Quand on évoque le sujet d’actualité dans notre région, l’inclusion financière, les définitions fusent mais le dénominateur commun demeure «l’accès à moindre coût des populations exclues du système bancaire, aux services financiers de base, qu’elles se trouvent en zone urbaine ou rurale». En d’autres termes, ces populations marginalisées doivent avoir accès à un compte courant de base, au crédit, à une assurance et à un produit d’épargne.Plusieurs équations restent toutefois à résoudre concernant la problématique de l’inclusion financière.
Quelles sont les structures habilitées à offrir ces types de services financiers? Comment pouvons-nous amener ces services au niveau des populations surtout dans les zones rurales ? Comment garantir le faible coût d’accès? Comment créer de l’attrait aux services financiers pour les populations? Pouvons-nous dissocier l’inclusion financière de l’inclusion sociale ?
QUELQUES CONSTATS
Selon plusieurs études, plus de 2,5 milliards d’adultes n’ont actuellement pas accès aux services financiers de base, soit la moitié de la population adulte mondiale ; près de 75 % des adultes gagnent moins de 2 dollars par jour et n’ont pas de compte en banque; plus 50% de la population vivant dans les pays en développement n’ont pas de compte en banque contre 10 % dans les pays développés ; parmi les personnes ayant un compte, seul 44 % l’utilisent pour épargner ; dans les pays en développement, seulement 38% des femmes contre 47% d’hommes, disposent d’un compte bancaire.
Ce sont ces constats qui posent le défi de l’inclusion financière qui ne saurait d’ailleurs être dissociée de l’inclusion sociale qui constitue l’accès des populations à des services de base comme l’éducation, la santé, l’emploi, le logement, etc.
L’inclusion financière représente ainsi un enjeu économique et social majeur, non seulement dans les pays en développement mais aussi dans les pays développés, qui n’échappent pas à l’exclusion financière d’une partie de leur population.
Ainsi, le traitement de cette question ne peut que se faire selon une approche holistique. C’est sans doute ce qui justifie plusieurs initiatives dans le monde sur le sujet mais celle qu’il faut fondamentalement saluer est la semaine de l’inclusion financière organisée par la BCEAO qui a l’avantage de réunir l’ensemble des acteurs pour échanger et trouver les voies et moyens pour réussir le défi de l’inclusion financière dans l’UEMOA.
L’ENVIRONNEMENT
Le paysage bancaire et financier dans l’UEMOA et en Afrique de manière générale a connu ces dernières années des mutations profondes avec l’avènement de la technologie et l’apparition des nouveaux acteurs dans l’industrie des paiements.
Le taux de pénétration du téléphone portable, la démocratisation d’internet et des terminaux mobiles ont entraîné de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes de consommation. L’impact sur les banques, actrices centrales de l’économie et premiers fournisseurs de services financiers, a été considérable.
En un peu plus d’une décennie, c’est une véritable lame de fond qui s’est abattue sur les acteurs de ce secteur, les condamnant à s’adapter rapidement pour survivre et rester compétitifs.
Jusqu’à une date récente, l’expansion du secteur bancaire dans les pays africains, censé assurer l’offre de services financiers aux populations, passait uniquement par des ouvertures d’agences mais la technologie et les nouveaux acteurs sont venus bouleverser l’environnement.
Les banques de détail conçues sur le modèle associant front-office et back-office, avec pour fonction principale de gérer du cash, se sont montrées réticentes à l’innovation, notamment en raison des obligations auxquelles elles sont astreintes en matière de gouvernance et de gestion des risques. Il faut reconnaître que la donne commence à évoluer, on note de plus en plus une prise de conscience du secteur bancaire sur la nécessiter de revoir leur modèle d’affaires.
COMPETITION OU COOPERATION ?
Une nouvelle concurrence agressive et réactive, avec les Fintech et les opérateurs de téléphonie mobile se dessine. En seulement quelques années, ces nouveaux acteurs ont réussi à challenger les banques et leur soustraire de nombreuses parts de marché dans la distribution de services financiers de paiement. Les Fintech sont devenues très actives dans les crédits à la consommation, les moyens de paiement, les assurances ou encore les prêts aux PME.
