Tenu le 31 mars à Tunis sous les chapeaux de roue (certains émirs n’avaient pas éteint le moteur de leurs aéronefs), le 30ème sommet de la Ligue Arabe a été riche en salamalecs et en couacs de tout genre. Le mur du son a été dépassé quand l’ancienne hymne de Mauritanie fut jouée à la place de la nouvelle. Les diplomates mauritaniens accrédités à Tunis, les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et le protocole du président ont dû subir cet hymne d’un autre siècle jusqu’à la fin.
La colère présidentielle fait trembler plus d’un membre de sa délégation alors que les officiels tunisiens ont fait assaut d’amabilité pendant 24 heures pour réparer la bévue. Mis à part la colère contenue de Nouakchott, l’on notera tout le long du sommet, le duel entre la grande Arabie Saoudite et le petit Qatar. Asphyxié par la délégation de 1 400 officiels et officieux venus de Riyad à bord de 22 avions, l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani, l’homme fort de Doha, a précipitamment quitté la capitale du jasmin dès la fin du discours d’ouverture laissant toute latitude à ses adversaires. À l’origine de cet «affront», une déclaration du Secrétaire général de la Ligue Arabe contre la Turquie et l’Iran, deux alliés du Qatar.
Du reste ce sommet marque la fin de bien des illusions.
Confrontée à l’effritement de sa coalition dans sa guerre au Yémen, l’Arabie Saoudite est obligée de faire marche arrière, ce qui reviendrait à accepter l’échec d’une stratégie belliqueuse portant la signature du prince MBS. En froid avec Rabat, son allié historique au Maghreb, l’Arabie Saoudite garde une pièce maîtresse dans la région en le Maréchal Khalifa Haftar maître de l’Est libyen. Pendant ce temps, Rabat est rangé du côté du gouvernement libyen d’entente nationale de Fayez al-Sarraj reconnu par l’ONU tout en veillant à ce que le froid qui provient des Lieux Saints ne soit pas mis à profit par Alger, parrain du front Polisario et de son vieux projet de la République Arabe Sahraouie.
L’Algerien Ramtane Lamamra, venu en véritable chef de la diplomatie, (l’Algérie n’ était pas inscrite à l’ordre du jour de ce sommet en dépit de bien des tentatives ) a appris son limogeage surprise en plein sommet. Habitués aux bourrasques politiques, aucun des officiels n’a émis le moindre commentaire, occupés qu’ils étaient à rédiger la résolution condamnant Donald Trump dans le Golan.
Ainsi, le fantasque locataire de la Maison Blanche est le seul sujet de consensus entre des leaders arabes champions des discours convenus et des accolades face aux caméras. Le Roi Mohammed VI du Maroc qui avait boudé ce sommet comme du reste la plupart des précédentes éditions aura eu raison: les conditions objectives pour faire réussir un sommet arabe ne sont pas encore réunies».