Par Anane Assaraf, commerce international.
Salué par l’administration américaine, l’engagement du Maroc contre le terrorisme se caractérise par une vigilance renforcée de son financement. Depuis plusieurs années, les douanes marocaines ont obtenu des résultats en hausse grâce, notamment, à l’utilisation de nouvelles technologies.
En visite à Rabat fin août, Nathan Sales, ambassadeur et coordinateur américain pour la lutte contre le terrorisme, n’a pas tari d’éloges sur la « solidité » du « partenariat maroco-américain » en la matière. «Les groupes terroriste come Daech et Al-Qaida continuent à la fois de nous menacer et à nous unir dans notre détermination à lutter contre ce fléau», a-t-il déclaré lors d’un point presse organisé à l’issue de sa rencontre avec Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères et de la coopération internationale, qu’il a qualifiée de « productive ».
Dans le cadre de leurs relations bilatérales, le Maroc et les États-Unis mènent plusieurs opérations conjointes pour combattre les organisations terroristes au niveau régional, dans les régions du Maghreb et du Sahel, ainsi qu’à l’international, dans le cadre du Forum mondial de la lutte contre le terrorisme (GCTF), co-présidé par le Royaume chérifien. Les deux pays ont ainsi multiplié les actions en matière d’échange d’informations, de sécurité des frontières ainsi que des infrastructures stratégiques et sensibles.
Au sein du GCTF, Rabat pilote notamment les questions de sécurité des frontières, la lutte contre le terrorisme d’origine nationale et l’amélioration des capacités de détection et d’interdiction de voyage des terroristes à travers le contrôle avancé et le partage d’informations. Lancée le 27 septembre à New York, cette dernière initiative doit contribuer à la mise en œuvre de la Résolution 2396 du Conseil de sécurité portant sur le retour et le redéploiement des combattants terroristes étrangers. Elle vise également à élaborer une série de bonnes pratiques pour aider les gouvernements à mieux surveiller et appréhender les mouvements des terroristes.
Les douanes marocaines musclent leur jeu
Pour parvenir à s’attirer les bonnes grâces de Washington, le Maroc s’est attaqué à la source du problème : le financement du terrorisme, étroitement lié à la contrebande. Dès 2010, l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) a instauré un système automatisé de marquage intégré en douane (SAMID) sur les boissons et tabacs manufacturés, en même temps qu’une dématérialisation de ses services (Badr) l’année suivante.
En 2013, l’ADII a complété sa transformation en réformant la taxe intérieure de consommation (TIC) pour améliorer la traçabilité des produits. Résultat : en 2017, les recettes de la TIC sur le tabac ont dépassé 10 milliards de dirhams, contre 9,8 milliards en 2016 et 9 milliards en 2015. L’an dernier, l’ensemble des droits et taxes perçus a également progressé de 5,1 % pour s’établir à 95 milliards de dirhams, et la saisie de marchandises hors cigarettes et stupéfiants était en hausse de plus de 15 % (557,1 milliards de dirhams en 2017 contre 483,4 en 2016).
C’est que, en 2015, un rapport du Centre d’analyse du terrorisme confirmait les liaisons privilégiées entre petite délinquance et djihadisme, estimant que le trafic de cigarettes représenterait « plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes identifiées dans le cadre de 75 procédures judiciaires internationales […] depuis 2001 ». Une quinzaine de réseaux seraient concernés dans le monde, comme AQMI, les Talibans, le Hezbollah ou encore le Hamas. Mokhtar ben-Mokhtar, l’ancien leader d’AQMI, était ainsi connu sous le surnom de Monsieur Marlboro…
Les mêmes liens existeraient également en France, à en croire les cartons remplis de cartouches de cigarettes de contrebande retrouvés dans les box des terroristes Amedy Coulibaly et Djamel Beghal lors d’une perquisition policière en 2010. Convaincu de l’intérêt d’affaiblir ces filières pour lutter plus efficacement contre les trafics, le pouvoir marocain a significativement renforcé la surveillance douanière ces dernières années. Preuve de l’efficacité de ces mesures, les affaires liées au terrorisme ont chuté de 13 % en 2017 au Maroc, avec 358 personnes déférées devant le parquet contre 410 en 2016.