C’est en 1957 que Spoutnik, le premier satellite de l’histoire, est propulsé en orbite par l’Union Soviétique. Quelques années plus tard en 1961, le soviétique Youri Gagarine est le premier homme à voyager dans l’espace. En 1969, le monde s’émerveille devant les images de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin qui font leurs premiers pas sur la Lune. Aujourd’hui encore, la guerre des satellites fait rage et la conquête de l’espace repousse toutes les limites. De nouveaux acteurs privés comme SpaceX ont réussi à s’imposer sur le marché de l’aérospatial et l’Europe peine à maintenir le rythme face aux projets avant-gardistes d’un millionnaire sans limite.
La guerre des satellites est déclarée
Actuellement, ce sont environ 2600 satellites actifs qui tournent autour de la terre. Ils nous permettent de téléphoner, d’utiliser notre GPS, d’analyser la surface de la terre, de donner des prévisions météorologiques, etc… A cela s’ajoutent quelques 7000 objets ou autres débris de fusées résultant de divers lancements… Il est très facile de s’imaginer une planète Terre parée d’anneaux composés de déchets telle Saturne et ses anneaux de poussière et de glace. Préserver la planète n’étant actuellement pas la priorité des grands dirigeants du monde, aller nettoyer l’espace ne le sera pas avant bien longtemps. De plus, la guerre des satellites continue de faire rage et les projets de lancement sont de plus en plus ambitieux. L’arrivée de SpaceX sur le marché a bouleversé la donne, notamment pour les Européens qui peinent à tenir le rythme effréné d’une concurrence toujours plus accrue.
Lancements institutionnels & lancements militaires
Les lancements institutionnels, civils ou militaires représentent l’essentiel des mises en orbites. Les lancements militaires représentent 70% des 91 lancements de l’année 2017. L’Europe n’a réalisé que deux lancements institutionnels sur les 11 mises en orbites cette même année. Le vieux continent ne représente que 2 à 3% des lancements institutionnels mondiaux. Les lancements commerciaux, quant à eux, ont le vent en poupe puisqu’ils permettent l’installation de satellites de communication à destination du grand public (internet, GPS, etc…). Ce qui représente un énorme potentiel de développement commercial avec les fournisseurs d’accès à internet.
Le projet fou d’Elon Musk
Qui n’a pas entendu parler du millionnaire qui voulait conquérir la planète Mars ? Aux Etats-Unis, nul besoin de travailler à la Nasa pour envoyer des fusées dans l’espace. Il suffit d’avoir beaucoup d’argent et beaucoup d’ambition. Après avoir créé la société SpaceX en 2002, l’ambitieux et richissime américain Elon Musk fait aujourd’hui trembler Arianespace. Avec 17 lancements à son actif en 2017 contre 11 pour Ariane 5, l’européenne se trouve dépassée par le Falcon 9 américain. Aujourd’hui, SpaceX se donne pour objectif d’atteindre entre 30 et 40 tirs par an et de rendre internet accessible par satellite, et plus personne ne doute des capacités de la société privée pour les réaliser.
Des capacités financières illimitées
Les principaux clients de SpaceX sont la NASA et la US Airforce. Le système américain met en difficulté les européens sur le marché des satellites : il permet au millionnaire américain de casser les prix auprès des entreprises commerciales grâce aux marges réalisées sur les commandes gouvernementales. Aussi, SpaceX dispose d’une marge de manoeuvre unique au monde avec un budget quasi illimité. Autre point fort de la société : les fusées sont réalisées de A à Z au même endroit par la seule société, elle bénéficie donc d’un gain de temps considérable dans la conception et la réalisation de ses différents projets. En quatre ans, SpaceX s’est imposé en cassant les prix du marché du lancement.
