Par François Lamontagne
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a lancé une vaste campagne de renouvellement des cartes nationales d’identité, dont le coût, supporté par les citoyens, fait polémique en Côte d’Ivoire, alors que certains pays pratiquent des prix bien supérieurs.
C’est le sujet polémique du moment en Côte d’Ivoire. A l’issue du conseil des ministres du mercredi 8 mai dernier, le porte-parole du gouvernement a annoncé que la nouvelle Carte nationale d’identité (CNI) coûterait à chaque Ivoirien un timbre fiscal de 5 000 francs CFA (soit 7,62 euros). Un coût « exorbitant », pour le Front populaire ivoirien (FPI, gauche), qui n’a pas manqué de rappeler dans un communiqué que « dans les contextes économiques difficiles, comme notamment en 2009, une exception au dispositif légal avait été adoptée ». Demandant purement et simplement la gratuité de la nouvelle carte, qui entrera en vigueur en août prochain, le parti d’opposition a également argué que, dans d’autres pays, son coût était bien moindre.
Exception de 2009
Le principe de non-gratuité du renouvellement de la carte est loin d’être une évidence. Le « droit de timbre » est ancien, puisque dès 1962 et l’entrée en vigueur de la loi n°62-64, le 20 février, le législateur précise qu’ « à l’instar de tous les actes administratifs, la délivrance de la Carte nationale d’identité est assujettie au paiement d’un droit de timbre conformément aux textes en vigueur ». Il s’agissait pour la République de Côte d’Ivoire, qui venait tout juste d’accéder à l’indépendance, d’identifier la population et de délivrer une Carte nationale à tous les individus de plus de 15 ans – la taxe servant à l’enregistrement administratif.
« Depuis lors, un droit de timbre est exigé à tout demandeur de la CNI », renseigne Nurudine Oyewolé, conseiller technique du directeur générale de l’Office nationale d’identification (ONI). Tout en précisant que, depuis 1962, tous les textes qui ont suivi – comme les décrets d’application par exemple – se sont attachés à mentionner ce droit de timbre. Exception faite de l’année 2009, où aucune taxe ne fut demandée en vertu de l’accord politique de Ouagadougou, signé deux ans plus tôt pour tenter de réunifier le pays après l’épisode de crise qui remontait à 2002.
« La situation politique d’alors a amené les parties prenantes à adopter un certain nombre de mesures de sortie de crise », explique Nurudine Oyewolé. En revanche, après cette période, le pays a repris son cours normal, et l’identification, elle aussi, est redevenue ordinaire, précise le conseiller technique. « Ainsi, une ordonnance a été prise pour modifier l’article 901 du code général des impôts. Cette ordonnance fixe le droit de timbre applicable à la Carte nationale d’identité à 5000 francs CFA ».
Un coût qui, selon lui, permettra de supporter les charges de production de la carte vierge, qui possède plusieurs innovations. Au premier rang desquelles son aspect biométrique, plus moderne, conforme aux normes internationales, avec un niveau de sécurité bien supérieur à la précédente carte.
« Libre circulation »
Sans parler des économies d’échelle qu’elle permettra aux contribuables ivoiriens de réaliser, puisque le coût de certaines opérations administratives d’ampleur, telles que le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) ou la révision de la liste électorale, sera réduit. De quoi « renforcer la gouvernance administrative et sécuritaire à l’attention des Ivoiriens », estime la direction générale de l’ONI, pour qui la nouvelle carte représente une « action importante et une avancée notable dans le quotidien des populations ».
Concernant la disparité de coût alléguée par le FPI, par rapport à d’autres pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), elle n’est pas forcément au détriment des Ivoiriens. La nouvelle carte biométrique a coûté quelque 10 000 francs CFA (15, 24 euros) aux Sénégalais, et entre 50 000 et 150 000 francs aux Guinéens (soit entre 3 170 et 9 500 francs CFA). Outre sa sécurité renforcée, la CNI devrait également servir à libérer les flux de population.
Comme le rappelaient les autorités de Dakar en 2016, à l’époque où les cartes ont été délivrées au Sénégal, « cette carte d’identité biométrique va faciliter la libre circulation des 320 millions de citoyens de la zone CEDEAO ».