Basé à Cape Town en Afrique du Sud, Guillaume Doane est le président de Africa Oil & Power (AOP), la tribune de premier plan sur le continent, consacrée au développement et aux discussions sur l’énergie. Cette année, la troisième édition du forum annuel de Africa Oil & Power rassemble des leaders mondiaux issus des secteurs pétroliers et énergétiques au Cap du 5 au 7 septembre 2018. Le prix « Africa Oil Man of the Year » sera décerné à S.E. Mohammed Sanusi Barkindo, Secrétaire général de l’OPEP lors d’un diner de gala.
Le thème de la prochaine conférence annuelle d’Africa Oil & Power, qui s’ouvre le 5 septembre au Cap (Afrique du Sud), porte sur les coalitions pour l’énergie et va réunir les institutions et alliances énergétiques mondiales telles que l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), l’IEF (International Energy Forum) et le GECF (Gas Exporting Countries Forum). Pouvez-vous nous en dire plus ? Pourquoi avoir fait le choix d’une telle thématique ?
Lorsque nous avons commencé à mettre le programme sur pied, il y a près d’un an, il devenait manifeste que le pétrole et les marchés mondiaux prenaient enfin le pas sur les contraintes liées aux prix qui avaient handicapé le secteur depuis fin 2014. La crise du marché pétrolier a été particulièrement rude pour les économies africaines dépendantes du pétrole.
Alors que 2018 est porteuse d’une croissance positive, nous estimons qu’il est important pour Africa Oil & Power d’être non seulement un moteur de l’investissement mais aussi de promouvoir une coopération accrue entre les institutions du secteur pour appuyer le programme énergétique de l’Afrique. Nous ne pouvons sous-estimer le rôle majeur joué par l’OPEP pour aider à surmonter des périodes difficiles et offrir une plateforme mondiale aux membres africains comme le Gabon, la Guinée équatoriale et la République du Congo afin qu’ils puissent faire part de leurs intérêts.
De plus, avec l’émergence de nouveaux producteurs de pétrole et de gaz sur le continent africain (Sénégal, Ouganda, Kenya et d’autres), les producteurs historiques comme l’Angola, la Guinée équatoriale et le Nigeria ont la formidable opportunité de soutenir les nouveaux venus. Nous nous réjouissons qu’Africa Oil & Power facilite cette coopération grâce à la participation d’institutions importantes comme l’International Energy Forum, le Gas Exporting Countries Forum [Forum des pays exportateurs de gaz] et l’African Petroleum Producers Organization [Association des Producteurs de Pétrole Africains].
Nous avons bon espoir que ce dialogue conduira à une coopération en matière de commerce et d’infrastructure comme les gazoducs transfrontaliers, les terminaux GNL, les raffineries, les établissements pétrochimiques et les centrales électriques qui sont essentiels au développement de l’Afrique.
La côte atlantique africaine connaît de nombreuses découvertes de pétrole et de gaz. Quelle est la part de l’Afrique dans les réserves mondiales de ces deux ressources ?
La marge atlantique et d’autres bassins prolifiques de l’Afrique de l’Ouest ont joué un rôle de premier plan pour faire du continent un des principaux acteurs en matière de découvertes mondiales relatives au pétrole et au gaz. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, la Gambie et d’autres pays de la région sont devenus des zones d’exploration.
À terme, ils rejoindront les rangs des producteurs de pétrole et de gaz et contribueront à la part croissante de l’Afrique dans les réserves mondiales de pétrole. Il s’agit là de progrès encourageants. L’Afrique porte des perspectives prometteuses en termes d’exploration du pétrole et du gaz. Lors d’Africa Oil & Power, nous devrons prêter attention à la manière dont ces découvertes se concrétisent en production et en l’espace de combien de temps.
Nous essayons d’être un forum efficace pour déterminer si les pays africains disposent des cadres juridiques et réglementaires nécessaires et des politiques, d’un accès suffisant aux capitaux d’investissement, au savoir-faire et à la technologie internationale afin de mettre ces découvertes en ligne.
AOP est une plateforme de premier plan sur le continent, consacrée au développement et aux discussions sur l’énergie et qui promeut le contenu local et soutient les pays africains producteurs de pétrole dans le développement des ressources naturelles. Quelles sont les stratégies d’accroissement du contenu local les plus perfomantes ? Quels sont les défis ?
Un des aspects de la mission d’Africa Oil & Power repose sur le fait que nous nous consacrons à l’autonomisation des entreprises africaines et que nous essayons de leur offrir une plateforme pour promouvoir le leadership, le contenu local et l’entrepreneuriat. Tous les programmes de conférence comprennent au moins une table ronde sur le contenu local ou les partenariats publics-privés et nous animons plusieurs sessions mettant un coup de projecteur sur les pays et présentant les entreprises locales qui jouent un rôle central dans le secteur de l’énergie et sur toute la chaîne de valeur.
