L’Africa Fintech Summit (AFTS) se tiendra à l’Institut américain de la paix le 11 avril à Washington pendant la semaine des réunions de printemps de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. L’AFTS rassemblera des leaders, des décideurs politiques et des investisseurs de toute l’Afrique et des États-Unis pour discuter de l’avenir de la technologie financière. Grâce à un partenariat avec Congo Business Network, l’AFTS cherche à impliquer les entrepreneurs congolais qui travaillent pour révolutionner les écosystèmes financiers et technologiques. ACTUALITE.CD reçoit Noel K. Tshiani, fondateur de Congo Business Network, pour cette interview aujourd’hui.
Noel K. Tshiani, parlez-nous de votre parcours et présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plaît.
Noel K. Tshiani : Je suis originaire de la République démocratique du Congo, et j’ai vécu aux États-Unis depuis 1996, ce qui fait presque 23 ans à la fin de cette année.
Sur le plan académique, j’ai trois diplômes de licence en finance, en marketing et en science politique. De plus, j’ai suivi une formation des cadres sur les marchés financiers et la gestion efficace des entreprises à la Wharton School en Philadelphie. De plus, j’ai également suivi une autre formation en entrepreneuriat à la Kauffman Foundation à New York.
Actuellement, je suis président de Agere Global, une société de conseil en investissement et en stratégie commerciale basée à New York.
Je suis aussi le fondateur de Congo Business Network, un réseau international des professionnels et des entrepreneurs congolais. Sa mission est de connecter la diaspora au monde des affaires au Congo et dans d’autres pays en Afrique.
Sur la base de votre expérience dans le secteur bancaire, que pouvez-vous nous dire sur fintech ?
Noel K Tshiani : La technologie financière, ou fintech, fait référence aux domaines d’innovation majeure dans le secteur bancaire. Je me souviens que lorsque je suis arrivé pour la première fois aux États-Unis, nous n’avions pas la possibilité d’effectuer des opérations bancaires de base sur un téléphone mobile. Le secteur bancaire a beaucoup changé, surtout au cours des dix dernières années, depuis l’introduction des téléphones mobiles connectés à internet.
D’après mon expérience, fintech a permis aux entrepreneurs et aux consommateurs d’être plus efficaces dans l’utilisation de leurs services bancaires. En d’autres termes, fintech a donné à la plupart des gens la possibilité d’avoir accès à des services bancaires à un coût beaucoup plus bas quand il s’agit d’envoyer ou de recevoir de l’argent. En même temps, les particuliers peuvent effectuer des transactions beaucoup plus rapidement lorsqu’ils ouvrent un compte bancaire, déposent ou retirent des fonds, ou lorsqu’ils apportent des modifications à un compte sur leur téléphone mobile en utilisant une application ou sur un ordinateur.
Quels sont les effets de fintech sur l’économie des pays africains ?
Noel K. Tshiani : Les fintech ont le potentiel de transformer profondément le fonctionnement des économies africaines dans les années à venir. L’infrastructure bancaire traditionnelle, comme les agences bancaires et les guichets automatiques, est très coûteuse à mettre en place et à exploiter.
Les solutions fintech permettent aux clients d’accéder aux services bancaires à un coût beaucoup plus bas et à une vitesse plus rapide que l’infrastructure bancaire traditionnelle. Au Congo aujourd’hui, par exemple, près de 90% de la population n’a pas accès aux services bancaires traditionnels. Il sera presque impossible d’augmenter ces taux de manière substantielle en s’appuyant sur le système bancaire traditionnel. L’innovation doit se concentrer sur la mise en place de solutions technologiques de pointe qui peuvent éliminer les obstacles à l’accès au système financier.
Quelle résolution prenez-vous pour intéresser les entrepreneurs ou les entreprises africaines à la fintech ?
