Par Christian Kazumba*
La gouvernance de certains pays francophones commence à apporter quelques réponses, certes insuffisantes, mais dont la réalité ne peut être contestée :
–Le guichet unique de création d’entreprise, présent notamment au Mali, au Burkina Faso ou en RD Congo, vous propose la centralisation de votre démarche et vous remet l’ensemble des documents officiels, indispensables au démarrage de votre activité (numéro « RCCM », de sécurité sociale et d’identification fiscale), en quelques jours et pour un coût raisonnable (quelques dizaines de dollars au Congo Kinshasa).
–Les actes uniformes OHADA, ratifiés à ce jour par 17 pays du continent, vous octroient la sécurité d’un cadre juridique commun, principalement en droit des affaires et en droit des sociétés, particulièrement rassurant pour les investisseurs en quête de transparence et de stabilité juridique.
-Lorsque votre chiffre d’affaires n’excède pas un certain montant, des dispositifs réglementaires vous évitent la lourdeur de certaines formalités administratives récurrentes (dépôt mensuel de déclarations fiscales et annuel d’états financiers) en vous assujettissant à un impôt simplifié, unique et global (régime de la « contribution du secteur informel » au Burkina Faso ou de « l’impôt synthétique » au Mali).
-Certains Etats ont aujourd’hui à cœur de réduire une pression fiscale qui, avec une moyenne de 46 % du résultat commercial de l’entreprise en Afrique noire, est jugée contreproductive par beaucoup. Des initiatives récentes, telles que la suppression de la taxe sur les salaires et la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés au Togo, peuvent être saluées.
Si des progrès importants doivent encore être réalisés, l’amélioration du climat des affaires ne peut qu’inciter le porteur de projet à une création d’entreprise formalisée. Néanmoins, lorsque celle-ci sera actée, le dirigeant devra également se conformer à des normes de gestion, en particulier sur un sujet crucial mais encore trop souvent négligé au sud du Sahara : la trésorerie.
En effet, une société peut connaître une évolution très favorable de son chiffre d’affaires et de son résultat, tout en enregistrant une dégradation substantielle de sa trésorerie pouvant la conduire, dans certains cas, au pire … la liquidation pure et simple.
A titre d’exemple, au Sénégal, 75% des entreprises de taille moyenne disparaissent avant leur cinquième anniversaire. Les règles de bonne gouvernance inciteront le chef d’entreprise, quel que soit son secteur d’activité, à mettre en place des plans d’actions visant à optimiser la gestion des flux financiers de sa structure. Si cette assertion trouve du sens partout dans le monde, l’évolution du « BFR » (besoin en fond de roulement) devra faire l’objet d’une attention encore plus poussée en Afrique francophone, et ce pour les raisons suivantes :
1-des délais de paiement plus longs
Les entreprises d’Europe occidentale doivent patienter un peu moins de 60 jours avant d’être réglées, celles des pays subsahariens plus de 90 jours en moyenne. De surcroit, ce délai peut être considérablement rallongé si vos clients sont des administrations ou des structures étatiques, dont la santé financière peut dépendre d’une situation sécuritaire parfois précaire dans le pays ou d’une mobilisation compliquée des recettes fiscales.
2-des « impondérables » beaucoup plus nombreux
Des dépenses imprévues, liées au manque de qualité de vos installations (groupe électrogène, onduleur) ou à la défaillance des infrastructures locales (nécessité d’un régulateur de tension), devront être engagées rapidement afin de sauvegarder votre exploitation.
3-un accès au financement à court terme parfois difficile
En fonction des pays et des établissements consultés, l’obtention d’un découvert bancaire, d’une facilité de caisse ou d’une avance sur facture, destinés à financer un décalage de trésorerie, peut être complexe, chronophage et couteux (12 % au Mali).
Une mauvaise gestion de la trésorerie conduit inévitablement à l’érosion des relations que l’entreprise entretient avec son personnel, ses fournisseurs et l’administration (arriérés de salaires et d’impôts). Des phénomènes d’absentéisme, de « présentéisme » ou de départs des talents pèseront sur le climat social et remettront en cause le développement commercial de la société. Mettre l’accent sur la gestion du « BFR » dans son business plan, ne plus capitaliser exclusivement sur l’autofinancement et financer ses investissements (au moins en partie) par des ressources à long terme (levée de fonds, emprunts bancaires) constituent des règles de bon sens dont le respect permettra d’éviter bien des désillusions.
*Christian Kazumba est le Directeur régional Afrique de l’ouest du CMBC (« Congo Millenium Business Club »). Franco-congolais, formé en France, il a été durant 9 ans Directeur du service clients, puis Directeur du développement de l’une des principales banques on-line à Paris. Il a également exercé, durant plus de six ans, des fonctions managériales, à des postes de Direction, au Maroc, au Mali, au Burkina Faso et au Togo.