Correspondance spéciale (Nairobi)
C’est peut-être le secret le mieux caché de l’Afrique émergente, en gestation, celle où des infrastructures structurantes, dans des secteurs décisifs pour son développement, pourraient enfin lui donner le visage que des observateurs attentifs attendent d’elle: une force incontournable d’un monde dont les rapides mutations n’ont pas fini de livrer leurs secrets.
Ce n’est pour le moment qu’un nom institutionnel voire un quasi sigle -Africa50. Peu d’africains, encore moins de non-Africains, en ont encore entendu parler, même si voici bientôt cinq ans que ce fonds a été mis en place par les États africains, sous l’égide de la Banque africaine de développement (Bad). Avec une mission claire: travailler, étroitement, avec ses actionnaires gouvernementaux et d’autres partenaires, pour réduire le déficit dans le financement des infrastructures sur le continent.
Une mission claire
Surmonter son propre manque de visibilité, se faire un nom, s’imposer comme la plateforme par excellence, légitimée par toute l’Afrique, ne devait donc pas être, à ce stade-ci, ses principales préoccupations. Mais, en tenant le 19 Juillet l’Assemblee générale de ses actionnaires (AGA), dans la capitale Kenyanne, Africa 50 ne pouvait éluder ce défi accessoire. Se faire connaître ne sera cependant bientôt plus un enjeu. Son Président directeur général (PDG), Alain Ebobissé, en est convaincu en confirmant qu’Africa 50 se trouve désormais sur une rampe de lancement pour prendre le leadership dans le secteur de la construction et du déploiement des infrastructures sans lesquelles le rêve d’une Afrique économiquement viable, intégrée, risque de demeurer une chimère.
Dans une capitale Kenyanne où surgissent partout déjà les infrastructures en train de remodeler, moderniser, son visage, avec de nouveaux aéroports, des autoroutes, des voies ferrées, des ports etc, le discours enthousiaste sur la mission confiée à Africa 50 a eu une résonance en phase avec le contexte environnant. C’est dire que le choix de cette ville, au cœur de l’Afrique de l’Est, pour abriter la 3eme Assemblée générale de ses actionnaires relevait d’une intelligente inspiration.
25 États actionnaires
Surtout que, fraîchement confirmé à la tête de son pays, le Président Uhuru Kenyatta n’a pas hésité à venir personnellement présider la cérémonie d’ouverture de la réunion, en présence d’importantes autorités officielles et privées venues des 25 États actionnaires (et deux banques centrales) et du reste du monde. En plus d’être lui-même le promoteur d’un Agenda de développement national de son pays articulé autour de 4 urgences, rimant avec les infrastructures à l’œuvre au sein d’Africa 50, il a souligné, en ouvrant les travaux, l’importance des secteurs de l’énergie, des transports, des nouvelles technologies de l’information, de l’eau, de l’assainissement.
En donnant les incitations idoines pour que le secteur privé se montre plus audacieux, actif, afin de profiter des opportunités qu’offre l’Afrique émergente. “Le secteur privé doit redoubler d’efforts pour nous aider à combler le déficit du continent en matière d’infrastructures puisque les financements publics sont limites”, urge le numéro un Kenyan.
Devant un auditoire conscient du rôle critique des investissements dans les infrastructures, le Président Kenyatta a montre la voie, pour davantage convaincre le secteur privé qu’Africa 50 est le véhicule de choix pour participer au développement des infrastructures en Afrique. Sous les applaudissements, il a annoncé le doublement à 100 millions de dollars de la contribution de son pays à ce Fonds africain.
“Nous devons agir vite et de toute urgence”, a renchéri Docteur Akinwumi Adesina, le Président de la Bad. Avant, en sa capacité de Président du Conseil d’administration d’Africa 50, de souligner la nécessité de combler le déficit annuel de 108 milliards de dollars pour bâtir les infrastructures vitales à l’Afrique.
Sur des besoins évalués à plus de 170 milliards de dollars par an, on peut dire que le compte est loin d’être bon. C’est dans ce contexte que le mandat de Africa 50 apparaît plus qu’essentiel, stratégique. Dans un premier temps, sans avoir une marque de fabrique reconnue à travers le continent, il n’en inspire déjà pas moins confiance. “Africa 50 a pris l’initiative de soutenir les projets d’infrastructures partout où ses actionnaires lui ont demandé de le faire”, précise Henry K. Rotich, Ministre Kenyan des Finances et du Plan.
Catalyseur vers une nouvelle Afrique
Autant dire qu’au vu des urgences à travers le continent pour résorber les lacunes en matières d’infrastructures face à une démographie galopante, susceptible de se transformer en menace, et aussi en raison d’une citoyenneté plus exigeante, de part en part du continent, Africa 50 est destiné à être le catalyseur vers la nouvelle Afrique -ou à empêcher son émergence s’il ne donne pas les résultats attendus de son action.
Le fonds semble s’être préparé à réussir sa forte mission à travers ses deux mécanismes : d’une part, se faire l’instrument de développement de projets, et, d’autre part, promouvoir le financement de ces projets. Son équipe de direction se veut rassurante. “Nous avons un solide pipeline de projets, avons amélioré notre capacité de financements pour attirer plus d’actionnaires publics et des investisseurs institutionnels, et recruté un personnel de classe mondiale de spécialistes en infrastructures”, explique Ebobissé.
Le fonds Africa 50 est désormais totalement opérationnel, a t-il dit devant ses actionnaires. “Il est en passe d’accélérer ses activités”. Et ses avantages listés par son principal dirigeant en font une institution unique pour mobiliser plus d’investissements privés dans les infrastructures en Afrique. L’un de ses grands avantages, assure-t-il, est d’avoir une approche intégrée. Sans oublier qu’il peut déployer du capital aussi bien à l’aube des projets qu’à leur phase de maturation. “Nous sommes un guichet unique, en plus d’être une organisation petite par sa taille mais agile, ayant une culture du privé”, se félicite son PDG.
Se voulant l’interface capable d’amener privé et public à mutualiser leurs moyens financiers, pour aider à rendre commercialement viables les projets qui lui sont soumis, mais aussi de lubrifier les relations entre gouvernements et privés, Africa 50 se prépare à croître à un rhyme plus soutenu. C’est à ce prix qu’il peut réaliser sa mission de réduire le déficit de financement des infrastructures en Afrique.
Alain Ebobissé, optimiste, afro-optimiste
Ne pas y parvenir, ce serait subir les contrecoups d’un coût d’opportunités négatifs. Alain Ebobissé ne veuf pas en entendre parler. Optimiste, Afro-optimiste, il voit plutôt les infrastructures comme un champ d’application du gagnant-gagnant. “L’investisseur en tire un décent retour, le citoyen obtient les infrastructures dont il a besoin et le gouvernement peut attirer d’autres investissements, hormis le cadre propice au développement qu’ils peuvent revendiquer”.
Avec l’adhésion du Rwanda, nanti maintenant de 880 millions de dollars de capital souscrit, rêvant de porter ses capacités financières à plus de 3 milliards de dollars, le Fonds Africa 50 est un nom qui n’a pas fini de gravir les marches de la notoriété. Le succès de l’assemblée générale de ses actionnaires dans la capitale du Kenya ne l’y a pas fait que mieux connaître. C’est un label puissant qui a pris sur place l’envol d’un départ plus fort. Comme annonciateur de la nouvelle Afrique, optimiste et sûre d’elle-même !
*Envoyé Special à Nairobi.