12000 satellites pour du haut débit sur terre
Les ambitions du géant américain sont multiples. En 2015, Elon Musk annonçait un des grands projets de SpaceX :rendre internet accessible par satellite via le lancement d’une constellation du nom de Starlink de 12000 mini satellites en orbite basse. Cette nouvelle technologie se trouve actuellement en phase de test. Elle permettra de rendre, internet accessible en haut débit sur Terre et dans les airs d’ici 2025. Un projet qui semble réalisable notamment grâce aux fusées réutilisables qui permettront de multiplier les lancements et de rendre le système effectif en un temps record.
Starlink
- 12000 mini satellites en basse orbite
- ⅓ des mini satellites positionnés à une altitude de 1150 km
- 8000 mini satellites à une altitude de 300 km
- Capacité à se procurer un accès web sur un rayon supérieur à 1000 km
- Connexion semblable à la fibre : 35 mb/s
Faire revenir les fusées sur Terre
Afin de propulser autant de satellites en orbite, Elon Musk s’est lancé dans la technologie du « toss back », ou comment faire revenir des fusées sur Terre pour en réutiliser certaines parties. A première vue, on croirait au pari fou d’un millionnaire désabusé. Mais il n’en est rien. Depuis 2015, les premiers étages de la fusée Falcon 9 sont récupérés presque systématiquement. Aujourd’hui, les équipes américaines travaillent sur la récupération du corps central. En plus de pouvoir casser les prix du marché, la société trouve pour la première fois le moyen de réutiliser du matériel extrêmement coûteux. La solution pour éviter les déchets dans l’espace ? Une piste pas assez exploitée. Les 12000 mini satellites prévus pour la constellation ne feront qu’accroître la masse d’objets en orbite autour de la Terre : aucune solution n’est prévue pour faire revenir des satellites sur Terre. Toujours est-il que le coût de remise en état d’une épave de fusée n’a à ce jour pas encore été dévoilé et les Européens restent sceptiques face à cette nouvelle méthode de production.
La technologie du toss back
Le 25 juillet dernier, SpaceX faisait revenir le premier étage de la fusée Falcon 9 sur une plateforme en pleine mer. Le 7 octobre 2018, l’entreprise est allée encore plus loin en faisant revenir le premier étage de la fusée sur Terre, en Californie.
Développer le tourisme sur Mars
Le dernier coup de communication d’Elon Musk remonte à février 2018 lors du lancement de la nouvelle fusée Falcon Heavy, considérée comme étant la plus puissante au monde. Il s’agit de la fusée qui pourra transporter des passagers vers la planète Mars lorsque le moment sera venu. Pour le moment, Elon Musk a eu l’idée de mettre en orbite la voiture électrique Roadster de Tesla (dont il est le PDG) avec un mannequin à son volant. A l’heure d’aujourd’hui, celle-ci tourne toujours autour de la planète Mars.
Lors de ce lancement qui fut un succès médiatique, Elon Musk a tenu à rappeler qu’il pouvait faire revenir des parties de ses fusées. Aussi, ce sont deux propulseurs secondaires qui sont revenus sur Terre. L’étage du milieu n’est pas revenu mais le succès de la société du millionnaire est validé. Une vidéo a été réalisée pour l’occasion :
Quelques projets d’Elon Musk
- Transporter des passagers de manière très rapide sur Terre : New York City → Tokyo en une heure.
- Hyperloop : TGV subsonique capable de se déplacer à 1200 km/h avec l’énergie solaire
- Starlink : créer une constellation de satellites pour du haut débit sur terre
Aller sur la planète Mars avec le Big Falcon Rocket - SpaceX : Elaborer des fusées réutilisables
- OpenAI : développement d’une intelligence artificielle open-source bénéficiant à l’humanité
- Tesla : construction de voitures électriques
- Neuralink : société de neurotechnologie voulant allier l’intelligence artificielle au cerveau humain
- The Boring Company : développement du réseau de tunnels à Los Angeles
L’objectif des projets du milliardaire américain est de changer le monde et l’humanité en réduisant le réchauffement climatique, ce qui passe nécessairement par la production et la consommation d’énergies durables. Afin de donner toutes ses chances à l’humanité, il poursuit le rêve de créer une colonie humaine sur la planète Mars. Elon Musk acceptait en 2016 de conseiller le Président Trump. Il quitte ces fonctions en juin 2017, lorsque le dirigeant américain annonce son désengagement dans les accords de Paris pour le climat.
