La place du Franc CFA pour l’émergence des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) préoccupe des investisseurs de la sous-région qui ont organisé un débat sur cette problématique le 17 avril 2019 à Douala, à l’initiative du Groupement inter patronal du Cameroun (GICAM).
Par Achille Mbog Pibasso
Sujet passionnant et passionné, l’appartenance de quatorze pays d’Afrique à la Zone Franc CFA constitués essentiellement d’anciennes colonies françaises ne laisse personne indifférent. Politiques, investisseurs, analystes économiques et financiers, étudiants, citoyens ordinaires, Africains ou pas, chacun y va de son avis. Cela se comprend, la politique monétaire fait partie des stratégies de développement, le GICAM estime qu’il est idoine d’engager un débat « dépassionné » sur le sujet, afin de recueillir des avis éclairés qui enrichissent le débat et favorisent la prise de bonnes décisions.
Sous le thème « FCFA : Atout ou frein à l’émergence des pays de la zone CEMAC », des intervenants prenaient part au premier débat patronal, le nouveau rendez-vous du GICAM sur les questions économiques et de l’entreprise. La problématique étant de montrer si les pays de la CEMAC et ceux de l’Union économique et monétaire ouest-Africain (UEMOA) ne subissent pas des effets néfastes du fait de leur « non-souveraineté monétaire ».
Le président du GICAM Célestin Tawamba a souhaité que ces conférences-débats soient l’occasion de réflexions, de partages de connaissances, d’expériences et de bonnes pratiques, ainsi que de recommandations aux autorités gouvernementales. L’objectif étant « d’édifier les chefs d’entreprises sur le lien entre la monnaie et l’économie réelle, d’examiner les préoccupations des créateurs de la richesse sur les mécanismes de change à l’accès aux devises, d’explorer les pistes d’amélioration du système monétaire pour les pays de la sous-région dans la perspective de leur émergence ».
Une rencontre qui intervient dans un contexte controversé, où depuis quelques mois, le débat s’est accentué sur les perspectives d’évolution de la Zone Franc et particulièrement sur celles des monnaies communes que partagent les pays membres. La démarche des organisateurs a tout son sens d’autant que « le débat intervient sur l’efficacité de cette zone qui se situe au confluent du politique et de l’économie, la dimension politique ayant tendance à prendre le dessus, une évolution favorisée par l’engagement de la société civile, notamment sur les réseaux sociaux ».
Sujet controversé
S’exprimant en qualité de principal intervenant, « Key note speaker », l’économiste Togolais Yves Ekoué Amaïzo a notamment souligné que les « les pays de la zone Franc se positionnent dans une vision régionale, qui permettrait à l’UEMOA ou à la CEMAC de disposer de leur propre monnaie ». Toutefois, il reviendra aux pays Africains et la France de « solder un lien historique », ce qui ne saurait se faire ni dans la précipitation, ni dans une position à sens unique au seul bon vouloir de la partie dominante. En tout état de cause, des atermoiements, des hésitations, des contradictions, des ambigüités affichés par des dirigeants Africains et Français au sujet de la sortie ou non des pays du continent de la Zone Franc CFA montrent à suffisance qu’il s’agit d’un sujet important, mais « glissant » qui nécessite méthode et tact pour qu’on parvienne à un résultat équilibré.
Dans ce contexte, dira Désiré Avom, agrégé des facultés des sciences économiques, « il faut réformer la Zone Franc en évitant le piège historique. L’initiative de la réforme du CFA doit venir de l’Afrique. Si nous voulons réformer le CFA, il faut que les chefs de l’Etat soient d’accord. La réforme de la Zone Franc CFA ne concerne pas seulement les pays de la zone, une réforme nécessaire mais qui ne doit pas se faire n’importe comment ».
Au demeurant, étant donné que c’est le trésor français qui s’occupe de la régulation du CFA, l’investisseur Bruno Domyou Noubi préconise la création d’une monnaie binaire. La raison reposant sur le fait que « le CFA est une bonne monnaie, mais en devise. On ne peut pas appliquer une devise à une monnaie locale », a-t-il préconisé. Au-delà de « la controverse que suscite la Banque de France » dans la gestion du FCFA, l’on semble s’accorder sur le fait que ce n’est pas l’appartenance à la Zone Franc qui plombe le développement des pays membres, mais davantage des problèmes de gouvernance.
Le débat sur le Franc CFA est loin d’être terminé. Malgré la qualité des panélistes et des contributions pertinentes de l’assistance, la réflexion se poursuit avec à la fois des positions tranchées et nuancées. Le modérateur Adama Wade pouvait lever la séance, sans pour autant définitivement clore le débat. Le public est loin de tirer le rideau sur ce sujet crucial où il est certainement difficile de trouver un consensus.
Un commentaire
C’est bien d’avoir organisé ce Forum, on fait concrètement quoi maintenant ?