C’est le principal enseignement du baromètre AFRICALEADS rendu public le 8 février par le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) lors de son Forum annuel organisé à la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Paris avec le MOCI. Distancée à la cinquième place en termes d’image, la France se trouve propulsée au 7ème rang du classement des pays les plus bénéfiques pour le continent derrière la Chine, le Japon, l’Allemagne, la Turquie, les Etats Unis et… l’Inde !Fini la prédominance du « pré carré » sur l’Afrique francophone ? A voir même si la déconfiture pour la France est cuisante : « insérée dans la mondialisation, l’Afrique s’est ouverte à des influences étrangères multiples, notamment asiatiques. C’est pourquoi il était important de mesurer l’image des pays étrangers non africains auprès des leaders d’opinion du continent (…).Nous espérons faire mieux l’an prochain», a commenté Etienne Giros, le président délégué du CIAN en présentant les résultats.
Réalisé par le cabinet IMMAR qui possède des bureaux à Alger, Casablanca, Abidjan et Kinshasa, ce sondage est une première qu’il faut saluer. Il a permis d’interroger 1 244 décideurs politiques, religieux, économiques, des médias, de la société civile entre juin et septembre 2018 dans huit pays francophones (Tunisie, Algérie, Maroc, Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Cameroun et RD Congo) à la fois sur leur perception des performances du continent telles qu’eux les voient mais aussi sur l’impact des pays étrangers en Afrique. « L’an prochain, a promis son directeur des études Mohamed el Kachi, trois pays anglophones en dehors de l’Afrique du Sud seront également sondés. Il s’agit du Nigéria, du Kenya et de l’Ethiopie ».
Perte d’image de la France
Cette concentration sur la partie francophone de l’Afrique (Mahgreb, Afrique de l’Ouest et Afrique du Centre) montre un net recul de la France au profit, notamment, de l’Allemagne. Ainsi, dans le Top 5 des pays non africains ayant la meilleure image, ce pays caracole en tête au Maghreb (56%) et en Afrique du Centre (46%) et arrive en 3ème position en Afrique de l’Ouest (33%) derrière la Chine et les Etats Unis. Supplantée par l’Allemagne en 2017 comme principal fournisseur européen du continent, la France n’arrive qu’en 6ème position au Maghreb (20%) et en Afrique du Centre (22%) et en 5ème en Afrique de l’Ouest (21%). Pour Etienne Giros, l’image pays est corrélée au dynamisme intrinsèque de son économie et il faut donc rester prudent dans l’interprétation. « Les puissances qui se sont résolument tournées vers l’Afrique ont également bénéficié d’une prime psychologique », insiste-t-il. Il n’en reste pas moins, selon le rapport de la Coface publié en juin 2018, que si la balance commerciale de la France reste excédentaire vis-à-vis du continent ses parts de marchés ont été divisées par deux depuis 2000 passant de11% à 5,5% en 2017.
Invités à commenter ces résultats, les intervenants de la 1ère table ronde au Forum Afrique 2019 du CIAN consacré, cette année, à l’innovation et aux modèles pour galvaniser le dynamisme des économies africaines ont, tous, déploré la perte d’influence de la France mais en faisant la distinction entre la politique de l’état français en Afrique et celle des grandes entreprises françaises qui y sont implantées depuis longtemps. L’image de la France est, aujourd’hui, entachée à cause des interventions militaires et de l’ingérence politique de Paris jugés de plus en plus insupportables par les jeunes générations. Ce qui, comme le note Fatoumata Ba, fondatrice et présidente de Janngo, a des conséquences sur ses exportations. Eric Sabatier, senior vice-président de GSIT qui fédère les bureaux Veritas dans 22 pays africains , note que c’est d’ailleurs à partir de 2002/2003 que la France a commencé à perdre des parts de marché en Afrique sous les coups de boutoir de la Chine. Pour Stéphane Colliac, économiste en chef d’Euler Hermès, ce recul de la France s’explique par l’absence ou l’arrivée tardive de sa diplomatie économique sur le terrain par rapport aux offensives commerciales de pays comme la Chine, la Turquie ou les Etats Unis. Jean Michel Huet, associé chez Bearing Point, souligne qu’aucun programme visant à l’amélioration du climat des affaires ou à l’intégration régionale, particulièrement dans l’espace francophone, n’a jamais été initié par la France qui se satisfait d’une approche bilatérale. Tandis que pour Thibault Flichy, Vice-président Marketing & Digital Afrique chez Total, il n’est pas possible de juger du poids de la présence française en Afrique sans tenir compte du rôle joué par les grands groupes sur les économies locales.
Satisfaction à l’égard des grands groupes français
Pour Etienne Giros, même si la politique africaine de la France semble moins attractive que celle de ses concurrents, il convient de nuancer compte tenu de fondamentaux solides en Afrique. Le baromètre fait ainsi apparaitre que les media français restent les sources d’information privilégiés des leaders d’opinion en Afrique francophone : 76% pour RFI et 49% pour France 24 contre 7% seulement pour Al Jazeera. Concernant les entreprises étrangères ou africaines les plus appréciées, des grands groupes français comme Orange, Total ou Renault figurent dans le top 10 aux côtés de multinationales comme Toyota, Samsung, Dangote, MTN, Nestlé, Soger Satom ou Coca Cola. Si l’on prend le classement par région, Renault arrive en tête au Mahgreb et Orange en Afrique de l’Ouest devant Toyota tandis que c’est Dangote qui ravit la première place en Afrique centrale devant MTN et Toyota. Orange n’arrive qu’en quatrième position.
Idem pour les marques pour lesquelles quel que soit le domaine d’activité (opérateurs télécom, banques, marques automobiles, compagnies aériennes), les françaises restent bien positionnées en termes d’image. Ainsi Orange (41% de réponses positives) domine ses concurrents MTN (14%), Cedoo (8%), Vodacom (5%) et Moov (4%) dans les huit pays sondés. Ainsi qu’Air France (22% de réponses positives) contre 13% pour Ethiopian Airlines, 8% pour Air East Congo, 7% pour Emirate et 5% pour Turkish Airlines. Pour les banques, la Société Générale arrive en troisième position avec 12% de réponses positives derrière Ecobank (16%) et Attijariwafa Bank (15%) et la BNP Parisbas (6%) en cinquième position derrière Bank of Africa (9%). Pour les marques automobile, c’est Toyota qui domine (29% de réponses positives) suivi de Renault et BMW, ex-aequo avec 10%, Hyundai (6%) et Peugeot (5%).
Par Christine Holzbauer