L’Afrique est dotée d’un grand nombre d’entreprises auréolées de succès remarquables. Nous pourrions en citer plusieurs ; je pense par exemple, à des entreprises qui ont un impact considérable comme Deltatek Group, Centurion Law Group, Nile Petroleum Service Company et d’innombrables organisations nigérianes, d’Oando et Sahara Petroleum à Seplat, Atlas et Oranto qui ont été pionnières et ont ouvert la voie à d’autres marques locales. Il nous arrive de constater que la discussion sur les contenus locaux se perd dans les questions de politiques et de mise en application et nous oublions que bon nombre d’entreprises nationales ont réussi sans l’appui de règlementations des contenus locaux.
Il y a désormais 7 pays africains membres de l’OPEP. Quel rôle et quelle influence ont-ils au sein du cartel?
Les pays africains représentent près de la moitié des membres de l’OPEP mais ils ne constituent que 17 pour cent de sa production. Les grands producteurs comme l’Arabie saoudite (et dans une grande mesure, des producteurs non membres de l’OPEP comme la Russie) continuent malgré tout de dominer les débats sur la politique de l’organisation. Néanmoins, l’adhésion à l’OPEP est incontestablement attrayante pour les producteurs africains, car elle leur permet d’avoir accès aux données et aux informations et leur confère un pouvoir décisionnel au sein d’une des organisations les plus influentes dans le secteur de l’énergie. Les producteurs africains ont plus à gagner en prenant part à un forum qui incarne leurs intérêts plutôt que d’être de simples spectateurs.
-Est-ce que AOP travaille avec d’autres pays africains qui ont affirmé leur volonté d’adhérer à l’OPEP, tels que le Sud Soudan et l’Ouganda ?
Depuis l’adhésion de la Guinée équatoriale en décembre dernier et de la République du Congo en début d’année, aucun autre pays africain n’a formellement fait part de son souhait de rejoindre l’OPEP. Nous pouvons cependant nous attendre à un engagement croissant auprès de l’OPEP. Beaucoup de producteurs non membres de l’OPEP, notamment le Tchad, le Soudan et le Sud-Soudan, ont adhéré aux réductions des coûts de production du pétrole. Des pays non producteurs comme l’Ouganda et l’Afrique du Sud ont participé aux discussions techniques de l’OPEP, une coopération sans précédent.
AOP est basée en Afrique du Sud, que pensez-vous des initiatives du nouveau gouvernement sud-africain en matière de développement énergétique ?
Globalement, la nouvelle administration a su clarifier son programme énergétique et rassurer les investisseurs en instaurant une sécurité réglementaire. En prenant ses distances vis-à-vis d’un discours nucléaire confondant et en insistant davantage sur des projets menés par des producteurs indépendants pour le passage du gaz à l’électricité et aux énergies renouvelables, le Ministère de l’énergie de l’Afrique du Sud offre un cadre d’investissement plus fiable et encourageant. Le charbon demeure forcément la source dominante des besoins en électricité de l’Afrique du Sud, mais la hausse de l’équilibre énergétique est un pas important.
Pour ce qui est du pétrole, nul doute que l’industrie a fait les frais de l’absence d’un nouveau projet de loi portant amendement de la législation sur le développement des ressources minières et pétrolières. Malgré le potentiel des ressources au large des côtes sud-africaines, les réglementations actuelles font obstruction aux activités de forage et à l’acquisition de permis. En début d’année, le Président Cyril Ramaphosa s’est engagé à accélérer l’adoption d’une nouvelle loi, ce qui confèrerait une autonomie claire à l’industrie, à l’instar de celle du secteur de l’électricité.
-Que pensez-vous de NOPEP, la législation anti-OPEP actuellement poussée par le Congrès américain?
Croyez-le ou non, NOPEP remonte à l’an 2000. Depuis lors, le Congrès a essayé à plus de douze reprises de faire adopter le projet de loi, en vain. Ces tentatives ont chaque fois été contrées par les menaces de véto opposées par les Présidents Bush et Obama. Les critiques du Président Trump ont été cinglantes à l’égard de l’OPEP mais cela ne signifie pas pour autant que NOPEP pourrait voir le jour. Les tirades de Trump sur Twitter se traduisent rarement par des changements radicaux de politique.
De plus, nous devrions nous souvenir que NOPEP est le symptôme récurrent de la colère du consommateur américain face à la hausse des prix du carburant, un problème clé alors que les États-Unis se préparent aux élections à mi-mandat qui auront lieu en novembre prochain. Michael D. Ehrenstein a écrit un excellent article, publié sur notre site Internet, dans lequel il livre une analyse de la question.