Si l’Afrique a bien affirmé son engagement à jouer sa partition dans la mobilisation mondiale contre le changement climatique, la question du financement de cette ambition continue de se poser deux ans après l’Accord de Paris sur le changement climatique. Le sujet a été au centre de la 4ème édition du Green Finance conférence ou conférence internationale sur le financement de la croissance verte en Afrique tenue ce 19 juin à Abidjan.
Comment financer une croissance économique qui soit respectueuse de l’environnement« verte et inclusive », avec « un contenu local poussé » ? Tel est l’enjeu de la rencontre d’Abidjan présenté par Félix Bikpo, directeur général du Fonds Africain de Garantie (AGF, African Guarantee Fund en anglais) à l’ouverture des assises. L’idée est en effet de « permettre au continent africain de profiter pleinement des opportunités de marché aussi bien que d’honorer les engagements » au niveau international, a renchéri Arancha González, directrice exécutive du Centre du commerce international (ITC), co-organisateur de l’évènement.
Au cœur de cette problématique, la question de la mobilisation des financements à destination d’investissements durables sur le continent. Et dans cette optique, le secteur privé et plus encore les PME, représentant « 98% des entreprises » apparaissent comme la voie la plus opportune pour bâtir une croissance verte en Afrique.
« Aujourd’hui, pour pouvoir jouer ce rôle de moteur de la croissance, ces PME doivent investir dans la technologie verte afin de pouvoir opérer dans un environnement écologiquement viable pour la pérennité de leurs activités et partant de nos économies », a souligné Félix Bikpo.
Les PME permettent en effet de s’assurer que les financements vont impacter toutes les couches de la société, même les plus modestes, a argumenté Arancha Gonzalez. « Nous pensons qu’il faut travailler au niveau des PME. Elles constituent l’épine dorsale de nos économies, générant plus de 60% de nos emplois, en particulier pour les femmes et les jeunes. Et nous savons qu’une PME qui exporte est une PME plus productive, plus compétitive et qui prodigue de meilleurs salaires » a-t-elle ajouté.
Toutefois la mobilisation des fonds pour accompagner la transition vers une croissance plus verte reste encore problématique. Il y a des institutions comme la BOAD (Banque ouest africaine de développement), accréditée auprès des trois principaux fonds – Fonds d’adaptation aux changements climatiques, Fonds vert pour le climat et Fonds pour l’environnement mondial. – qui gère des lignes de financement vert en direction de la zone UEMOA. Il y a également le NDF, le Fonds nordique de développement (une institution financière commune au Danemark, à la Finlande, à l’Islande, à la Norvège et à la Suède, axée exclusivement sur le changement climatique et le développement dans les pays à faible revenu) qui accorde notamment des financements à des intermédiaires en Afrique comme AGF, ou encore la BAD, la Banque africaine de développement qui octroie aussi des lignes de crédit pour des projets écologiques. Mais comme le relevait un des participants : « l’argent ne circule pas vers les PME ».
En effet, les banques commerciales principales bénéficiaires de ces lignes de financement vert, sont accusées de réclamer des intérêts trop onéreux et que des échéances de 5 ans au mieux, un délai jugé inadapté aux besoins d’investissements importants des PME. Une donne qui peut être contournée selon Yacoubou Bio SAWE, le directeur de l’environnement et de la finance climat de la BOAD, par la mobilisation de ressources concessionnelles auprès des bailleurs de fonds internationaux, mais « ces ressources sont de plus en plus rares », a-t-il reconnu.
Mais, encore faut-il que les PME aient des projets bancables. « La majorité des PME ne sont pas viables et n’ont pas la capacité à absorber des ressources importantes » via leurs projets, a soutenu Yacoubou Bio SAWE, qui propose par ailleurs une incitation au regroupement de ces entreprises afin qu’elles aient une taille critique à même d’intéresser les investisseurs.
« Où sont donc ces financements ? »
Ces bailleurs de fonds soutiennent toutefois qu’il bien existe des fonds. « Les lignes de crédit et les mécanismes de garantie ne manquent pas, et pourtant ils restent sous-utilisés », a relevé Arancha González.
« Où sont donc ces financements ? », a interrogé Patricia Zoundi, patronne de PME à la tête d’une organisation regroupant des entreprises ayant obtenu un label international, mais qui n’ont malheureusement pas encore obtenu de financement bancaire.
D’un autre côté, il existe des PME qui ont des solutions innovantes dans le domaine écologique avec ont un potentiel de développement important mais qui n’ont pas une structuration ou encore un profil de nature à intéresser le monde financier. « Nous sommes dans un domaine du financement vert que les banques ne maîtrisent pas forcement encore, alors qu’il y a en face des initiatives, des petites entreprises qui ont des solutions d’avenir viables notamment dans l’économie d’énergie. Mais il n’y a pas de banque pour les aider à amorcer leur décollage », a avancé Edi Boraud, président de l’AIER, l’association ivoirienne des énergies renouvelables.
« Nous sommes PME, nous savons que nous ne sommes pas rentables pour le moment, mais nous sommes dans des secteurs porteurs et nous avons besoin d’être encadrés et d’avoir des fonds pour améliorer nos performances ».
Appel à un engagement des États
Dans ce contexte où l’on recourt à des financements extérieurs, l’on oublie que des ressources peuvent être levées dans les économies locales notamment grâce à des incitations. « Les financements pourraient bien venir des marchés domestiques », a suggéré une participante à la rencontre. « Les marchés publics peuvent être orientés vers des projets verts afin de susciter une dynamique au sein des Etats qui devrait amener le secteur financier à s’y intéresser », a-t-elle observé.
Trois pistes de solutions à explorer
Dans son intervention, Arancha González, a évoqué trois pistes qui peuvent être explorées afin de donner un précieux coup de pouce aux PME. D’abord, elle suggère d’adapter l’ingénierie financière à l’analyse risque des PME. Les processus d’évaluation des risques standardisés adaptées aux grandes entreprises ont tendance en effet à surestimer les risques de défaillance présentés par les PME, ce qui entraîne souvent le refus de financement, ou un coût du capital élevé et décourageant, note-t-elle.
En outre, les Etats pourraient travailler à la « création d’un écosystème d’appui à la compétitivité de la PME » via un mécanisme « pro-PME » de réformes, de renforcement des capacités et d’accompagnement adéquat. Et enfin, l’approfondissement de l’intégration économique et commerciale régionale et continentale est une voie qui va ouvrir des opportunités d’expansion à ces entreprises.