La communauté internationale a souvent considéré le Gabon comme un mauvais élève. Alors que les recettes pétrolières avaient fait du Gabon un pays riche du temps de la grande prospérité dans les années 70-80, il est réaliste de constater aujourd’hui que la baisse de la production pétrolière et donc des réserves sont bien réelles. D’où la nécessité d’une diversification urgente de l’économie, encore lente, mais prometteuse pour la décennie à venir.
Il n’ y a plus de doute que les réserves pétrolières du Gabon sont en repli et que les espoirs de nouvelles découvertes reposent désormais sur l’exploration offshore, plus onéreuses, certes, mais pour lesquelles les compagnies pétrolières souhaitent désormais partager les risques en se regroupant. Les découvertes récentes dans le secteur du gaz pourraient générer des opportunités nouvelles de développement du secteur, à travers un bassin sédimentaire d’une superficie de 247 000 Km² dont 30% on-shore et 70% off-shore. Environ 47% de la surface attribuée est ouverte à l’exploration.
Si la production gabonaise en hydrocarbures s’était établie à 11,92 millions de tonnes en 2015, soit environ 230 000 barils/jour, en hausse de 8,6% par rapport à 2014 du fait de la mise en production de certains champs marginaux et de l’optimisation d’autres champs, en 2018 cette production est en dessous de 200 000 barils/jour. Mais la production est continuellement en repli du fait du déclin naturel des champs matures.
Rappelons que depuis le début de l’exploitation pétrolière au Gabon dans les années 60, la production a atteint son pic en 1997 (qui correspondait à la production maximale atteinte par Rabi, le plus gros gisement du Gabon) avec un plafond record de 18,56 millions de tonnes. Les espoirs se tournent désormais vers l’exploitation en off-shore profond qui a fait l’objet d’appels d’offres successifs pour l’attribution de blocs pétroliers. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la part du pétrole dans le PIB gabonais s’élevait en 2015, à 31,6% et l’essentiel de la production de pétrole gabonais (brut essentiellement) est exporté. L’Asie demeure la première destination du pétrole produit au Gabon (51%), suivie par l’Europe (31%). Viennent ensuite l’Amérique Latine et les Caraïbes (15%) suivie de l’Amérique du Nord (3%), aujourd’hui autosuffisant.
La diversification d’une économie exige du temps et des compétences
Faute d’avoir osé, il y a une quarantaine d’années, à diversifier son économie et à former des opérateurs économiques capables de soutenir son tissu commercial, le Gabon a bâti sa richesse exclusivement sur le pétrole, le bois et quelques matières premières dont la production a été mal contrôlée. L’inégale répartition des revenus d’une population de 1,9 millions d’habitants pose les véritables problèmes de développement. La situation alarmante, responsable de l’aggravation du chômage, résulte de la mauvaise politique économique des gouvernements qui se sont succédés depuis les années 1970, période de la grande prospérité pétrolière.
Aujourd’hui, le Gabon n’est plus considéré comme un bon élève du Fonds monétaire international (FMI) ni de la Banque mondiale. Les investisseurs ne se bousculent plus à son chevet, et le soutien de la France ne suffit plus pour «changer les mentalités des dirigeants» trop dépensiers. L’absence d’une justice fiable, la corruption qui gagne les agents de l’Etat et les détournements des deniers publics qui se multiplient, ne plaident pas non plus pour la bonne gouvernance. Depuis quelques années, les données ont changé. Le pétrole, principale ressource du pays, s’épuise, les subventions mal affectées ont contraint la communauté internationale à être plus regardant dans les dépenses du Gabon.
La place de l’industrie dans la production nationale est très limitée : à l’exception de la transformation du bois, elle est essentiellement tournée vers le marché intérieur. A la faveur de la crise économique, le secteur informel a pris ces dernières années une place importante dans l’économie gabonaise, même si les données relatives à sa contribution dans le PIB ne sont pas disponibles. Le Gabon est en devoir aujourd’hui, non seulement de réajuster, mais aussi de diversifier progressivement son économie pour pouvoir sortir du piège du pétrole.
La majorité de la population (environ 800.000 hab.) vit dans la capitale, Libreville. Comment l’Etat arrivera-t-il à résoudre les problèmes de base en cette période de crise, alors qu’il n’a pas pu le faire au cours des années fastes ? Comme tous les pays pétroliers, le Gabon a souffert de l’énorme place que prend le pétrole dans son économie. Le gouvernement essaie d’inverser progressivement la tendance. Le pari est difficile.
Entre pétrole et bonne gouvernance
La relative opulence des années de croissance pétrolière et l’entrée au gouvernement d’opposants notoires ont préservé jusqu’alors le pays de rivalités ethniques trop violentes. Mais la construction de la nation gabonaise, à coups de slogans, n’a été qu’un leurre visant à tromper les institutions internationales et les gouvernements étrangers. Les postes ministériels, qui continuent à être attribués en fonction de considérations ethniques, alimentent un gouvernement pléthorique.
L’activisme du gouvernement, marqué par une suite d’initiatives dispersées, apparaît davantage comme le fruit d’une stratégie personnelle que comme un grand dessein collectif, que pourrait effectivement constituer l’intégration régionale. Un tel objectif, le seul qui vaille pour le Gabon dans la perspective de l’après-pétrole, paraît pour l’heure inaccessible.
Pour sortir de la crise, à l’heure où les activités économiques hors pétrole s’enlisent, les dirigeants à la tête d’un Gabon très centralisé et sans réelle assise populaire, devraient consentir à pratiquer de larges abandons de souveraineté et réussir à entraîner l’incontournable adhésion des populations.
Par Antoine Lawson