L’Europe contre-attaque !
Qu’en est-il du côté européen ? Avec Ariane 6, l’Europe cherche à se mettre à niveau et réduire les coûts de la fusée Ariane 5 d’environ 40% via l’élaboration d’un moteur réutilisable : le moteur Prometheus, 10 fois moins cher que le moteur Vulcain actuel. Le lancement de la nouvelle Ariane 6 est prévu pour 2020 depuis la Guyane afin de continuer le grand projet de GPS européen, Galileo. En Europe, les critiques s’élèvent face à un système institutionnel rouillé en manque d’investissement pour l’innovation technologique. L’ambition d’Ariane Group n’est pas ce qu’elle pourrait être, sa première contrainte étant de s’adapter à un marché de plus en plus rude.
Une technologie aérospatiale de haute qualité
Les fusées Ariane restent aujourd’hui la vitrine de l’efficacité européenne en termes de technologies aérospatiales. Développée en coopération entre l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France, cette technologie de haute qualité est réalisée grâce au savoir-faire des meilleurs éléments de chaque pays participant. Ce qui peut compliquer les processus puisque l’on dispose de plusieurs sites de production et que chaque pays construit une partie de la fusée. Afin de restreindre ces coûts de production, ces sites sont aujourd’hui restreints au nombre de 3 : en Aquitaine, dans les Yvelines et à Brême (Allemagne).
Un GPS pour l’Europe : Galileo
Actuellement, ce sont les Etats-Unis qui dominent le monde de la radionavigation. Afin de ne plus dépendre de la technologie américaine, l’Europe a décidé en 1999 de mettre en place son propre GPS nommé Galileo. Actuellement en cours de déploiement, la constellation de satellites Galileo est opérationnelle depuis 2016 et sera terminée en 2020. Ce sont environ 30 satellites qui couvriront la totalité du globe et qui pourront détecter de manière très précise n’importe quel objet sur terre. Le service est dédié à un usage civil uniquement et peut être utilisé par différents secteurs comme les transports, la téléphonie mobile, la sécurité civile ou encore la sécurité bancaire.
Arianespace connecte la planète avec Oneweb
L’Europe a aussi comme projet de connecter la planète mais elle est obligée de passer par son collègue britannique OneWeb pour le réaliser. En signant un contrat avec Arianespace en juin 2015, Oneweb projette de mettre en orbite une constellation de nanosatellites grâce à son lanceur Soyouz. D’ici 2025, OneWeb compte avoir lancé environ 900 petits satellites, l’objectif étant d’en lancer 2000 pour avoir accès à du haut débit sur terre et dans les airs. Tous ces lancements seront réalisés par Arianespace depuis la Guyane.
Internet par satellite
D’ici quelques années, la terre sera dotée d’un service d’internet par satellite, ce qui permettra notamment depallier aux problèmes de connectivités en cas de catastrophe naturelle ou de crise. Internet sera disponible dans les avions, mais aussi dans les zones les plus reculées ainsi que dans toutes les structures publiques et ce à moindre coût.
Des lancements institutionnels qui se font rares
L’Europe est la puissance spatiale qui aide le moins son lanceur, avec seulement un quart de l’activité d’Ariane réalisé grâce à des lancements institutionnels contre plus de la moitié pour les USA, la Russie, et près de 90% pour la Chine. ArianeGroup a demandé à la Commission européenne, l’Agence spatiale européenne, les agences nationales et l’Eumetsat de se regrouper pour acheter Ariane 6 à concurrence de 5 lancements par an pendant plusieurs années. les investissements se faisant de plus en plus rares, ArianeGroup a récemment annoncé la suppression de 2300 postes sur les 9000 existants afin de maintenir sa compétitivité.
