Le ministère public a requis vendredi la confiscation de 250 millions d’euros à l’encontre du groupe pétrolier Total, jugé pour corruption d’agents publics étrangers en marge de la conclusion de contrats en Iran en 1997.
Outre cette confiscation par l’Etat, au titre de peine complémentaire, du produit présumé de l’infraction, il a aussi demandé une amende de 750.000 euros, le maximum encouru par une personne morale dans ce type d’affaire.
Le jugement a été mis en délibéré au 21 décembre.
Total est soupçonné d’avoir versé quelque 30 millions de dollars de pots-de-vin entre 2000 et 2004 sous couvert d’un contrat de consultance visant à faciliter la conclusion d’un accord concernant l’immense gisement gazier de South Pars.
Pour le procureur, ce contrat avec la société Baston Associated LTD “recouvrait en réalité des paiements corruptifs” dont une grande partie destinée à un fils de l’ancien président iranien Hachemi Rafsanjani (1989-1997), Mehdi.
Il dirigeait alors des filiales de la société pétrolière nationale iranienne, NIOC, avec laquelle Total a signé le 28 septembre 1997 le contrat relatif à South Pars.
Le procureur est convenu que le “schéma de corruption” utilisé à l’époque, selon l’accusation, par Total en Iran appartenait au passé et qu’il “faudrait s’y prendre autrement aujourd’hui” pour parvenir au mêmes fins.
Il n’en a pas moins demandé à la cour d’”affirmer la place de la France dans la lutte contre la corruption internationale” et d’envoyer un message aux grandes entreprises, ainsi qu’aux pays avec lesquelles elles traitent, en sanctionnant Total.
L’audience a été brièvement interrompue par un couple brandissant des pancartes proclamant : “La corruption détruit notre liberté en Iran.”
Le groupe pétrolier avait conclu en mai 2013 avec les autorités américaines une transaction mettant fin aux Etats-Unis à des poursuites relatives à des faits similaires.
Total avait ainsi accepté de payer 245 millions de dollars au département américain de la Justice et 153 millions à la Commission américaine des opérations de Bourse (SEC).
DES PROTAGONISTES DÉCÉDÉS
Jeudi, lors de la première audience, ses avocats avaient notamment invoqué le principe selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits.
Le représentant de Total, Jean-Jacques Guilbaud, ancien directeur des ressources humaines et ex-secrétaire général, aujourd’hui conseiller du PDG, avait éludé les questions pour éviter, avait-il dit, “le moindre écart” par rapport à la version livrée dans le cadre de la procédure aux Etats-Unis.
Le groupe pétrolier, personne morale, est le dernier prévenu dans ce procès. Les autres ont disparu.
Christophe de Margerie, qui était au moment des faits directeur Moyen-Orient de Total, dont il deviendra plus tard le PDG, a été tué dans un accident d’avion à Moscou.
L’intermédiaire iranien Bijan Dadfar, dirigeant de Baston Associated LTD, qui devait être jugé pour complicité, est mort récemment de maladie, a déclaré son avocat à Reuters.
Un autre intermédiaire iranien poursuivi pour complicité, Abbas Yazdi, réputé proche de Mehdi Rafsanjani, a pour sa part été enlevé à Dubaï et son corps n’a jamais été retrouvé, selon son ancien avocat français. Le procureur a néanmoins requis pour la forme à son encontre trois à quatre ans de prison.
Lors de leurs plaidoiries, les avocats de Total ont de nouveau contesté l’accusation de corruption, en tout cas selon les lois en vigueur à l’époque, et défendu l’idée que les faits reprochés relevaient du trafic d’influence à l’étranger, alors non réprimé par le droit français.
“Les faits dont votre tribunal est saisi datent de plus de 20 ans (…) Au cours de ces 20 dernières années, les lois et les usages se sont profondément transformés”, a ainsi plaidé Me Claude Serra. “Total a pris toutes les mesures possibles pour être préservé aujourd’hui du risque de corruption.”
“Total n’est plus du tout la même société”, a-t-il ajouté. “Total aujourd’hui participe activement à la lutte contre la corruption internationale.”
Source: Ecodafrik