En prélude de la deuxième édition de la conférence sur le risque pays Côte d’Ivoire, prévue le 31 mai à Abidjan, Stanislas Zézé, PDG de l’agence de notation Bloomfield, revient sur les enjeux et les perspectives de cet événement organisé en partenariat avec Financial Afrik.
Vous organisez la deuxième édition de la conférence « Risque -Pays Côte d’Ivoire ». Quels sont les objectifs visés par cette manifestation ?
La seconde Edition de la conférence débat sur le risque pays cote d’ivoire, s’inscrit dans une logique de pédagogie, discussions et échanges constructifs, et de recherche de solutions pour une meilleure organisation de l’environnement des affaires et de la stratégie de développement durable. L’originalité de cette initiative c’est qu’elle est africaine et animée par une grande majorité d’africains qui désormais n’ont aucun complexe à parler des faiblesses et des opportunités des pays africains. Ce qui importe véritablement aux investisseurs aujourd’hui, ce ne sont pas les informations positives mais les vraies informations sur la capacité d’absorption, la capacité de gestion et la résilience aux chocs extérieurs des pays africains. Il existe encore une forte asymétrie d’information entre le investisseurs étrangers et les pays africains demandeur de capitaux et d’investissement directs étrangers. Qui mieux que les africains peuvent parler de l’Afrique dans tous ses contours ? Nous allons organiser chaque année une ou deux conférence débat sur le risque pays d’un pays africain donné. La conférence aura lien dans le pays concerné.
L’évaluation du risque pays requiert l’analyse d’un certain nombre de données. Justement, y-a-t-il des différences d’approche entre les agences internationales et leurs consœurs africaines?
Les méthodologies d’évaluation et les critères évalués sont généralement les mêmes à quelques différences près en fonction de la zone géographique et des réalités spécifiques aux pays évalués. Cependant l’approche peut être différente en fonction de l’angle et de la motivation de cette analyse. La connaissance pratique du terrain peut faire une grande différence dans l’évaluation à proprement parlée car la dimension culturelle et historique des pays africains peut avoir un impact particulier sur l’approche analytique.
Il est important de distinguer l’évaluation de risque pays de la notation financière souveraine même s’il existe des similitudes. La notation financière est l’exercice par lequel l’agence de notation va déterminer la qualité de crédit du pays concerné, c’est-à-dire sa capacité et sa volonté à faire face à ses obligations financières. Tandis que le risque pays mettra plus l’accent sur l’environnement des affaires et sa capacité à attirer les investisseurs locaux, régionaux et internationaux.
En ce qui concerne l’analyse du risque pays sur le continent africain, il me semble que pendant longtemps, cette analyse était faite par des personnes étrangères au continent qui le connaissait peu ou quelquefois pas du tout. La conséquence est que les analyses étaient biaisées et parfois truffées de préjugés vu la difficulté d’obtention d’information qualitatives et quantitative sur le continent quand on est à l’extérieur.
Aujourd’hui la donne a changé, vous avez des agences de notation africaines qui prennent le dessus et montrent qu’elles sont mieux outillées pour faire des analyses plus proches de la réalité et faire le suivi du risque sur le terrain. Bloomfield a créé depuis 5 ans, un département d’intelligence économique dédié à faire des analyses de risque sectorielles, des analyses de risque pays et construire des indices et des courbes de taux. Nous organisons des tables rondes de discussions et des conférences débats pour échanger sur les résultats de nos recherches avec des politiciens, des diplomates, des institutions multilatérales de développement, des étudiants, des professeurs d’universités, des ONG et des associations de tous genres. L’idée est de développer l’esprit de débats constructifs et d’échanges intra-africains.
Quelle appréciation faites-vous du risque-pays Côte d’Ivoire à deux ans des élections présidentielles de 2020?
Justement nous allons en parler à la conférence débat du 31 mai à Abidjan. Le rapport de risque pays Côte d’Ivoire que Bloomfield a produit traite de cette question vu son importance pour les ivoiriens et la communauté internationale.
En effet, 2020 représente pour la Côte d’Ivoire et la communauté internationale un enjeu crucial étant donné qu’il marque la fin d’un cycle de deux mandats présidentiels entamé en 2010. L’expérience de l’alternance politique qui s’est faite regrettablement par une crise militaire a laissé un mauvais goût aux observateurs qui se pose la question de savoir qui l’expérience malheureuse de 2011 ne se répètera pas en 2020. C’est une crainte tout à fait légitime mais nous a Bloomfield avons une autre lecture des choses. Nous pensons que l’élection présidentielle de 2020 sera un vrai teste de démocratie pour la cote d’ivoire. C’est bien la première fois de l’histoire électorale de la cote d’ivoire depuis l’indépendanceque personne ne peut affirmer avec certitude qui pourrait êtrele président de la république a l’issue des élections de 2020. Dans le passé cette question serait un jeu d’enfant. Nous pensons que la cote d’ivoire est à un tournant décisif de son histoire donc 2020 devient une date historique. Nous n’anticipons pas de crise majeure même si nous pensons qu’il pourrait avoir certainement de grosses querelles internes dans la majorité présidentielle. Les enjeux sont certainement au niveau de la coalition au pouvoir car l’opposition en cote d’ivoire pour l’instant est fragile et quasi inexistence dans le rapport de force politique.
L’année dernière, il a été beaucoup question des conséquences de la chute du cours de cacao et du niveau d’endettement. Quel est l’état global des équilibres macroéconomiques de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020?
Plutôt bon je dirai. Le niveau d’endettement est autour de 42% du PIB contre un benchmark de 70%. Une croissance économique qui va se situer entre 7 et 7.5% jusqu’en 2020. Un taux d’inflation qui restera bas à moins de 2% et un déficit budgétaire qui devra avoisiner les 3% à l’aube de 2020. Cependant, le taux de pauvreté reste élevé tout de même.
En ce qui concerne la chute des prix du cacao, vous avez bien vu que ça n’a pas affecté l’économie ivoirienne de façonsignificative car des prévisions de stabilisation en cas de baisse de prix du marché avaient déjà été prise par le gouvernement ivoirien.
En plus l’économie ivoirienne est de plus en plus diversifiée donc résiste mieux aux chocs extérieurs. Cette expérience des prix du cacao devrait inciterles autorités de ce pays à accélérer la diversification et l’industrialisation de l’économie de sorte à avoir une économie plus résiliente et plus exportatrice de produit finis que de matières premières.
Certaines agences comme Coface disent ne pas écarter totalement le risque de dévaluation du Franc CFA. Quelle est votre opinion ?
Pour la zone XOF (CFA UEMOA) une éventuelle dévaluationde la monnaie n’est pas à l’ordre du jour. Les performances économiques de cette zone monétaire sont en essor et les programmes d’industrialisation des économies de cette zone sont bien entamés. Cependant ce qui devrait préoccuper les gouvernements de cette zone monétaire c’est de commencer de réfléchir à une amélioration substantielle de la gouvernance du système de la monnaie FCFA qui est désormais obsolète, en entendant de mettre en place la fameuse monnaie unique CEDEAO dont parlent les dirigeants des 15 pays de cette zone économique et politique.
Pour finir, qui est habileté à assister à cette conférence ?
C’est une conférence gratuite mais sur invitation par Bloomfield. Seront présents a cette conférence, des diplomates, des institutionnels, des banques de développement, des banques d’affaires et banques commerciales, des universitaires et des chercheurs, des chefs d’entreprises, des politiciens, l’administration publique, le patronat et bien d’autres.