Selon les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) dans la nuit de mercredi à jeudi, l’opposant Félix Tshisekedi est arrivé en tête de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo.
Dans ce scrutin à un tour, le fils du célèbre opposant congoais l’emporte avec moins de 40% des voix. « « Ayant obtenu 7 051 013 suffrages valablement exprimés, soit 38,57%, est proclamé provisoirement élu président de la République démocratique du Congo M. Tshisekedi Tshilombo Félix », a déclaré Corneille Nangaa, le président de la Commission électorale, qui accède, lui aussi, dans une nouvelle dimension.
Ce scénario, s’il venait de se confirmer, serait historique. La RDC vivrait donc une alternance démocratique historique envers et contre toutes les attentes. Le régime Kabila qui a donné l’impression de jouer à la course à la lenteur, qui a chassé les observateurs européens, expulsé le représentant de l’Union Européenne, s’offre une honorable porte de sortie au bénéfice d’un pays-continent martyrisé par d’interminables guerres et rébellions sous fond de guerres privées pour l’accès aux ressources.
Cette alternance est historique car elle consacrerait (l’usage du conditionnel est imposé par l’histoire) une passation de services entre deux présidents, l’ancien et le nouveau sur le parvis du palais présidentiel.
Enfin une alternance pacifique
Faut-il le rappeler, peu de chefs d’Etat de l’ex-Zaïre ont eu le privilège dévolu aujourd’hui à Kabila fils de saluer leur successeur. Joseph Kasa- Vubu fut évincé en 1965 par Mobutu Sese Seko, assigné à résidence dans le bas Congo où il mourut quatre ans plus tard oublié et isolé.
Le même Mobutu, Léopoard de Gbadolite, père l’Abacos et de la si chantée révolution culturelle zaïroise, qui va influencer la scène artistique africaine de Douala à Abidjan, fut forcé à l’exil et à une mort au Maroc loin de la terre bantoue qu’il chérissait. « Chez nous, le chef a toujours raison », avait-il l’habitude de dire, dans une tentative d’explication de la démocratie africaine, sa démocratie, qui s’écroulera sous l’avancée des rebelles, en 1997, dans une conjonction des forces centrifuges et tectoniques de la région des Grands Lacs.
A la suite du Léopoard, le Mzee, Joseph Kabila, compagnon éphémère de Che Guevera (qui le dépeint en des termes peu révolutionnaires dans ses écrits), périra par les armes, touché à bout portant par un de ses garde-corps. Intronisé par le clan et avalisé par les urnes, Joseph Kabila aura cumulé 18 ans de pouvoir en faisant du silence son fétiche. Qui aurait pris au mot le président de 48 ans quand il confiait à une journaliste belge il y a quelques semaines qu’il se retirera du pouvoir pour se reconvertir en gentleman farmer?
Certes, il est encore trop tôt pour lui accorder le bénéfice de son propos tant les pressions de la communauté internationale et les deux ans de blocage des accords de la Saint Sylvestre, signés en décembre 2016, sans pouvoir empêcher un report conséquent des présidentielles, organisées finalement avec deux ans de retard sur le calendrier républicain, ont fini par le peindre en un dictateur jaloux de son fauteuil.
Les faits en cours sonnent comme une absolution libératrice d’un peuple de bientôt 100 millions d’habitants et rédemptrice d’un président plus énigmatique qu’on ne le pensait. Les prochains jours seront décisifs, à condition de faire taire les dissensions et de neutraliser les passions dévastatrices mêlées aux intérêts puissants et armés sur les pierres précieuses et les minerais de ce pays vaste comme 58 fois la Suisse, qui vient de déclarer le colbat minerais stratégique.
Arrivé deuxième de la présidentielle, le candidat de la coalition de l’opposition Lamuka, Martin Fayulu, a dénoncé dans une interview à RFI un « putsch électoral » et des résultats « ridicules », qui n’ont rien à voir avec la vérité des urnes. Pourvu que la voix de la raison et de la démocratie l’emportent.