Par Rodrigue Fénélon Massala, envoyé spécial à Yaoundé.
Le 3e Comité technique de l’Union Africaine spécialisé sur les finances, les affaires monétaires, la planification et l’intégration économiques se tient à Yaoundé du 4 au 8 mars sur le thème «Politiques publiques pour une transformation productive».
Les participants abordent différents thèmes dont la transformation productive en Afrique, le rôle de l’intégration régionale et du secteur privé, le leadership transformateur et la transformation productive de l’Afrique. La rencontre se tient dans un contexte où l’harmonisation sous régionale et régionale pose problème dans certains endroits du continent, notamment en Afrique Centrale.
« Si la transformation structurelle a déjà fait l’objet de plusieurs études, les réflexions autour de la transformation productive méritent d’être alimentées », fait observer le commissaire aux affaires économiques de l’Union Africaine, Prof Victor Harison.
Et l’expert de préciser son propos:« la transformation productive est un processus par lequel les gains de productivité rattrapent un groupe de pays très performants. Ce processus peut être mesuré de différentes manières, aux niveaux du continent, de la région, du pays et de l’entreprise».
Au regard de la dynamique économique en vogue dans le monde ,il est important de préciser que si dans les économies des pays développés il est observé que le transfert de ressources se fait du secteur primaire vers le secteur secondaire puis tertiaire, dans les économies africaines, le secteur secondaire est contourné, créant un transfert direct entre le secteur primaire et le tertiaire.
La combinaison de la révolution démographique africaine, de la Transformation spatiale, de la transition urbaine rapide, du changement climatique et de l’intégration régionale offrent, entre autres, de nouvelles opportunités de transfert de technologie en Afrique. C’est dans cette perspective que l’accélération du développement du secteur productif africain est essentielle pour permettre a moyen terme au continent de profiter d’une deuxième décennie de croissance en vue d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2063. C’est le véritable challenge à relever au niveau des états membres de l’Union Africaine.
Enjeux de la rencontre
Dans le cadre de la planification économique, il est plus que jamais urgent pour les Etats africains de ne ménager aucun effort afin de ne plus exporter les matières premières non-transformées. Un leadership transformateur ainsi qu’un changement de mentalité au niveau des sphères décisionnelles sont, au regard des contingences exogènes et endogènes, des composantes indispensables pour guider le programme transformateur et d’industrialisation des pays africains. C’est d’ailleurs dans cette optique que le nouveau président Malgache, Andry Rajoelina, soulignait devant ses pairs lors du dernier sommet ordinaire de l’UA que : «nous ne pouvons pas disposer d’importantes réserves d’or et ne pas avoir une bourse de l’Or sur le continent puis ne pas être en mesure de transformer nos matières premières sur place».
Dans la même vision , le ministre des Finances du Cameroun, hôte de la rencontre, a spécifié que l’Afrique dispose de 30% des ressources naturelles du monde. Pour le haut cadre, l’enjeu consiste à «transformer les économies africaines, pour qu’elles soient de plus en plus fortes, de plus en plus résilientes. Et créer de plus en plus d’emplois. » C’est l’une des solutions proposées par Louis Paul Motaze pour palier le retard économique de l’Afrique.
Aussi les experts réunis à Yaoundé devront-ils trouver d’autres solutions par rapport à l’exportation des produits bruts. Un défi, tant la contribution de l’Afrique au commerce mondial représente à peine 3% . Bref, il est question pour le continent de se libérer du modèle économique hérité de la colonisation. Cela l’engage à repenser son propre modèle transformation des matières premières et à réduire les importations.
Pour les experts Africains du comité technique spécialisé, parvenir à franchir l’étape du développement intégré du continent passe par une politique prospective élaborée dans le cadre du développement d’un programme des infrastructures nationales et régionales appropriées, avec des compétences techniques pour produire davantage de biens à forte valeur ajoutée et un environnement d’affaires et de commerce favorables et incitatifs.
Au regard du contexte actuel marqué par la réduction de l’aide publique au développement (APD) et des investissements directs étrangers (IDE) en raison du ralentissement de la croissance des économies des pays développés, il est plus que jamais nécessaire pour les états Africains de mobiliser les ressources nationales pour financer les activités de transformation et de diversification.
Dans cette perspective, la mise en place des institutions financières de l’Union africaine que sont la Banque centrale africaine, la Banque africaine d’investissement, le Fonds monétaire africain et la Bourse panafricaine des valeurs mobilières, s’avère primordiale.
Ces institutions contribueront in fine au développement d’un système financier africain moderne et solide, ce qui facilitera les paiements et les règlements puis réduira ainsi les risques de volatilité du taux de change associés aux échanges commerciaux et aux investissements transfrontaliers. L’idée de la mise en place d’une agence de notation s’avère essentielle afin d’évaluer les risques encourus par les entreprises, fait observer le commissaire des affaires économiques de l’Union africaine.
Les experts réunis à Yaoundé présenteront aux ministres africains en charge des finances et de la planification un rapport invitant les gouvernements des états membres de l’Union Africaine à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de signer et de ratifier les instruments légaux des institutions financières et la zone de libre échange .
Le CTS sera l’occasion pour les ministres d’évaluer l’état de la mise en œuvre des recommandations de la réunion précédente et de formuler de nouvelles recommandations, en particulier sur le thème actuel.
La réunion du CTS de 2019 est organisée par la Commission de l’Union africaine (CUA) avec l’assistance technique de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF) .
L’objectif du CTS est de proposer les mesures et moyens politiques concrets nécessaires à une transformation productive, qui seront examinés et approuvés par le Sommet de l’Union africaine en juin-juillet 2019.