L’évolution des comportements des consommateurs est remarquable ces dernières années. Ultra connectées, de plus en plus de personnes utilisent les services de téléphonie mobile ou de canaux à distance pour effectuer certaines opérations de base (consultation des comptes, transfert d’argent, paiements, virements, …).
Avec un taux de pénétration estimé à 60 %, le mobile est le support le plus utilisé sur le continent. L’internet mobile permet ainsi aux populations africaines de rester informées et connectées à moindre coût et aux consommateurs d’accroitre leur connaissance des produits financiers et ainsi de pouvoir comparer plus facilement les offres entre concurrents.
Pour ce qui concerne les banques, un accent particulier est désormais mis sur la digitalisation comme axe central du développement de leur stratégie autour de modèles différents : création de filiales dédiées au digital ou mise en place de partenariats avec des acteurs comme les opérateurs de téléphonie mobile ou les prestataires de services de paiement.
NAISSANCE D’UN NOUVEAU MODELE
Le digital a fait émerger un nouveau modèle d’offre de services financiers: connecté, intelligent, agile et social, dans lequel, l’agence traditionnelle et le conseiller tiennent une place différente dans la relation avec le client.
Les clients veulent en réalité le meilleur des deux mondes, physique et digital, avec des contacts en agence moins fréquents mais des services à plus forte valeur ajoutée.
Les clients veulent une nouvelle relation « à la carte » avec leur banque. Pour les opérations du quotidien, les utilisateurs préfèrent de plus en plus leur smartphone ou tablette. En revanche, pour les produits et services engageants, ils préfèrent garder une relation physique avec un conseiller.
Le besoin du contact humain s’estompe peu à peu, mais la sécurité et la confiance restent fondamentales. A ce titre, les banques disposent d’un avantage par rapport aux nouveaux entrants (même si ces « pure players » appartiennent aussi parfois à de grands groupes bancaires). Face à ce constat, les banques se sont remises en question et commencent à s’adapter.
Les banques ont bien compris une chose : elles n’ont pas besoin que de stratégie digitale mais aussi du digital dans leur stratégie. C’est la naissance d’un nouveau modèle : la banque à distance sans distance.
La digitalisation entraine des gains de productivité et une baisse des couts significatifs, notamment par la mise en place de nouveaux moyens de paiement 100% digitaux ou encore la dématérialisation de certains documents.
INNOVATIONS ET INNOVATIONS
Le triptyque « Client, Technologie et Services financiers » met désormais l’innovation sous toutes ses formes au cœur de la stratégie d’inclusion financière.
D’un côté, les innovations technologiques doivent apporter de la capacité, l’accessibilité et la sécurité et de l’autre, les innovations sur l’offre de produits et services, des réponses adaptées aux besoins des clients.
Innover, innover et innover doit être le lot quotidien des acteurs dans un monde en constante transformation où la technologie joue un rôle de premier plan.L’environnement technologique est une source de progrès pour les acteurs et l’innovation constitue un vecteur essentiel d’inclusion financière.Le développement des technologies novatrices comme les paiements mobiles, le paiement sans contact, les cartes à affichage digital, les wallets, la biométrie et la convergence digitale constituent des pas importants vers une stratégie efficace d’inclusion financière en Afrique et dans l’UEMOA. Mais prenons garde à l’efficience des modèles car la fragmentation des stratégies pour adresser les cibles dans un marché peu mature peut se révéler contre-productive. C’est sans doute, la recherche de l’efficience et le respect d’une concurrence saine qui amène la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest à initier le vaste chantier d’interopérabilité des systèmes financiers digitaux qui sera porté par le GIM-UEMOA et concerne à la fois des acteurs bancaires et non bancaires.
