Par Lilia Hachem Naas, Directrice du Bureau pour l’Afrique du Nord, Commission économique pour l’Afrique (CEA)
En Afrique, le train de l’intégration régionale est désormais en marche. Le 21 mars 2018 à Kigali (Rwanda), la majorité du continent a signé l’accord pour la mise en place de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECA), le plus grand marché libre de biens et de services depuis la création de l’OMC.
En Afrique du Nord, du Soudan à la Mauritanie, en passant par l’Egypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie ou le Maroc, tous les pays ont répondu présent : la ZLECA leur offre une ouverture vers de nouveaux marchés à l’heure où des partenaires commerciaux comme les Etats-Unis ou l’Union Européenne se montrent de plus en plus protectionnistes. L’impact de la nouvelle zone de libre-échange sur la création d’emplois et la diversification des économies s’annonce indéniable. Ces deux dimensions seront d’ailleurs au cœur des discussions des Ministres africains des Finances, de la planification et du développement à l’occasion de la 51ème Conférence annuelle de la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (CEA), prévue du 11 au 15 mai prochains à Addis-Abeba (Ethiopie).
La ZLECA englobe le COMESA et la CEDEAO dont certains pays nord-africains ont commencé à se rapprocher. Son enjeu est d’autant plus important que la zone constitue – sans aucun doute – une opportunité unique d’ouverture et d’intégration économique pour une croissance stable et durable…
Rater le train en marche de la ZLECA n’est plus une option
S’il reste beaucoup à faire avant la mise en place d’une union douanière africaine (dans quatre ans) ou d’une communauté économique africaine (dans dix ans), les implications de la ZLECA sont assez massives pour permettre aux pays africains de déterminer leurs termes par rapport aux échanges commerciaux.
La ZLECA représente aujourd’hui un marché de 1,2 milliards de consommateurs, avec un PIB potentiel de 2500 milliards de Dollars, caractérisé par une population active jeune et en pleine croissance ainsi qu’une classe moyenne et une urbanisation en pleine expansion. Selon les estimations de la Banque Africaine de Développement (BAD), d’ici 2025, dans sept ans, la consommation des ménages africains devrait atteindre 2 500 milliards de Dollars. Selon celles de la CEA, d’ici 2030, dans douze ans, le marché agricole et agroalimentaire pèserait à lui seul 1 000 milliards de Dollars. D’ici 2050, soit un peu plus de trente ans, la population du continent s’élèverait à 2,5 milliards d’individus et sa population active, aujourd’hui marquée par l’arrivée annuelle de quelques 11 millions de jeunes sur les marchés du travail, représenterait à ce moment-là 26% de la population mondiale en âge de travailler.
A ce potentiel immense s’ajoutent les opportunités : seuls 16% des échanges commerciaux des pays africains se font aujourd’hui à l’intérieur du continent alors que le commerce intra régional s’élève à 70% en Europe, 54% en Amérique du Nord et 51% en Asie du Sud-Est. La CEA, la Banque Africaine de Développement et la CNUCED s’accordent à dire que la ZLECA peut augmenter le commerce intra-africain à plus de 52% d’ici 2022, et plus encore si ce processus intègre en même temps une diminution des barrières non tarifaires.