Paris, 21 janvier 2013
Se trouvant sur deux branches des Nouvelles routes de la soie (Belt and Road ou B&R), l’Asie centrale est à la fois un partenaire et une passerelle commerciale pour la Chine et l’Europe, ainsi qu’une zone d’influence de longue date pour la Russie à travers les transferts d’expatriés, ses bases militaires et la culture. Pour le moment, la Chine et la Russie trouvent des motifs de rapprochement dans leur opposition aux idées occidentales et leur lutte contre l’extension de l’islamisme radical. Toutefois, l’équilibre des forces risque d’évoluer, la Chine étant la première pourvoyeuse de financement pour le développement des corridors dans la région.
Début 2019, l’initiative B&R lancée par la Chine concernait 130 pays représentant 41% du PIB mondial et 49% des échanges. En Asie centrale, cela prend la forme d’investissements directs et de prêts dans la recherche, l’exploitation et le transport d’hydrocarbures, l’extraction de minerais, la génération et le transport d’électricité, notamment hydraulique, la construction et la modernisation de routes et de voies ferrées, les centres logistiques, les télécommunications, l’agriculture, le tourisme. Cependant, une majorité des investissements réalisés correspond à des projets préexistants qui ont opportunément bénéficié du label B&R.
Les infrastructures réalisées jusqu’à présent dans la région sont relativement limitées : l’Asie centrale (hors Afghanistan et Mongolie) n’englobe que cinq pays, n’héberge que deux des six principaux corridors terrestres et aucune des deux voies maritimes répertoriés par la B&R. De plus, la qualité de la gouvernance étant déterminante dans le choix de projets, un environnement des affaires considéré comme défaillant dans les pays de la région présente un risque, exacerbé par le manque de transparence, la Chine ne faisant pas partie du club de Paris réunissant les créanciers publics.
Le renforcement de l’influence chinoise en Asie centrale s’accompagne aussi d’une montée du sentiment antichinois, nourri par les privilèges accordés aux travailleurs, entreprises et importations en provenance de Chine. De plus, puisque les IDE et les dons sont très minoritaires par rapport aux prêts, les réalisations induisent un accroissement de l’endettement extérieur des pays de la région.
Alors que l’arrivée de la Chine dans le paysage centre-asiatique ne date que des années 1990, la Russie profite d’une présence plus ancienne, culturelle mais aussi militaire : elle dispose de bases militaires au Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan, notamment, pour lutter contre le terrorisme islamiste. Aussi, la Russie accueille près de 4 millions d’expatriés originaires d’Asie centrale, ce qui explique le volume important (36% du PIB du Tadjikistan, 37% pour le Kirghizstan et 13% pour l’Ouzbékistan en 2018) des remises et des transferts.
Si l’influence russe demeure significative, elle est de plus en plus supplantée par la Chine en matière économique. L’économie chinoise pèse huit fois la russe. Ainsi, la Russie pourrait prendre ombrage du projet chinois de voie ferrée au gabarit européen à travers le Kirghizistan, Ouzbékistan et le Turkménistan (puis l’Iran et la Turquie), et, aussi, du développement de la voie caspienne, qui fourniraient deux alternatives au passage par la Russie. A cela s’ajoute, l’intérêt croissant des occidentaux et des pays du golfe pour la région, face auquel la Chine est ouverte.
Source: Coface