Par Christian Kazumba*.
De véritables paradis fiscaux pour les entreprises ! Voici la manière dont la rumeur courante ou des personnes bien peu averties présententtrès souvent nos pays subsahariens.
Six années passées sur le continent, à des fonctions managériales, m’ont appris à prendre tout lerecul nécessaire par rapport à ce qui constitue, selon mon retour d’expérience, une idée totalement préconçue.
Plus convaincant encore, des études professionnelles et rigoureusesdémontrent que c’est exactement l’inverse. Ainsi, selon la Banquemondiale, la pression fiscale qui frappe les PME en Afrique représente, en moyenne, 47 % de leur résultat commercial, contre 42%en Europe et 36% en Asie-Pacifique. Certains pays subsahariensd’ailleurs, tels que le Congo-Kinshasa, franchissent allégrement la barre symbolique des 50%.
Quelques exemples concrets, émanant de certains pays francophones, me permettront de mieux faire ressortir les réalités de l’environnement fiscal local :
Incontestablement, cette forte pression fiscale constitue l’une desraisons majeures pour lesquelles bon nombre de porteurs de projets subsahariens font le choix délibéré de se réfugier dans l’informel.
On ne peut donc feindre la surprise quand l’Organisation Internationale du Travail pointe le fait que plus de 85% des populations actives en Afrique noire y exercent leurs activités et quand le FMI l’évalue entre 40% et 60% du PIB au Bénin ou auGabon.
Ne nous y trompons pas : les incidences négatives de la prépondérance de l’informel sur l’émergence des économies d’Afrique francophone ne manquent pas :
En RD Congo, la DGI dénombre officiellement moins de 200 000 contribuables (particuliers et entreprises ayant un « numéro impôt ») dans un pays comptant, pourtant, plus de 80 millions d’habitants ! En conséquence, le budget de l’état n’y dépasse pas 5 milliards de dollars à date. Cela représente moins de 70 dollars par an et par congolais, somme totalement insignifiante pour les nombreux défis, en termes d’amélioration des infrastructures, d’éducation et de santé, que ce pays devrait relever rapidement.
Les banques et les plateformes de financements participatifs exigent, le plus souvent, un minimum de structuration et de formalisation, afin d’accompagner le développement des projets professionnels. Comment envisager une création d’emploi massive en Afrique noire quand les financements bancaires accordés à l’économie y représentent seulement 20% du PIB, contre près de 80% au Maroc et plus de 130 % en Chine ?
Pour conclure, il serait grand temps que les pays d’Afrique noire francophone prennent toute la mesure de l’adage « trop d’impôts tue l’impôt » et créent un cadre juridique et fiscal davantage orienté vers l’entreprenariat et le développement des entreprises de taille moyenne.
Certes, des initiatives existent aujourd’hui, notamment au sein des 17 pays membres de l’OHADA, qui visent à instaurer un environnement« administratif » répondant aux spécificités locales et à pousser les entrepreneurs à se formaliser (régime de « l’impôt synthétique » au Mali, de la « contribution du secteur informel » au Burkina ou de la « micro-entreprise » en RD Congo »). Néanmoins, ces dispositifs me semblent encore trop timides et, pour le moment, d’une efficacité très relative.
Ce sont les PME-PMI qui ont été à l’origine de la création de 85 % des emplois dans l’Union européenne entre 2002 et 2010. Que les pouvoirs publics subsahariens ne rechignent pas sur les moyens pour favoriser leur essor grâce, notamment, à une fiscalité adaptée !
*Christian Kazumba est Directeur régional Afrique du nord et de l’ouest du CMBC (« Congo Millenium Business Club »).