Dans un monde où l’uniformisation et la standardisation des idées et des comportements est la règle, Nelson Mandela symbolisait le refus. Cette voix sourde, preuve de vie et d’humanité, qui bat en nous et que nous étouffons tous les jours en notre for intérieur pour les besoins de la carrière.
Adama Wade
Parce qu’il ne faut pas paraître singulier ou «extrémiste», l’homme moderne est entré dans une ère de soumission à la pensée unique et d’uniformisation des comportements , d’harmonisation des prises de position et de gommage des accents.
Mandela était de ceux, rares, qui ont dit «non » et persévéré par le combat pour faire triompher le bien commun. Or, en Afrique, si Madiba est chanté partout, il a suscité peu d’adeptes dans les cercles dirigeants lesquels préfèrent gérer leurs pouvoirs sans prise de risques, en acceptant les règles et les conditions de l’autre.
La domination, disait Pierre Bourdieu, secrète le collaborationisme. Si tel est le cas, nous sommes tous devenus «collabos ». En effet, à force de realpolitik et de soumission, nous avons renégocié nos indépendances. Nous avons accordé un monopole de fournitures d’armes à telle grande puissance pour rentrer dans les bonnes grâces. Nous avons gelé les prix de telle matière première à notre détriment par réflexe de soumission. Nous avons accepté des accords bilatéraux déséquilibrés où la libre circulation des personnes se fait dans un seul sens. Nous avons accepté des bases militaires pour nous protéger etc. A la longue, nous avons renégocié notre dignité, notre humanité et réintroduit un apartheid soft et normalisé avec la complicité de nos élites.
Si les lois brutales qui avaient cours en Rodhesie et en Afrique du Sud ont disparu grâce au combat de Nelson Mandela, leur violence symbolique est toujours là dans une vision prédatrice de l’Afrique. A force de compromis, à force de vouloir plaire à tout le monde, l’africain est devenu un invertébré soumis au calendrier chinois, à l’agenda français, turque ou brésilien.
Finalement, cet esprit de réalisme érigé en constance de la politique africaine est l’expression la plus aboutie du renoncement de soi au profit de l’estime de l’autre. La fascination –sublimation par le dominant entraîne le dominé à s’amputer toute idée susceptible de froisser ou de déranger dans une relation déséquilibrée pouvant être nourrie, par moments, par une complicité harmonieuse. Il est temps que l’Afrique s’affranchisse de ce complexe de Stockholm en initiant un nouveau partenariat, effectif, avec ses anciens maîtres.
Combien de nos leaders ont renoncé au noble combat du parachèvement de nos indépendances au profit d’une carrière sécurisée ? Que toutes ces élites tétanisées par les enjeux du moment, et terrorisées à l’idée de courroucer le partenaire, considèrent le combat de Nelson Mandela. Que ces élites qui hésitent à émettre un son discordant, à l’encontre du ronronnement monotone diffusé par les médias (usines à consensus), aient une minute réelle, hors caméra, pour Nelson Mandela.
Le hasard a voulu que le départ de ce phare de l’humanité intervienne à la veille d’un sommet France-Afrique, certes dynamique et constructeur mais, avant tout, reliquat de la colonisation. Madiba a tiré sa révérence, alors qu’une intervention franco-onusienne en République centrafricaine, symptomatique de l’incapacité de l’Union africaine à concrétiser son refus de l’ingérence, s’est donnée pour rôle d’ éviter une nouvelle somalisation au coeur du continent. Sacré Madiba !
2 commentaires
Malheureusement, le combat de Mandela n’a pas fait beaucoup d’émules en Afrique. Cela nous aurait grandi.
De la Côte d’Ivoire, de la centrafrique, du soudan, de la somalie et au Burundi… ce sont des Africains qui brûlent et tuent d’autres Africains au nom de l’ethnie, de la religion et du leadership. Le mal n’est pas l’autre mais se vautre en l’homme !