Par Adama Gaye
Sans nul doute, tous les amis de la Côte d’Ivoire ont-ils poussé hier soir un grand ouf de soulagement en vous entendant dire, en termes subliminaux, que vous alliez œuvrer à passer le Témoin, en 2020, à une nouvelle génération de leaders Ivoiriens, plus jeunes. Qui n’a pas été bluffé, séduit, par la puissance, la profondeur et la pertinence de ce discours prononcé à la veille de la fête, ce jour, de l’indépendance nationale de votre pays.
En vous extirpant de la lourde équation nationale, en indiquant votre choix de ne pas en être, vous en simplifiez les termes en même temps que vous offrez au pays les meilleures des possibilités vers un retour à la paix, à la stabilité, à la démocratie. Par votre décision, vous réduisez, ipso facto, la tension politique grippant cette belle Côte d’Ivoire depuis le début des années 1990: les félicitations du Front populaire ivoirien, ex-Parti au pouvoir, diabolisé depuis la guerre, immédiates et sincères, sont la meilleure preuve que vous avez touché les cordes les plus sensibles de vos compatriotes. En décidant, dans la foulée de votre effacement, d’amnistier huit cent détenus dont l’épouse de l’ex-président Gbagbo, vous avez su, avec brio, remettre les compteurs à zéro.
Geste remarquable. Acte de pardon de portée plus que symbolique. Intelligence politique salutaire. Bouffée d’air. En tant que président de ce beau pays baigné par la Lagune Ébrié, vous avez même fait plus que tout ça: vous l’avez remis définitivement dans son socle authentique de terre de paix, qu’il naurait jamais dû quitter…
“La Paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement”, proclamait du reste un des slogans fétiches de son père fondateur, Félix Houphoue-Boigny, slogan inscrit sur tous les frontons des bâtiments et panneaux publics du pays. Avant que la guerre, la sale guerre, civile, ethnique, politique, n’en vienne fracasser la valeur, en le réduisant en une tragique farce.
Vous lui avez redonné son sens premier. Vous, l’éminent économiste, PhD de Wharton, ancien Gouverneur de la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest, ancien numéro 2 du Fonds monétaire international (FMI), avez su prouver que le développement n’était pas seulement une question de briques ou infrastructures techniques. Vous nous avez dit qu’il était d’abord un phénomène intangible, immatériel, porté par des valeurs imprescriptibles.
Au surplus, en vous élevant hier, votre discours, sage, juste, réparateur, a donc restitué à la Cote d’Ivoire sa place de leader africain dans la compétition qui compte le plus dans les affaires mutantes de notre actuel et futur monde. Plus que la course aux statistiques économiques, aux taux de croissance, aux investisssments, aux victoires électorales, aux victoires sur les adversaires politiques. D’avoir recentré le débat en prouvant que sans paix, sans réconciliation, sans pardon, tout devient factice, vous êtes devenu le leader dont Houphouet Boigny est enfin fier de savoir qu’il l’a remplacé. On peut le dire, sans risque d’être dementi: depuis cette nuit, le vieux sage Baoule dort du sommeil du juste. Les cliquetis d’armes se sont tus. Côte d’Ivoire is indeed back.
Bravo de n’avoir pas écouté les flagorneurs. De n’avoir pas donné droit à ce titre paru en UNE de Jeune Afrique, il y a deux mois, qui semblait vous admonester de vous porter candidat à une autre, inacceptable candidature. Bravo d’avoir fermé les yeux sur les crimes de vos adversaires et de ceux du pays en libérant non seulement les fautifs, justiciables d’une longue peine, mais d’avoir libéré le pays de ses démons…
L’histoire vous le revaudra. Elle retient déjà que par votre discours, vous redonnez à votre pays ce bol d’air qui lui permet, démocratiquement, sereinement, ethiquement, ethniquement, en harmonie, dans un débat contradictoire, de manière civilisée, patriotique, de faire désormais la course en tête en Afrique.
Le miracle ivoirien n’était donc pas un mirage, ni un vain mot. C’est une réalité tangible et…intangible. Que les acteurs du champ politique, social, économique se doivent de couver comme des poussins le sont d’une tendre mère poule.
Vous leur avez montré la voie. En fructifiant l’héritage d’Houphouet.
Alors, ne nous retenons-pas: Bravo, President.
Je garderai précieusement, pour ma part, votre gentil mot, à mon endroit, que j’ai reçu, autre signe de grandeur, quand vous avez semblez vouloir m’indiquer votre gratitude pour le témoignage que j’avais porté, à son décès, sur notre commun mentor, humble et brillant, notre maître Mamoudou Toure, ancien grand patron au fmi, ancien gourou de la finance en Afrique.
Permettez aussi que je pousse un ouf de soulagement et fierté, en pensant à un jeune collègue, camarade de classe, aussi brillantissime que poli, le jeune ivoirien Tanon Segui Martial-junior , avec qui j’ai partagé les bancs de l’université Paris 2, pour un diplôme sur les investissements en Afrique. Quand ici même et sur Financial Afrique, je vous avais adjuré de ne pas donner droit à ceux qui vous poussaient à aller vers un troisième mandat, celui “de trop”, écrivais-je, son commentaire qu’il avait posté sur ma page m’avait ému : “Pourvu qu’il vous écoute”, avait-il sobrement écrit…
Aussi bien, anxieusement, hier nuit, ai-je lu votre discours à la nation, la peur au ventre de ne pas y trouver les mots de sagesse que j’en attendais. En le terminant, j’étais submergé de satisfaction. Tout y était. La densité. La classe. La grandeur…
J’en suis heureux. Pour vous. Pour la Côte d’Ivoire. Pour l’Afrique.
Sur tous les points, vous avez été a la hauteur: un leader sublimissimo!
Que Dieu vous garde. Vive la Côte d’Ivoire. Bonne fête d’indépendance!
Ps: Je prie Dieu que votre discours fasse tache d’huile. Je m’engage, en plus de l’avoir posté sur ma page pour qu’en nul n’en ignore, à l’envoyer par la poste à Monsieur Macky Sall. Il doit être sa lecture de chevet, en ces heures où les errements les plus loufoques et les conseils les plus dangereux peuplent ses neurones ayant perdu tout répondant.
*Journaliste, auteur ici même du texte: Ouattara, non au mandat de trop, publié il y a deux mois.