La présentation ce 18 décembre à Abidjan de l’étude Finactu sur l’impact de Bâle 3 a débouché sur un clash mémorable entre les représentants de ce cabinet très présent sur les questions stratégiques de la région et la représentante de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Synthèse.
Il n’y aurait pas de représentants UEMOA dans la structure qui a fait BALE 3. Il semble que la réforme, dans la suite de Bâle 1 et 2, ait pu naître après la crise financière et la chute de Lehman Brothers, consécutive à la crise des produits dérivés et des subprimes aux USA. Le tableau ci-dessous présenté par Finactu donne à penser que l’Afrique est victime d’une réforme dont elle n’est pas coupable.
L’Arborescence actuelle de l’UEMOA est :
THEMES | COMMENTAIRES DE FINACTU |
Nombre de banques | 115 Banques : Trop de banques en densité de population par rapport à l’Europe et au Maroc |
Nombre d’Agences bancaires | Peu d’agences et d’offres bancaires |
Credit/PIB | 30% bas par rapport à l’Europe /Maroc |
Typologie des crédits | Crédit de trésorerie court terme |
Typologie des émetteurs | L’état |
Part des crédits immo | 2% très bas |
Type d’acteurs | Groupes panafricains et marocains |
Volume de capital requis pour Bale 3 à 2022 | En 2018 : il faut injecter 28 Milliards
En 2022 : il faut injecter 113 Mds. Pour la seule Côte d’Ivoire, il faudra 283 Milliards |
Rendement ROE | Le rendement ROE sera en dessous du coût du capital avec Bale 3, donc les actionnaires ne seront pas motivés |
Pour palier aux problèmes de fonds propres, poursuit Finactu, les banques doivent se réinventer dans leur métier et se sophistiquer au-delà de la manne des titres d’états. L’agence recommande trois axes:
1- Trouver des canaux innovants de distribution ( digital), limiter les agences : pour réduire les frais généraux
2- Crédits aux particuliers et PME et résidentiels : basse pondération en fonds propres
3- Faire plus d’activités de services : Asset Management, bancassurance, gestion d’actifs.
En gros, FINACTU estime que la réforme telle que conduite et appliquée est problématique : LA BCEAO aura rajoutée plus de contraintes de solvabilité que Bale 3. Elle aurait aussi durcit certains ratios. Le risque pressenti par FINACTU serait que certaines banques monopays disparaîtront. Et Finactu d’ajouter en faisant mine de s’étonner que le rapport a été validé par la BCEAO. Les réformes sont très avancées pour la zone UMEOA et moins avancées dans les pays de la CEMAC, poursuit l’agence, un gros doigt accusateur pointé sur la BCEAO. .
La sessions des questions et réponses a révélé le ressenti du marché, notamment la compréhension des acteurs banquiers. Beaucoup estiment que la BCEAO semble avoir copié et appliqué de façon identique les normes Bale à des économies africaines.
La douche froide
L’intervention de Mme Aminata Seck M’Bow de la BCEAO a été le cadeau de Noël dont le Président de FINACTU se serait bien passé. Madame M’BOW a expliqué que le rapport n’a jamais été validé par la BCEAO ni par son gouverneur et que c’est une information « fausse et donc malhonnête » ».
Elle explique que contrairement à ce que FINACTU dit, l’impact de Bale 3 sur les fonds propres et le risque de crédit ne sont pas nuls. Elle a suggéré qu’il y a un problème de fiabilité de la méthologie. « C’est une étude d’impact et non une étude économétrique. Pour Madame Mbow, le cabinet se serait basé sur des informations publiques fournies par les banques. « On ne peut pas répliquer le ratio de solvabilité juste sur la base des états financiers publics », déclare-t-elle, en haussant le ton. « Seules les banques centrales sont à même de faire cette étude ». .
Dans sa lancée, madame M’bow explique que FINACTU a pris en compte les FRBG et les dotations qui n’existent plus. Et que la lecture du dispositif prudentiel n’a pas été faite par FINACTU. La seule vraie influence de BALE 3 c’est le traitement des participations des filiales.Aux yeux de madame Mbow, même la lecture du risque opérationel qui est pondéré est mal appréciée par FINACTU.
Pour la représentante de la BCEAO, l’Afrique est bel et bien représentée dans le Groupe Consultatif de Bale. Le continent a donc participé aux réformes des normes internationales. En revanche, contrairement à ce qui est dit, il y a des critères à appliquer au minima et d’autres qui sont discrétionnaires : c’est-à-dire que chaque Etat adapte les dispositifs dans son territoire. Donc cela ne saurait être du copier/coller, la BCEAO ayant étudiée l’applicabilité dans la zone.
Finalement, les projections de FINACTU qui prédisent que FCFA 1000 milliards seraient nécessaires sont fausses car FINACTU ne s’est basé que sur des états financiers et n’a pas la décomposition des fonds propres par banque. Seule la BCEAO a accès aux données privées des banques et a déjà fait une étude d’impact qu’elle a envoyé à chaque banque.
Haussant encore le ton, madame Mbow appelle à respecter l’Afrique et à ne plus dire que les petites banques vont disparaitre. « Bale 3 ne serait pas seulement des ratios, il y a des composantes fines, comme la mise en place de contrôle interne, de contrôle de risque, etc… qui sont promus ».
Tançant FINACTU et ignorant les « allons madame, s’il vous plait madame », la représentante de la BCEAO estime que le cabinet, spécialisé dans les fusions et acquisitions aurait un agenda caché. Enfonçant encore le clou, madame M’Bow s’en prend aux dirigeants de Finactu qui n’ont pas, d’après elle, le profil requis pour évaluer l’impact Bâle 2 et Bâle 3. Et d’inviter vertement le cabinet à ne plus associer le nom du gouverneur à son rapport.
In fine, madame M’bow estime que les zones comme le Ghana, le Nigeria et même le Maroc où est basé FINACTU, ont un ratio de solvabilité réglementaire au dessus de l’UEMOA. Elle ne comprends pas donc pourquoi cette agence est venu alerter les banques de l’UEMOA au lieu d’alerter les banques du Maroc.