Par Daniel Agree
Analyse du Desk de recherche de SIKA ADVISORY
L’on peut dire sans risque de se tromper que les investisseurs à la BRVM traversent une période de doute qui ne dit pas son nom depuis la fin du premier trimestre 2018. Si tous les acteurs du marché régional reconnaissaient déjà ce fait, cela permettrait à tous de faire de meilleures réflexions pour sortir de cette période difficile. Comment stimuler la confiance des investisseurs ? Voilà la tâche difficile qui n’incombe pas seulement à la BRVM, mais à tous les acteurs du marché.
La baisse qu’a connu la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) en 2016 et 2017 continue de hanter les acteurs du marché. Pourtant, l’année 2018 qui avait débuté en baisse en clôturant le mois de janvier à -6,52%, donnait des raisons d’espérer avec une reprise de l’activité boursière en Février et Mars 2018. Tous les acteurs pensaient d’ailleurs que c’était la fin de la spirale baissière.
La preuve, le 27 Mars, on a même dépassé les 243 pts de clôture de l’année dernière. A juste titre, les acheteurs pensaient être parvenus à être les maîtres du jeu. Mais de façon technique, nous étions dans une période de sur-achat.
Depuis un moment, l’on constate que la stratégie des investisseurs de la BRVM a changé. Il est bien loin le temps où ils se contentaient d’une gestion passive de leurs comptes-titres.
L’une des raisons, la formation. En effet, de plus en plus de cabinets enseignent l’analyse technique et les investisseurs se forment à l’investissement boursier. Certains ont donc décidé dans la zone de sur-achat de récupérer leurs bénéfices.
Encore présente dans les esprits des uns et des autres, la baisse de 16,81% en 2017 a causé la panique chez certains investisseurs. Le marché a commencé à baisser à partir de la fin du premier trimestre 2018 et depuis lors, il n’y a pas eu de retournement de tendance. Atteignant même un plus bas niveau à 217,73 points, le Mardi 29 Mai 2018, engendrant une baisse de 10,42% depuis le début de l’année.
Le problème est-il fondamental ?
La Côte d’Ivoire a une croissance moyenne autour de 7% par année depuis 2012. 78% des sociétés cotées à la BRVM sont basées en Côte d’Ivoire. Logiquement cette croissance devrait impacter les performances de la BRVM dans un marché rationnel. L’impact de cette croissance sur les résultats des sociétés cotées est indéniable. Mais force est de constater que le marché semble ne plus être corrélé à l’environnement socio-économique de notre région (UEMOA). Et à bien y regarder nous nous rendons compte que les chiffres sont bien plus cruels que ce que l’on croit. A titre d’illustration :
Comparaison de la croissance économique UEMOA vs performance de la BRVM
Contraste entre la croissance économique dans l’UEMOA et le marché boursier sous régional = Ces deux figures traduisent bel et bien le contraste qu’il y’a entre la croissance économique dans l’UEMOA et le marché boursier sous régional. En effet, notre zone économique est l’une des plus dynamiques en Afrique avec une croissance supérieure à 6% depuis 2012. Mais fait étonnant, notre Bourse (BRVM) enregistre une performance inférieure à celle de 2008, soit 10 ans en arrière.
- Cas des BOA = La seconde illustration cible les BOA à savoir (BOA BN, BOA CI, BOABF et BOA Niger) : Ces quatre (4) banques ont enregistré une croissance exponentielle de 118,15% du résultat net sur la période 2012 à 2017. Pourtant, sur la BRVM les actions de ces entreprises ont enregistré une baisse vertigineuse qui ne semble plus s’arrêter depuis ces deux (2) dernières années.
Et à cette date nous enregistrons ( BOAC : -17.35%[1] ; BOA BN : -39,60% ; BOA BF : 34,27% et BOAN : -13.13%). Malgré la publication d’excellents résultats à l’exception de BOA Benin et la distribution de bon dividende dans une année de transition sur la règlementation Bale 2 & Bale 3, les cours de ses sociétés flirtent ainsi avec leurs prix historiques de l’année 2014.