Cette vision est largement partagée par tous les acteurs car elle garantit au sein de l’écosystème des paiements digitaux, l’élargissement du réseau, l’équité et la transparence dans l’offre de services interopérables dans les meilleures conditions de sécurité. C’est un gage de confiance pour le consommateur final.
LES DEFIS A RELEVER
L’enjeu du développement économique et social de nos Etats passe par de véritables politiques publiques en matière d’accès des populations surtout des zones rurales aux services financiers de base. Dès lors, le développement des infrastructures par une large couverture en électricité et en télécommunication de qualité, l’adoption de la digitalisation des paiements étatiques, constitue des prérequis à l’inclusion sociale et à la réussite des chantiers d’inclusion financière. Au demeurant, les principaux défis à relever les prochaines années, par les Autorités de régulation et les acteurs de l’écosystème des paiements digitaux, tourneront autour de l’interopérabilité entre les plateformes de services financiers mobiles, la normalisation, la tarification, la sécurité, la gestion des données, la cybersécurité, la maîtrise des risques, la gestion de la fraude, la lutte contre le blanchiment d’argent et l’éducation financière.
L’usage adéquat des technologies et l’innovation demeurent les principales clés du développement de l’inclusion financière et sociale dans nos Etats.
Un commentaire
Monsieur le Directeur Général du GIM-UEMOA, bien vrai, que l’inclusion financière fait désormais partie des priorités des organismes réglementaires et des organisations de développement du monde entier, que la Banque Mondiale et les organismes de normalisation du monde entier ont mis en place pour élaborer des recommandations, des normes et des bonnes pratiques, il travaille également avec le G20, pour catalyser de nouvelles initiatives en faveur de l’inclusion financière.
Cependant monsieur le DG, même si l’on pense que l’inclusion financière peut amener la population à être enclin à recourir à d’autres services financiers, comme le crédit ou l’assurance, à créer une entreprise ou développer son activité, à investir dans l’éducation ou la santé, à gérer les risques, etc.
La question qui reste posée est la suivante, est ce que tous les éléments sont réuni pour la pérennité de cette inclusion, autrement dit nous risquerons de nous retrouver face à une structure tel que la CNE ou l’UNACOOPEC en Côte d’Ivoire qui sont des banques de détails.
En effet, j’ai pris le cas de la CNE et de l’UNACOOPEC pour la simple raison du fait de leurs 1ère missions qui est la proximité jusque dans les coins et recoins du pays, toutefois par la suite, des prêts ont été octroyés aux souscripteurs avec des projets etc. pour lesquels il y’a eu une mauvaise politique de recouvrement et également une gestion médiocre de ces établissements bancaires.
Les banquiers aujourd’hui ne prêtent que lorsqu’il y’a une solvabilité et il sera impossible pour nos banques d’investissements, car elles toutes avec un système de gestion à la française et chose dommage système également calqué par l’UEMOA, cependant difficilement adaptable à nos réalités.
Alors il serait capital, que pour 2019, que vous ayez un esprit managérial, critique et d’aller à l’essentiel en occultant pas nos réalités africaines, ce qui vous facilitera les choses au lieu de se cantonner que sur des ateliers etc.
Surtout il doit y avoir une saine coordination entre les acteurs publics et privés concernés, vous devez également installer les conditions propices et se doter de politiques plus générales pour promouvoir un accès responsable aux services financiers, des capacités financières, des produits innovants et des mécanismes de délivrance ainsi que des données de qualité.
En Afrique nous aimons très souvent copier les choses en occultant le fait que chaque pays africains ou européens a ses propres réalités et surtout une population ayant des besoins spécifiques.
Impossible de dissocier l’inclusion financière de l’inclusion sociale!
L’accès de nos populations à des services de bases tels que la santé, la formation, l’emploi et le logement etc. reste encore de très loin des défis majeurs à atteindre dans nos pays africains.
NB: C’est un très bon outil de développement, s’il est bien géré!
Respectueusement,
Ben TOURE-STEWART
CEO AIGF-SA/Afrique&Moyen-Orient