Dans une tribune publiée récemment, Alpha Saliou Wann, de l’alliance des forces démocratiques (AFD), observateur de la vie socio-politique guinéenne a battu en brèche l’affirmation selon laquelle l’État Guinéen subventionne le carburant. Subvention qui, justement est au centre de la crise actuelle et dont « l’abandon » a provoqué automatiquement la hausse du prix du litre d’essence et de gasoil à la pompe.
« Il faut réfuter l’argument phare du gouvernement qui affirme que les subventions du carburant ont fait perdre à la Guinée 765 milliards de francs en six mois. Je dis bien : l’Etat ne subventionne pas le carburant en Guinée. On parle de subvention, lorsque le prix de vente est inférieur au prix de revient, dans notre cas, par exemple quand le coût de revient est à 9.000 francs le litre et donc que l’État prenne en charge la différence de 1.000 francs pour garantir aux consommateurs le prix de 8.000 francs. Tel n’est pas le cas »
« Il faut savoir d’abord que l’État n’importe pas le carburant, ce sont les filiales des multinationales pétrolières de la place qui s’en chargent. Ainsi, selon la structure des prix des produits pétroliers de l’office national du pétrole du mois de juin 2018, les prix d’un litre d’essence et de gazoil rendu au port de Conakry sont respectivement de 5.199 francs et 5.345 francs. L’État fixe les marges des distributeurs et des détaillants, ainsi que la péréquation transport. Sur chaque litre vendu, le distributeur gagne 495 francs et le détaillant 285 francs, la péréquation transport est de 440 francs, ce sont des montants forfaitaires. Je rappelle que ce sont les distributeurs et les détaillants qui prennent tous les risques, notamment les investissements, les salaires, les frais bancaires etc. Par contre, l’État s’octroie la part du lion avec 1.581 francs/litre pour l’essence et 1.435 francs/litre pour le gasoil » explique cet observateur.
Qui peut parler de subvention, s’interroge-t-il, lorsque l’État gagne sur chaque litre vendu 1.581 francs pour l’essence et 1.435 francs pour le gasoil? S’interroge-t-il.
Comme le dit l’adage, poursuit-il « gouverner, c’est prévoir », mais malheureusement, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils font le pilotage à vue. Quand les cours du pétrole étaient au plus bas, l’État a engrangé des recettes colossales, mais elles étaient exceptionnelles, il fallait donc prévoir leur baisse à la remontée des cours.
« C’est l’erreur souvent commise par les gouvernements africains, en période de vaches grasses, ils ne font pas des investissements d’avenir, ni ne préparent la période des vaches maigres. Au plus fort de la crise avec les syndicats en 2016, j’avais fait un plaidoyer pour la baisse du prix du carburant en expliquant qu’au vu de la structure des prix des produits pétroliers de février 2016, une marge existe pour le faire. L’essence et le gasoil étaient livrés au port pour respectivement 2.982 francs et 2.347 francs, les marges distributeurs, détaillants et péréquation transport restant inchangés, soit 495, 285 et 440 francs par litre. L’Etat gagnait donc 3.798 francs/litre pour l’essence et 4.433 francs/litre pour le gasoil ».
« De juin 2014 à septembre 2017, le gouvernement a largement profité de la forte baisse des cours du pétrole. Comme ils sont habitués à la facilité, avec l’absence de toute réflexion stratégique, ils sont désarmés face au retournement de conjoncture. Maintenant, Ils veulent coûte que coûte faire supporter à la population le fardeau de leur incurie. Ils considèrent comme un acquis définitif le niveau des taxes sur le carburant à minimum 3.500 francs par litre et donc pour eux, toute baisse de ce montant est une subvention accordée généreusement aux Guinéens ».
En fait, l’enjeu pour le gouvernement, selon lui, c’est de maintenir le niveau des taxes obtenues sur la période de chute exceptionnelle des prix du pétrole.
Le prix du carburant est un facteur clé de l’économie d’un pays. Même un économiste en herbe sait qu’en l’état actuel de notre économie, estime-t-il, l’augmentation du prix du carburant est une décision dévastatrice pour nos acteurs économiques que sont les entreprises et les ménages, donc nuisible pour l’économie.
Bref cet analyste s’évertue à nous expliquer que l’État Guinéen ne fait pas de subvention en tant que tel en finançant de l’argent liquide ou en abandonnant totalement les taxes pour amortir le principe de flexibilité des prix des produits pétroliers sur le marché, mais plutôt abandonne une partie des taxes (pas toutes), puisqu’elle gagne toujours sur chaque litre rendu au port (en termes de taxes bien sûr).
Selon lui, l’État n’a jamais perdu de l’argent dans ce schéma, mais malgré tout n’entend donc plus baisser les taxes en fonction des cours, ni abandonner une partie des taxes sur les produits pétroliers et veut recouvrer désormais 100 pour cent des taxes à prélever quelle que soit la tendance du baril à l’international, pour maintenir le même niveau de recette que pendant la baisse des cours.