- Frilosité des investisseurs = Le dernier exemple est relatif au manque de projection des investisseurs compte tenu de leur frilosité et de la crainte qu’ils éprouvent après une année 2017 difficile. En effet, durant ce mois, plusieurs sociétés ont publié des résultats trimestriels. A l’instar de UNIWAX dont le résultat net du 1er trimestre 2018 est en croissance de +49,7% et possède de surcroît un rendement de dividende[1] de 6.05%. Malgré le fait que tous les signaux de la société soient au vert, le titre a des difficultés à franchir la barre de 3 200 FCFA. Il continue ainsi de stagner sur ses plus bas prix sur trois (3) ans.
Ces exemples confirment juste que la contre performance de la BRVM n’est pas corrélée à l’économie ivoirienne ou même celle de la sous-région. Même les bons résultats des sociétés cotées à la BRVM semblent ne plus avoir d’incidence majeure sur les cours.
Quels sont donc les facteurs qui font baisser notre bourse ?
Nous pensons donc que la baisse du marché est d’ordre psychologique. Le marché boursier de la Zone UEMOA semble ne plus être sensible aux indicateurs micro et macroéconomiques, mais plus à la perception des investisseurs. Ce facteur psychologique est un élément certes difficile à corriger mais pas impossible.
Comment stimuler la croissance ?
Pour y parvenir, il serait important de relever des éléments pour stimuler la confiance aux investisseurs de la BRVM. Nous proposons donc les points suivants :
- Communiquer : les entreprises cotées doivent communiquer davantage sur leurs activités mais surtout sur leurs perspectives. Au-delà des traditionnelles publications, il faut une information permanente sur les sociétés cotées. Car, tant qu’elles resteront dans les canaux traditionnels de communication, le mal mettra du temps à être corrigé.
- Attirer de nouveaux investisseurs tant internationaux que nationaux : Les phases de sensibilisation à l’investissement Boursier doit être accrue. De nombreuses structures et cabinets incitent de nos jours, la population à investir via la Bourse. Une initiative louable certes, mais le régulateur et la BRVM devraient encadrer ces structures et mieux les former pour atteindre ensemble notre cible commune.
- Rassurer les investisseurs : Les acteurs du marché (BRVM, FONDS, SGI ; SGO…) doivent eux aussi désormais sortir le grand jeu de la communication et rassurer le marché. Cela passe par des rencontres, des articles sur les opportunités de cette conjoncture (contexte économique favorable, sociétés solides, bonnes perspectives de croissance et plusieurs valeurs sous-évaluées). Ainsi que des interviews pour rassurer les investisseurs afin de réduire les pressions vendeuses et stimuler une tendance à l’achat.
Le rôle des analystes financiers : Il est également important d’encourager les analystes du marché à produire suffisamment de notes de recherche, mais aussi faciliter la création de Desk de Recherche Indépendant. Il y a un manque d’analystes sur le marché de l’Uemoa. Les investisseurs qu’ils soient institutionnels et surtout petits porteurs, ont besoin d’être encadré dans leurs transactions. Ils ont besoin de meilleurs conseils.
[1] Nous avons utilisé la date du 29-05-2018 pour le prix des actions
[2] UNIWAX a annoncé un dividende brut de 193 FCFA.
Texte proposé par le desk de recherche de SIKA ADVISORY
Daniel AGGRE- Directeur et fondateur de Sika advisory est agrée par le CREMPF AA/2018-01
4 commentaires
Très belles analyses pour les investisseurs que nous sommes.Il serait intéressent d’avoir régulièrement des infos de ce genre sur la BRVM.
Tous ceux qui savent comment fonctionne vraiment une bourse savent que cette baisse est provoquée. Les vrais maitres du marché sont dans une phase d’accumulation. La distribution viendra inévitablement. L’objectif est de pousser les petits porteurs a vendre pour devoir racheter quand les prix vont monter. La bourse ne montera pas tant que les gros requins n’auront pas fini de manger tous les petits poissons qui ne savent pas comment la bourse fonctionne. Ce n’est qu’une question de temps.
Très belle façon de voir les choses. C’est une analyse pertinente et qui traduit l’état actuel du marché. Les grands continuent de dicter leur loi. Ensemble on peut toujours inverser la tendance. C’est mon humble avis…
Très belle façon de voir les choses. C’est une analyse pertinente et qui traduit l’état actuel du marché. Les grands continuent de dicter leur loi. Ensemble on peut toujours inverser la tendance. C’est mon humble avis…