Par Rodrigue Fénélon Massala, grand reporter
La Côte d’Ivoire a accueilli du 05 au 07 avril 2019 à Abidjan, le « Ibrahim Governance Week-end » (Semaine Ibrahim sur la Gouvernance), l’événement annuel de la Fondation Mo Ibrahim. Au cours des rencontres, les participants venant d’Afrique et du monde entier ont eu à échanger sur la question de la migration des jeunes africains. Un thème considéré par la Fondation comme une priorité en matière de gouvernance et de leadership pour le continent.
Selon la Fondation Mo Ibrahim, la question de la migration doit –être placée au cœur de l’agenda de la gouvernance des Etats africains. Les discussions ont porté, entre autres, sur les « Réalités des migrations africaines », « Une jeunesse explosive confrontée à la croissance sans emploi », « la gestion du processus migratoire entre le sud et le nord, le renforcement de la mobilité, l’actualisation des compétences, le partage des responsabilités», entre le nord et le sud etc.
Au-delà du thème du forum, il est utile de s’interroger sur le choix porté par la Fondation de débattre de cette problématique migratoire en Côte d’Ivoire, pays de transit pour les migrants mais aussi, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), pays qui enregistre un des forts taux de migrants qui prennent la voie de Méditerranée.
En réunissant des jeunes à Abidjan, cette composante dynamique qui, dans la prospective, est le fer de lance appelé à prendre le relais demain, le président de la Fondation Mo Ibrahim qui a convié sept anciens chefs d’État à Abidjan, a-t-il voulu passer un message au président ivoirien Alassane Ouattara? Le forum s’adressait-il en particulier à l’homme dont le mandat s’achève en 2020 ?
C’est pour le moins la perception de nombre d’observateurs. L’action de la fondation Mo Ibrahim s’articule, rappelons-le, autour de la promotion de deux points cardinaux à savoir , « la bonne gouvernance Politique » et « la bonne gouvernance économique ».
L’indice Mo Ibrahim, qui plus est, privilégie le respect strict des principes et valeurs démocratiques lesquelles valeurs passent par le respect de la règle de la limitation des mandats.
Ouattara: « J’ai jamais fait plus de 6 ans dans un job »
Prenant la parole lors de la cérémonie d’ouverture, le chef de l’Etat ivoirien semble avoir bien perçu le message codé de Mo Ibhrahim. Comprenant parfaitement l’enjeu, Alasane Ouattara déclare : « Je remarque ici, (7) anciens chefs d’Etat. Je pense que mon frère Moh Ibrahim veut me passer un message. J’ai jamais fait plus de 6 ans dans un job… Cela fait 8 ans que j’exerce la fonction de président. C’est tellement évident, la transmission du pouvoir est une question morale. C’est une conscience morale de savoir que l’âge peut être un frein pour un chef d’État….J’ai presque pris ma décision.»
En effet, au regard du profil des anciens dirigeants invités à Abidjan dont 3 ont été à la tête des pays en post-conflits à l’instar de la côte d’Ivoire (Ellen Johnson Sirleaf du liberia, Joaquim Chissano de Mozambique, Ernest Bai Koroma de Sierra Léone) ,qui au bout de leurs mandats constitutionnels avaient quitté le pouvoir par la grande porte à travers une transmission pacifique des charges publiques de l’Etat.
Les six anciens chefs d’Etat africains ainsi qu’ une ancienne présidente Européenne, Mary Robinson (première femme présidente d’Irlande du 3 décembre 1990 au 12 septembre 1997 ) , présents à Abidjan, ont donc une particularité : celle d’avoir quitté le pouvoir à la fin de leurs Mandats constitutionnels. Ils n’ont cherché en aucune manière à briguer un 3 ème mandat. Un autre ancien chef d’Etat présent aussi à Abidjan, le ghanéen John Dramani en l’occurrence, avait lui par contre accepté sa défaite face à un candidat de l’opposition. Tout comme l’ancien premier ministre éthiopien Hailé Mariam Dessalegn qui a perdu démocratiquement le pouvoir il y a une année.
Cette forte affluence a eu de l’effet. Alassane Ouattara qui a bien décodé le message vient de trancher sur son avenir politique en annonçant sa décision, de façon codée s’entend, de quitter le pouvoir. La parole de financier doublé de politique vaudra certainement plus qu’un chèque sans garantie.