A l’origine de l’un des plus grands succès sénégalais et africains dans le domaine de la télécommunication, Kabirou Mbodje ne laisse pas indifférent. Dans un entretient exclusif avec Financial Afrik, le tycon brosse les perspectives d’un secteur en mutations.
Vous êtes connu de la sphère finance et votre réussite ne laisse pas indifférent. Qui est Kabirou Mbodje ?
Si je dois parler de mon parcours depuis le départ, je dirais que j’ai fait un cursus scolaire et universitaire normal. Je me suis orienté par rapport à mes centres d’intérêt qui étaient de contribuer à améliorer le quotidien des gens, de faire en sorte de contribuer à replacer l’Afrique dans son contexte idéal, à savoir être au milieu du concert des Nations, de participer à l’activité économique mondiale.
Qu’est ce qui vous a poussé à lancer Wari ?
Wari vient de tout un environnement, d’une somme de constats, de frustrations et d’attentes. Quand on est cosmopolitan, qu’on est né et grandi en Europe et aux USA, il y a un certain style de vie et un niveau de services dont est habitué. L’on est forcément frustré en arrivant sur le continent africain de voir qu’un certain nombre de services font défaut.
C’est de cette frustration qu’est né en moi l’envie de changer les choses et d’offrir des services e qualité à tout un chacun, quelque soit sa situation géographique. D’où le concept Wari.
Cela fait pus de dix ans que Wari existe. Peut-on faire un début de bilan ?
Au départ, il y a dix ans, Wari était une initiative. Nous avons commencé avec un pays, une dizaine de points de relais et quelques transactions. Dix ans après, Wari est disponible dans 50 à 60 pays, connecté à 172 banques, avec plus d’un million de transactions journalières, des milliers d’emplois créés et 300 collaborateurs. C’est un bilan important puisque nous sommes passés à 6 milliards d’euros de transactions annuelles. Au début, Wari était une initiative. Aujourd’hui, c’est une véritable entreprise.
On vous prête des intentions de développement dans les télécoms ? Est-ce vrai ou avez –vous changé d’avis entre temps ?
Il n’y a pas de zone étanche. On travaille dans un monde complètement ouvert. Les télécoms tels qu’ils sont vécus et utilisés maintenant vont complètement disparaître dans un futur proche. Vos enfants et mes enfants demandent le «Wifi » et non un opérateur donné quand ils entrent dans un endroit donné. Cela préfigure de l’avenir des télécoms. A l’avenir, il n’ y aura plus d’opérateur télécom ou de secteur des télécoms. Il y aura à mon avis un secteur générique fournisseur d’accès et de connectivité avec, derrière, une kyrielle de services offerts par des acteurs et non des opérateurs télécoms qui ont délégation de monopole et, de ce fait, ne devant pas être autorisés à fournir des services à valeur ajoutée.
Après dix ans d’activité, quel est le modèle qui correspond à Wari et qui correspondrait surtout à son développement ?
Wari est une structure ou un concept agnostique qui était valable à sa création et qui reste valable. Wari est un moteur transactionnel, une passerelle entre différentes structures, permettant aux gens d’échanger, de faire des transactions de biens et services. L’essence même de l’économie c’est de produire et de vendre. Et pour cela, il n’y a pas de passé et d’avenir. C’est toujours actuel. Quand on est au cœur de ce système là, on reste actuel. Dans dix ou vingt ans, le concept de Wari restera le même. On peut avoir des concurrences dans chaque secteur mais Wari dans son concept global est unique et n’a pas de concurrent. Ce n’est pas le concept du commerce équitable mais c’est le fair trade où on participe tous à faire de la valeur ajoutée.
Quelles sont vos ambitions dans les cinq prochaines années ?
Que Wari soit dans le cœur et la poche de tout le monde dans le monde. C’est ça notre objectif. Il y a une vraie logique de partage dans Wari. Chacun a la possibilité d’offrir et de recevoir un service. C’est cela l’avenir de l’économie de demain. Chacun sera son propre employé et pourra offrir ou recevoir des services, de la danse, de la couture ou des cours de mathématiques grâce à Wari.
Propos recueillis par Louis Kemayeu et Daniel Djagoué