La réutilisation des fusées toujours pas à l’ordre du jour
L’Europe se prépare à l’éventualité de la réussite économique de SpaceX dans la réutilisation des fusées. Pourtant, les Européens n’ont pas pour projet de se lancer dans la réutilisation des étages des fusées et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette technologie n’est pas prévue dans le plan initial, ensuite le modèle économique européen ne le permet pas encore. Cette option ne sera pas envisagée avant 2030, le coût de la remise en état des fusées n’étant pas encore connu, ce n’est pas la priorité. Pour le moment, il s’agit de chercher du soutien financier auprès des Etats-membres et de prévoir un premier lancement d’Ariane 6 pour 2020 pour continuer le travail de mise en orbite des satellites pour le projet Galileo.
Deux modèles économiques qui s’opposent
Un nouveau duopole
Deux modèles économiques très différents se livrent une bataille sans merci. Rachel Villain du cabinet Euroconsult explique qu’il y a d’un côté « une plus grande souplesse et une meilleure adaptabilité chez SpaceX » puisque le géant américain dispose d’une structure qui laisse une plus grande place à la souplesse et qui bénéficie de ressources financières importantes. En effet, aux Etats-Unis, les lancements institutionnels et militaires sont facturés le double d’un tir commercial, ce qui représente un avantage considérable face aux Européens qui pâtissent de la rareté des commandes publiques. Pour se faire une idée, on retient que les commandes publiques représentent deux tiers du carnet de commande SpaceX contre seulement un tiers pour Arianespace.
Un appel a été lancé par le PDG d’Airbus, Tom Enders, qui s’est adressé directement à Emmanuel Macron et Angela Merkel pour leur rappeler l’importance des commandes publiques dans l’élaboration de projets ambitieux pour l’Europe pour l’industrie spatiale. En gros, il est demandé à l’Agence spatiale européenne (ESA) de faire ce que font déjà les Etats-Unis avec la NASA et SpaceX : favoriser les lanceurs européens dans leurs carnets de commande.
Comment rester fiable sans être cher ?
Le débat sur le développement de la technologie qui permet de réutiliser tout ou une partie du lanceur va bon train en Europe même s’il a été décidé de ne pas s’y atteler dans les prochaines années. Le directeur des lanceurs au CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) explique dans une interview que le pari de SpaceX est en passe d’être réussi mais que pour être économiquement viable, il faudrait récupérer d’autres étages de la fusée, notamment le second qui est le plus difficile à faire revenir car il quitte l’atmosphère terrestre. L’Agence spatiale européenne (ESA) et ArianeGroup avec les partenaires européens pourront étudier une famille de lanceurs deux fois moins chers qu’Ariane 6 grâce à la réutilisation. Le CNES travaille dorénavant sur des démonstrateurs de fusées réutilisables comme Callisto en partenariat avec le Japon et l’Allemagne ou encore Themis avec ArianeGroup qui sera testé à partir de 2025. Mais pour le moment, la priorité c’est Ariane 6 avec son nouveau moteur qui réduit des coûts considérables.
Pour le Président d’ArianeGroup cependant, « le marché ne demande pas du réutilisable ». Il est d’avis qu’il faut continuer à travailler sur le moteur réutilisable mais pas forcément sur la récupération des étages. L’Europe a une carte à jouer avec ses atouts propres pour ce nouveau moteur notamment concernant le carburant, qui n’est pas le même que celui utilisé par les Américains. Pour lui, l’Europe est compétitive face aux prix de SpaceX de part sa technologie qui reste la meilleure. Aujourd’hui, le marché demande un service de lancement fiable et pas cher, le lanceur réutilisable est une solution technique mais pas forcément la clé de la réussite sur le long terme.
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