Par Eric Maniable
La CIMA, autorité de contrôle des assurances de 14 pays africains, a instauré en 2016 une provision de gestion destinée à ce que les compagnies puissent faire face à des déséquilibres futurs de gestion. C’est-à-dire à anticiper que les ressources (les chargements et frais prélevés sur les contrats) puissent être inférieures aux dépenses (frais généraux, commissions d’acquisition). Et ce, indépendamment des perspectives de gains ou de pertes techniques (essentiellement liées aux écarts de mortalité) ou financières.
Cette provision a été décriée comme étant une charge trop importante imposée dans un contexte où de nombreuses compagnies n’avaient pas encore atteint de chiffre d’affaires suffisant, et instaurée sans qu’elles aient le temps pour modifier leur business model afin de mieux s’adapter à cette nouvelle contrainte. Son application a donc été repoussée, la CIMA convenant de pouvoir améliorer la définition de cette provision.
Revue en 2018, la nouvelle définition permet de tenir compte des bénéfices techniques et financiers. Ce qui revient à calculer, par catégorie de contrat, un compte de résultat (très proche de l’état C1) et de ne tenir compte que des catégories déficitaires en moyenne sur les 3 dernières années.
Ce déficit moyen doit être projeté sur la durée moyenne résiduelle des contrats (ou sur une durée fixée par la réglementation pendant une période transitoire). Pour illustrer, si sur une catégorie de contrat, par exemple les assurances individuelles en cas de vie, l’assureur a connu des pertes moyennes de 100 MXAF, quelles qu’en soit les raisons structurelles ou contractuelles, il pourrait être amené à constituer une provision de l’ordre de 440 MXAF. Soit 100 MXAF chaque année pendant 5 ans, actualisés au taux moyen de ses rendements financiers passés.
Cette approche simplifiée peut être critiquée sur les points suivants :
- D’un point de vue actuariel : le profil de rentabilité d’un contrat est loin d’être linéaire. En particulier pour des contrats à forte composante de risque (emprunteur par exemple). La provision de gestion peut créer de fort décalage de valeur entre le bilan et la valeur économique du portefeuille
- D’un point de vue managérial : l’introduction des profits techniques et financiers dans la provision de gestion dénature sa destination et risque de ne pas permettre de protéger l’assuré et de continuer à masquer les compensations implicites. Ce nouvel outil de pilotage ne permet pas d’identifier clairement la marge déficitaire liée à la gestion, et son coût sur la valeur de l’entreprise
A noter que, dans certaines compagnies d’assurance, il circule une formule qui conduirait à ne projeter qu’un seul déficit futur au terme de la durée résiduelle. Comme si le contrat ne connaîtrait pas de pertes pendant toutes les années futures sauf la dernière année. Dans notre exemple précédent, la compagnie serait amenée à provisionner 82 MXAF, ce qui serait très éloigné de l’esprit du texte.
Pour conclure, on peut tout de même saluer l’introduction dans la réglementation de cette provision car elle crée une réelle avancée dans l’appréhension du risque par les assureurs vie. Ceci devrait les conduire à revoir plus en profondeur leur chaîne de valeur, la structure de gestion, la tarification, à réaliser systématiquement des business plan réalistes avant de lancer un nouveau produit et à évaluer la valeur de leur portefeuille annuellement.