Il y a 8 ans jour pour jour, avait lieu la boucle finale de la bataille d’Abidjan qui commença en fait le 30 mars 2011. Le pays était sous embargo. Quelque 500 000 tonnes de cacao étaient bloquées dans les ports . Les comptes des dignitaires du régime étaient gelés.
Ce 11 avril là , pendant que la voix décisive des canons et des mitraillettes résonnait, la Radio Télévision Ivoirienne (RTI) appelait les Ivoiriens à réciter «l’Apocalypse », la cathédrale Saint Paul fourmillait de fidèles hébétés.
Une impressionnante colonne d’une armée fantômes de 9 000 guerriers , mercenaires, chasseurs dozos, fonçait sur Abidjan sous les objectifs des caméras du monde entier. Les ex- Forces Nouvelles rebaptisées à la hâte Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) avançaient sous les ordres du Général Soumaïla Bakayoko. Face à lui, l’armée fidèle à Gbagbo était commandée par le Général Philippe Mangou, qui appellera à un cessez le feu vite démenti par les faucons du président retranché dans le sous sol de son palais.
Ainsi, c’est sous les bombardements que ce sera dénoué l’une des crises post-électorales les plus disputées d’Afrique. L’on dénombrera 3000 morts entre le 27 novembre 2010 et 4 mai 2011. Lors de l’assaut du 11 avril, 1 000 français sont protégés par la force Licorne et 300 libanais rallie l’hôtel Wafou en zone 4 sous protection de groupes de sécurité privés. L’ambassade du Japon est évacué à la hâte.
Parmi les victimes célèbres de ce sanglant imbroglio né du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite au terme du deuxième tour (alors que les sondages commandés auprès d’officines étrangères lui prédisaient une victoire écrasante), le ministre de l’Interieur, Desiré Tagro, ou encore le mystérieux guerrier rebelle Ib Coulibaly. Le Français Yves Lamblin , Directeur de Sifca, et ses compatriotes, pourtant à l’abri à l’hôtel Novotel, avaient été retrouvés morts. La Bourse régionale des valeurs mobilières ( BRVM) avait été transférée sur boîtier électronique à Bamako par son ex DG, Jean-Paul Gillet, peu avant que les escadrons ne prennent position sur ce haut lieu de confrontation de l’offre et de la demande. La cotation néanmoins ne sera pas interrompue, se poursuivant au moyen d’une ligne haut débit assurée par Orange Mali. Les banques françaises sont, elles, nationalisées.
Notons que dès la proclamation des résultats, Guillaume Soro, alors premier ministre, se réfugie avec armes et bagages dans la République du Golfe. L’établissement touristique transformé en un îlot protégé par les Nations Unies et la remuante Licorne (Force Française) abritait le nouveau gouvernement internationalement reconnu de Côte d’Ivoire. Alassane OUattara peaufinait en petit comité une table ronde des bailleurs et les rencontres avec la communauté internationale. Pendant ce temps, les armes crépitaient.
Avant la bataille d’Abidjan, Laurent Gbagbo aura raccroché Nicolas Sarkozy au nez . Visitant le Palais de Taj Mahal au bras de Carla Bruni, le président français enjoignait le leader du FPI de quitter le pouvoir. Obama s’y essayera sans succès.
Au contraire, formant son gouvernement parallèle , Gbagbo était galvanisé par les images à répétition de factices entraînements des jeunes patriotes sous la direction de Blé Goudé, les tubes de Zouglou scandant « devant c’est mais» et les prédictions de certains évangélistes qui ont fini de faire croire qu’une armée céleste allait voler au secours de « la nouvelle Jérusalem ». Moins de 24 heures après son déclenchement, la bataille d’Abidjan se concentrait sur le palais présidentiel. L’artillerie lourde des forces françaises avait neutralisé les rares velléités des Forces de Défense et de Sécurité. Retranché avec toute sa famille, Gbagbo et son épouse, Simone, seront capturés et exhibés comme des trophées de guerre. Ce soir là, ils dormiront dans la république du Golfe. Et le représentant du secrétaire général de l’ONU, le coréen Choi Young-ji, pourra dormir tranquille. La démocratie avait été imposée au bout des urnes et des fusils…