Noel K. Tshiani : Cela commence par l’éducation. Au Congo aujourd’hui, beaucoup de gens préfèrent encore utiliser de l’argent en espèces lorsqu’ils achètent des produits et des services. Je parle avec des entrepreneurs qui ont des plateformes de commerce électronique et ils me disent que la plupart des gens préfèrent payer en espèces lorsqu’ils commandent quelque chose sur le site internet plutôt que de payer par carte bancaire.
Les clients doivent se sentir à l’aise d’utiliser les services financiers grâce à la technologie moderne. Et il faut éduquer les gens sur le fonctionnement des banques afin qu’ils aient davantage confiance dans le système bancaire, une tendance qui amènera plus de gens à essayer les solutions fintech sur diverses plateformes, comme les magasins et les sites internet.
A travers Congo Business Network, avez-vous des idées pour évangéliser la fintech en Afrique ?
Noel K. Tshiani : Éduquer les gens sur presque tous les sujets, surtout ceux qui sont aussi nouveaux que la technologie financière, est un processus à long terme qui demande beaucoup d’efforts et de patience. Le réseau a été le pionnier de la manière la plus avancée sur le plan technologique de connecter la diaspora avec les entrepreneurs au Congo et en Afrique grâce à des événements en ligne qui sont organisés avec LinkedIn Events et Cisco WebEx. Les événements en ligne ont trois objectifs :
Connecter la diaspora aux professionnels et entrepreneurs en Afrique ; partager les connaissances et l’expertise dans un secteur d’activité économique ; et créer des opportunités de réseautage en temps réel par vidéo entre les participants sur Cisco WebEx.
A travers ces approches innovantes pour atteindre différentes personnes au Congo et en Afrique, nous avons invité des intervenants à parler sur divers sujets comme les solutions digitales, la blockchain, et la legal tech (comment utiliser la technologie juridique afin d’avoir accès aux services juridiques efficacement). Nous continuerons à utiliser divers moyens pour éduquer les gens à travers l’Afrique sur de nombreux sujets similaires, y compris les fintech dans l’avenir.
Croyez-vous que l’Afrique peut facilement s’approprier la fintech ? Si oui alors comment ?
Noel K. Tshiani : Oui, les pays africains peuvent adopter la technologie financière, bien qu’il faille des efforts et de la patience pour sensibiliser les gens sur l’importance d’utiliser des technologies financières novatrices. Lorsque les gens ont l’habitude de faire des transactions surtout en espèces, leur dire commencer à utiliser les cartes de débit ou les applications mobiles pour effectuer des transactions financières se heurtera à de la résistance parce que le changement n’est pas facilement adopté par la plupart des gens.
L’éducation est le point de départ pour changer le comportement des personnes. Dans de nombreux pays africains aujourd’hui, les gens ont besoin d’être éduqués sur le système bancaire et sur les services financiers que les banques offrent. Fintech est la combinaison de la finance et de la technologie. Et quand les gens ont les connaissances nécessaires, ils n’auront pas peur de mettre de l’argent dans une banque ou d’utiliser des applications mobiles pour envoyer ou recevoir de l’argent, ou pour commander des choses en ligne.
Quels sont les défis de la fintech pour les entrepreneurs et les entreprises africaines ?
Noel K. Tshiani : Les entrepreneurs et les entreprises africaines sont confrontés à des défis liés à l’acceptation et à l’utilisation des solutions fintech par le grand public. Et les plateformes de commerce électronique font face à des défis lorsque les gens ne veulent pas utiliser une carte de débit sur un site internet. Par conséquent, les clients paient en personne en espèces lorsqu’un produit est livré au domicile.
L’expertise technique nécessaire au développement d’une solution fintech fonctionnelle est un autre défi aujourd’hui en Afrique car la plupart des entrepreneurs sont autodidactes lorsqu’il s’agit de compétences nécessaires pour programmer ou coder des applications mobiles qui peuvent concurrencer les infrastructures et services bancaires traditionnels.
Interview réalisée par Stanys Bujakera Tshiamala de ACTUALITE.CD.