficier du régime de faveur relatif au rapatriement des dividendes et d’autres avantages prévus par notre législation.
-Avec la brèche ouverte par une réglementation de change de plus en plus souple et évolutive, les contributeurs nationaux auront aussi la possibilité d’investir via la plateforme dans des projets situés dans un pays étranger, ou dans une zone franche en devises.
Sécurisation des investissements hors frontières, et suivi par des professionnels avertis, seront des arguments majeurs attrayants du nouveau dispositif, qui en outre permettra de disposer de statistiques fiables sur ces flux.
-Pour le financement collaboratif de catégorie investissement, il n’est pas restreint aux créateurs, et à la phase du lancement du projet. Il permet également, à une entreprise existante, de diversifier sa source de financement et de ne pas se limiter au secteur bancaire traditionnel.
Ce dispositif règlera donc aussi le problème de financement des TPE et PME, sous capitalisées et non servies par les banques, et jouera en faveur de la complémentarité de la chaîne de financement.
Alors, à tous ceux qui rêvent de monter leur business, ce projet fait résonner des promesses nouvelles. La culture de l’entrepreneuriat est ancestrale au Maroc. Les structures d’accompagnement sont nombreuses. Mais pour accompagner ce dispositif, il est nécessaire que les programmes d’enseignement mettent encore plus en avant l’esprit de créativité dans toute démarche menant à la connaissance, pour ne pas scléroser l’esprit d’innovation.
Il est également nécessaire que des incentives réels et durables soient mis en œuvre par l’état, pour alléger le poids des prélèvements fiscaux et sociaux auxquels est astreinte l’entreprise en début d’activité.
Il est nécessaire de faire également preuve de niveau d’esprit de créativité et d’innovation.
A propos de l’auteur
Leila El Andaloussi, membre de l’Ordre des Experts Comptable du Maroc, commence sa carrière dans le prestigieux cabinet International Price Waterhouse, au sein duquel elle se met au service des plus grands comptes nationaux et internationaux de l’industrie, la distribution, l’immobilier, la banque assurance, l’hôtellerie et l’associatif.
Animée par la fibre entrepreneuriale dès le début de sa carrière, elle fait le grand saut en 2000, et crée ABS Consulting , cabinet de conseil aux entreprises qu’elle montera au plus haut niveau entourée d’experts et consultants pointus en droit, fiscalité ainsi qu’en gestion et mise en place de système d’information et organisation.