Par Leila Ben Hassen, organisatrice et fondatrice du Forum sur l’Economie Bleue en Afrique (ABEF).
En Afrique, 38 états 54 sont côtiers et insulaires, 90% des exportations et importations transitent par la mer et l’industrie maritime représente environ 1 000 milliards de dollars par an. Ces chiffres témoignent de l’importance stratégique de l’économie bleue pour le continent africain.
Les industries océaniques et les activités liées aux eaux peuvent permettre à l’Afrique d’occuper une nouvelle place géopolitique et stratégique mondiale. Face à l’épuisement des ressources naturelles, le modèle économique occidental actuel global basé intrinsèquement sur la croissance, est à bout de souffle. Dans ce contexte, l’économie bleue est devenue aujourd’hui incontournable pour le développement économique, social et environnemental du continent africain. D’autant plus que l’Afrique se trouvera bientôt confronté à une explosion démographique.
D’ici 2050, la population africaine va doubler, passant de 1,2 milliard d’habitants à 2,5 milliards, dont un milliard de jeunes. Devant cet accroissement de la population active et l’aggravation du problème du chômage en Afrique, l’économie bleue possède un potentiel de création d’emplois et de croissance dans de nombreux secteurs. C’est un levier de développement durable et d’inclusion sociale considérable, qui pourrait permettre de contribuer à résoudre le problème de l’emploi des jeunes et favoriser l’engagement des femmes dans les chaînes de valeur de l’économie bleue. En outre, l’économie bleue est intimement liée à la sécurité alimentaire du continent, avec 12 millions de personnes travaillant dans le secteur de la pêche contribuant à la sécurité alimentaire de 200 millions d’Africains.
Seulement, la surexploitation des ressources maritimes, la pollution massive des océans, notamment aux matières plastique, l’insécurité en haute mer, sont autant de défis auxquels le continent doit répondre de manière concertée. Pour réaliser pleinement son potentiel, l’économie bleue a d’abord besoin d’un fort engagement des gouvernements pour se doter de cadres institutionnels en faveur d’une économie bleue durable et inclusive. Aussi, il est important de mettre en place des lois et règlementations pour la protection des océans, la sécurité maritime et la lutte contre la pêche illégale non déclarée non règlementée (INN). Maurice et les Seychelles, champions de l’économie bleue, l’ont déjà intégré dans leurs plans de développements nationaux. Une économie bleue durable implique également davantage de coopération entre les états africains mais aussi entre les secteurs public, privé ainsi que la société civile et les scientifiques. Une autre condition importante à la mise en place d’une économie bleue durable est l’accroissement des investissements stratégiques et un meilleur accès au financement dans ses secteurs traditionnels et émergents. Il est par ailleurs nécessaire d’introduire les métiers de la mer dans les programmes d’éducation et de formation professionnelle, afin de renforcer les compétences des jeunes dans les domaines maritimes.
Enfin, l’innovation et la recherche, notamment dans les nouvelles filières liées à la valorisation des services de la mer, sont aujourd’hui nécessaires pour stimuler une croissance bleue durable. Le Forum sur l’Économie bleue en Afrique (ABEF) est né de ce constat que l’économie est une réalité incontournable pour le continent. Suite au succès de la première édition qui a eu lieu en juin 2018 à Londres, l’ABEF devient un événement annuel réunissant les différents acteurs engagés en faveur des océans, pour partager leurs idées sur la réalisation de l’Objectif de Développement Durable 14. Cette année, l’ABEF qui se tiendra à Tunis les 25 et 26 juin offrira une plateforme idéale pour comprendre, explorer et investir dans l’économie bleue en Afrique.