L’attribution provisoire, le 23 octobre, du contrat de distribution de l’eau à Dakar (Sénégal) à Suez au détriment de la franco-sénégalaise SDE (détenu à 57,8 % par le groupe Eranove, le reste par divers intérêts locaux) et de Veolia fait des vagues.
Dès notification de la décision, la SDE, qui gère le contrat d’affermage depuis 1996 et Veolia, challenger de taille, ont introduit deux recours gracieux.
Les deux réserves déposées séparément vendredi 26 octobre auprès du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Mansour Faye, ont été rejetées mercredi 31 octobre par voie de courrier portant la signature dudit ministre. Une source de la SDE contactée par Financial Afrik, dit prendre acte de cette décision qui ouvre désormais la voie à un recours contentieux auprès de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), préalable avant un éventuel arbitrage.
Pour rappel, le Sénégal avait lancé un appel d’offres en 2016 dans le cadre de la réforme du secteur de l’eau. Le processus a été suivi de bout en bout par les bailleurs de fonds engagés dans le financement de la future usine de dessalement de l’eau de mer et du projet KMS3.
Le choix du repreneur s’est fait en trois phases: une préqualification qui a retenu les trois protagonistes actuels, suivi de la remise des offres techniques le 5 janvier 2018. Les trois candidats avaient été déclarés techniquement qualifiés et conformes au cahier des charges. Ne restait plus que la troisième étape, celle de la présentation des offres financières. Celles-ci ont été remises le 1er juin 2018 par les trois candidats. Selon la procédure, c’est le moins disant qui serait retenu.
Or, c’est là que les choses se compliquent puisque le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Mansour Faye, rendra public les détails des offres financières le 10 juin 2018 à travers les ondes de la radio RFM. Selon le ministre, la SDE a proposé le prix exploitant le plus bas (286,9 FCFA le mètre cube d’eau) suivi de Suez (298,5 FCFA/m3) et Veolia (366,3 FCFA/m3). Au final, c’est la Suez qui a été retenue. La différence des prix devrait, selon des estimations non confirmées de sources officielles, coûter 50 milliards de Franc CFA sur la période d’affermage, soit 15 ans.
Le ministre qui déclarait que « le prix de l’eau devrait au final baisser au terme de l’appel d’offres » (L’Observateur du 14 mai 2018) serait-il revenu sur cet objectif majeur? Les supputations vont bon train. Le choix de Suez poserait par ailleurs un conflit d’intérêt puisque la multinationale française et son partenaire local, la CDE (Consortium des entreprises ), ont obtenu le marché la construction de l’usine de traitement de Keur Momar Sarr 3 (KMS3) d’une capacité dee 200.000 m3/j à l’horizon 2035.
Autrement dit, le même opérateur qui construit des infrastructures, sera en charge de la distribution de l’eau. Le risque potentiel d’un conflit d’intérêt, voire d’un monopole de fait, n’est pas à écarter. En attendant, les 1 200 employés de la SDE suivent ce dossier et exigeraient 15% du capital de la société de distribution.