La commission économique de l’Union africaine, en partenariat avec l’ African Capacity Building Foundation (ACBF), a tenu du 4 au 8 mars 2019 à Yaoundé, capitale du Cameroun, la 3ème session du comité technique spécialisé(CTS) sur les finances, les affaires monétaires, la planification économique et l’intégration.
Durant 4 jours, les experts et les ministres africains en charge des finances et de la planification ont jeté les bases pour la transformation des économies africaines dans le cadre de l’intégration, du renforcement des échanges commerciaux à travers la mise en place des instruments financiers propres au continent et la zone de libre échange continentale.
Selon le rapport final qui a sanctionné cette troisième session du comité technique spécialisé (CTS) de l’Union Africaine , les ministres en charges des finances des états membres et l’association des banques centrales africaines ont travaillé sur l’harmonisation du cadre de fonctionnement des communautés régionales africaines pour parvenir à une transformation productive de leurs économies respectives telle que résumée dans l’agenda 2063, « L’Afrique que nous voulons ».
Le rapport de la session de Yaoundé tout comme les réflexions antérieures indiquent que, depuis un certain temps, les États africains travaillent à une initiative collective visant à une libre circulation effective des personnes et des biens sur tout le continent, mais en vain. C’est dans ce contexte que le comité technique spécialisé de l’Union ne ménage aucun effort pour la mise en œuvre de la Banque centrale africaine ,du fond monétaire africain ,la banque d’investissement africaine et la bourse de valeurs mobilières africaine.
La nécessité de la mise en œuvre des instruments de financements propres à l’Afrique l’éloignerait des mécanismes économiques et financiers hérités de la colonisation. L’Afrique doit transformer son économie en plateforme économique de production et non en plate forme d’économie de consommation comme c’est le cas depuis bientôt 60 ans .
Dans cette perspective, la mise en place des institutions financières de
l’Union africaine prévues dans le traité syrte , contribueront au développement d’un système financier africain moderne et solide, facilitera les paiements et les règlements, et réduira ainsi les risques de volatilité du taux de change associés aux échanges commerciaux et aux investissements transfrontaliers.
L’idée de la mise en place d’une agence de notation s’avère donc essentielle afin d’évaluer les risques encourus par les entreprises qui opèrent sur le continent.
Il est inadmissible après 60 ans que les statistiques des états africains soient produites par des institutions non africaines comme l’OCDE et l’Union Européenne. C’est pour palier à ce déficit que la commission économique de l’UA dans le cadre de l’initiative Shasa2 (Stratégie pour l’harmonisation des statistiques en Afrique) a produit et présenté à Addis-Abéba en juillet 2018 le premier rapport des statistiques des états africains. Car un continent qui veut se transformer doit-être en mesure de maîtriser ses propres leviers de développement avec la définition de ses critères qualitatifs et quantitatifs.
La session de Yaoundé qui a entre autres aussi porté sur l’intégration monétaire en Afrique centrale notamment comme nous l’indique une source de l’UA ; Certains pays ont par le passé résisté à la notion d’union et à l’harmonisation des cadres juridique et institutionnel. A en croire cette source, il est clair que la réunion de Yaoundé a permis de faire avancer le processus de mise en œuvre d’une harmonisation sous-régionale tangible.
Au regard de tout ce qui précède il sied de souligner que la transformation des ressources naturelles africaines en y ajoutant de la valeur, le développement des infrastructures et la modernisation du marché financier africain sont essentiels pour la mise en oeuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Au cours de cette année 2019, la Commission de l’ UA va lancer la prochaine phase des négociations sur la ZLECAf telles que l’élaboration du règlement sur les marchandises produites dans le cadre d’arrangements économiques spéciaux (zones de l’Annexe sur les règles d’origine) ; la mise au point d’un mécanisme d’identification, de surveillance et d’élimination des obstacles non-tarifaires, etc.
La Commission de l’Union Africaine reste confiante que les 22 ratifications nécessaires à la mise en vigueur seront obtenues incessamment et que le lancement de la ZLECAf soit effectif lors du Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA qui se tiendra le 6 juillet 2019 à Niamey, au Niger.
En ce qui concerne l’état de l’intégration au niveau régional, la session de Yaoundé a noté que bien que certaines Communautés Economiques Régionales (CER) aient fait des progrès significatifs en matière de commerce et de libre circulation des personnes, des biens et services, la rationalisation des CER reste un travail commun.
La faiblesse des réseaux d’infrastructures intra-CER et extra-CER et la réticence des États membres à céder une partie de leur souveraineté constituent d’autres challenges. La commission de l’UA vient de développer un indice multidimensionnel de l’intégration régionale africaine (IMIRA) afin de mesurer les efforts et les progrès réalisés en matière d’intégration et de déceler les obstacles en vue d’y apporter les mesures correctives nécessaires. C’est un outil statistique efficace. L’Afrique ne saurait mesurer ses avancées dans sa marche vers l’atteinte des objectifs de l’Agenda 2063 sans suivre cette approche.
En effet, c’est dans cette optique que le commissaire aux affaires économiques de l’Union Africaine Prof Victor Harrison, a invité les Etats membres à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de signer et ratifier les instruments légaux des institutions financières. Il a précisé dans sa présentation que la Commission de l’Union Africaine , pour sa part, travaille en étroite collaboration avec l’Association des banques centrales africaines pour suivre les performances macroéconomiques des pays en vue de créer les conditions nécessaires à la création de la Banque centrale africaine.
Le même travail est aussi réalisé avec l’Association des bourses africaines des valeurs mobilières (ASEA) pour la réalisation du projet de la Bourse panafricaine.
Par ailleurs, Victor Harrison a informé les ministres et experts africains présents à Yaoundé que l’ouvrage de référence sur la «Mobilisation des ressources domestiques : lutte contre la corruption et les FFI» dont la production été décidée à l’issue de la session du CTS de 2018 est en cours de finalisation et devrait être publié dans les prochains mois.
La session du CTS de Yaoundé a spécifié que la corruption était l’un des freins à la croissance économique inclusive et durable. La session a noté que la corruption décourage les investisseurs et augmente les inégalités. À cet égard, les efforts doivent être orientés vers l’examen de la bonne combinaison de politiques, la vérification des lois nationales et la promulgation des lois en fonction du contexte mondial changeant. En outre, la réunion a souligné la nécessité de résoudre le problème des flux financiers illicites (IFF). Pour ce faire, il a été noté qu’il était nécessaire d’améliorer la gouvernance et la responsabilité pour réduire l’hémorragie financière des flux financiers illicites grâce à la lutte contre la corruption.
S’exprimant lors de la session , le ministre des Finances du Cameroun, Louis Paul Motaze, a déclaré: « L’Afrique, malgré ses nombreuses ressources minérales, ne représente qu’un maigre pourcentage de l’intrant commercial du monde et importe toujours presque tout, y compris les monnaies, ce qui l’a rendue riche, mais très pauvre ».
La session du CTS 2019 de Yaoundé a conclu que le financement du développement de l’Afrique nécessite une approche globale qui exploite le potentiel de la mobilisation des ressources intérieures.
Rodrigue Fénelon Massala