En mars 2011, les milieux d’affaires s’interrogeaient sur la rapidité avec laquelle le groupe Bolloré avait repris le terminal à conteneurs de Conakry. Sept ans plus tard, alors que la justice française a déterré ce dossier et que Vincent Bolloré est mis en examen, il nous a paru judicieux de fouiller dans lss archives.
Edito du 16 mars 2011
La manière dont s’est opéré le retour du groupe Bolloré dans le port de Conakry soulève un tsunami de questions. Non pas seulement qu’il s’agisse de la poursuite d’une stratégie de verrouillage définitif du Golfe de Guinée, que nous dénonçons, car elle est, nous semble-t-il, dangereuse pour la souveraineté des Etats concernés et pernicieuse pour le sacro-saint principe de libre concurrence, lequel ne peut pas s’accommoder de positions aussi dominantes.
Non pas seulement, en ce qui nous concerne, par rejet d’un monopole de fait qui est en train de s’instituer tout le long d’un tracé qui coïncide rageusement avec la façade des ex-colonies françaises. Les symboles aussi ont leur poids.
Non pas, parce que Bolloré lui-même, est la survivance d’un certain système, d’abord colonial, puis néocolonial, tirant son poids des relations privilégiées avec les occupants des palais présidentiels, en civil ou en kaki.
Rien de tout cela
Ce retour interpelle par sa rapidité brutale en regard du droit commercial (qui nous a habitué à des délais de traitement de dossiers plus longs), par sa charge symbolique en regard des Guinéens, qui n’ont pas encore fini de fêter la nation retrouvée. Le président Alpha Condé, militant de première heure pour la liberté, sait bien que cette notion de démocratie va de pair avec la bonne gouvernance.
Or, démocratie et bonne gouvernance deviennent de vains slogans de campagne s’ils ne reposent pas sur la promotion du droit. Que Bolloré, arrivé deuxième sur la liste d’un appel d’offres, reprenne le projet à GETMA, classé premier mais qui, depuis la signature de la concession en 2008, n’aurait pas respecté son cahier de charges, ne libérant qu’à peine le quart du capital, c’est fort plausible. Ne sommes-nous pas en Afrique, où les cahiers de charges ne représentent que la face visible de l’iceberg ?
Mais, que le contrat soit résilié par décret présidentiel, sans préavis, de manière irrévocable, pour être confié séance tenante à Bolloré, interpelle forcément. Surtout quand on sait que l’homme d’affaires français, a, début février, effectué un voyage fort médiatisée au Palais présidentiel de Conakry, puis au port de Conakry, s’offrant au passage une visite guidée du terminal à conteneurs encore géré par GETMA.
C’est dire que, si le fond du dossier est une banale question de non respect de cahier de charges, sa forme, quant à elle, nous fait craindre le retour de cette Afrique où le droit est instrumentalisé pour servir les relations personnelles au détriment des dispositions institutionnelles, conçues pour faire prévaloir la justice. Bien évidemment, le président Condé qui, tout le long d’une carrière politique respectable, a combattu les dérives de cette Afrique là, où les régimes dictatoriaux offraient des marchés juteux aux multinationales en échange de leurs protections et de leurs cadeaux, dispose de paramètres que la presse n’a pas.
Mais, à travers cet épisode, la communauté des affaires a pu apprécier son mode opératoire de prise de décision, rapide et tranchée. Ce qui renseigne sur la détermination de celui qui veut sortir son pays d’un permanent scandale géologique qui le mine depuis plus d’un demi-siècle. A Conakry, la route vers l’émergence d’un Etat de droit ne sera pas, il est certain, un long fleuve tranquille.