L’Islamic Corporation for the Development of the Private Sector (ICD) est à la Banque Islamique de Développement (BID) ce que la SFI (Socièté financière internationale) est à la Banque Mondiale. Il s’agit de l’instrument de référence du groupe de la Banque Islamique dédié au financement et à l’accompagnement du secteur privé. Dans cet entretien exclusive, Ayman Amine Sejiny, PDG de l’ICD en poste depuis octobre 2018, nous brosse les grandes priorités de l’institution qu’il dirige pour l’Afrique.
Quels sont les domaines du secteur privé où intervient l’ICD ?
Les priorités de l’ICD sont encadrées par stratégie décennale du Groupe de la Banque Islamique de Développement (BID) pour le développement du secteur privé. Ces priorités couvrent les quatre domaines clés suivants :
• Développer des canaux financiers islamiques pour créer un impact multiplicateur, y compris le développement des PME
• Fournir des services de conseil liés au développement d’institutions financières islamiques et à l’émission de Sukuk.
• Financer des investissements dans des secteurs à fort impact
• Travailler en partenariat avec le Groupe de la BID et d’autres banques multilatérales de développement pour optimiser la mobilisation des ressources.
Dans le cadre de son plan d’activités pour 2019-2021, qui devrait être examiné par le Conseil d’administration plus tard cette année, l’ICD continuera de concentrer ses activités sur le secteur financier, tout en allouant davantage de ressources pour accroître son assistance dans le secteur des infrastructures.
A l’avenir, quels sont les axes de développement retenus dans vos projections?
Afin de mieux répondre à la croissance rapide de la finance islamique dans les pays membres, l’ICD doit mobiliser efficacement des ressources en capital à long terme, ce qui nécessite à son tour de veiller à préserver sa solidité financière grâce à une gestion prudente des risques, à une gouvernance solide et à des processus opérationnels efficaces. En outre, en réponse aux exigences sans cesse changeantes du secteur privé dans les pays membres, l’ICD prévoit de décentraliser ses activités d’approvisionnement afin de concrétiser les opportunités potentielles dans les pays nommés. À cet égard, l’ICD a activement participé au projet «Gateway Office Project» dirigé par la Banque, qui envisage d’établir de nouveaux bureaux régionaux dans différentes régions au cours des trois prochaines années.
Comment jugez-vous l’état d’avancement de la finance islamique en Afrique ?
La finance islamique devrait continuer à se développer en Afrique en travaillant sur de nouveaux marchés potentiels et en finançant des projets de développement. Pour mieux répondre à la croissance rapide de la finance islamique sur le continent, l’ICD doit mobiliser efficacement des ressources en capital à long terme, ce qui l’oblige à préserver sa solidité financière et à adopter une gestion prudente des risques ainsi qu’une gouvernance solide et efficace.
ICD accorde une attention particulière au développement des PME en Afrique subsaharienne. L’institution compte une série de projets ambitieux, appliquant les principes de la finance islamique, dans le domaine des infrastructures africaines. L’Afrique est un marché potentiel pour ‘ICD. Nous estimons que l’Afrique doit absolument atteindre ses objectifs de développement en mettant en œuvre plus d’investissements dans les infrastructures: routes, logements, écoles et hôpitaux. L’ICD déploie de gros efforts pour répondre aux nouveaux défis des pays membres en créant de nouvelles possibilités d’emploi. La croissance de l’emploi, qui est associée de manière positive et significative à la croissance du PIB, est un mécanisme essentiel pour améliorer la répartition des revenus et réduire durablement la pauvreté.
Selon les informations, vous comptez émettre des Sukuk sur les marchés financiers africains ? Qu’en est-il ?
Traditionnellement, ICD finançait des projets du secteur privé en dollars américains dans les pays membres et, plus récemment, nous avons commencé à effectuer des décaissements en euros. Compte tenu de la volatilité récente des marchés financiers mondiaux, en particulier de la baisse des taux de change dans nos pays membres par rapport au dollar américain, nous envisageons activement de mobiliser des fonds en devises locales afin d’investir dans la même monnaie dans nos pays membres et protéger ainsi les bénéficiaires finaux contre les mouvements défavorables de change. La mobilisation peut être effectuée via une émission de sukuk publique ou privée, ou via des transactions bilatérales. Les Sukuk que nous prévoyons d’émettre en monnaie locale peuvent être répertoriés dans les échanges régionaux en fonction de l’infrastructure disponible dans cette juridiction. Par conséquent, à l’avenir, en plus de mobiliser des fonds en dollars américains ou en euros, nous examinerons la possibilité de collecter des fonds dans les monnaies locales de nos pays membres. Dans ce contexte, nous sommes prêts à collaborer avec davantage de pays membres pour la publication de leurs premiers Sukuk .
ICD a apporté des contributions notables au développement du marché des Sukuk dans les pays de l’UEMOA. Six Sukuk souverains ont été émis à ce jour avec l’implication de l’ICD. Y a-t-il des émissions similaires dans le pipeline?
Jouer un rôle dans le développement des marchés des capitaux islamiques est l’une des missions clés de l’ICD dans tous les pays membres. Une émission souveraine ouvre la voie aux entreprises de nos pays membres. Nous prévoyons que cela se produira à l’avenir et ICD souhaite identifier des émetteurs potentiels dans ces pays membres. Bien entendu, il est également primordial de continuer à conseiller les pays membres sur leurs émissions de Sukuk et il est prioritaire d’identifier les pays de la région MENA, d’Afrique et de la CEI prêts à émettre de telles émissions. À cet égard, ICD cherche à reproduire son expérience avec le Royaume hachémite de Jordanie en 2016, où il a conseillé le gouvernement d’émettre un Sukuk en monnaie locale à moyen terme. De plus, ICD étudie les possibilités d’émettre des Sukuk en monnaie locale dans ses pays membres afin de catalyser les investissements dans ces pays.