A Malabo, début avril, en marge du sommet Cape VII de l’Organisation des pays africains producteurs de pétrole (APPO), il a été question du rôle du sysème financier africain dans l’accompagnement du secteur stratégique des hydrocarbures. Présent à cette conference, Rene Awambeng, Directeur de la relation clients d’Afreximbank, s’est entretenu avec Financial Afrik.
Quel est le rôle d’Afreximbank dans le développement des échanges commerciaux africains et, notamment, dans le secteur des hydrocarbures?
Au préalable, il convient de noter que l’ensemble des actions d’Afreximbank s’inscrit dans la “Vision 2021”. Cette stratégie repose sur trois piliers fondamentaux. Il s’agit premièrement de renforcer le commerce intra-africain, en facilitant l’augmentation de la capacité de production et de transformation des produits africains. Le deuxième pilier est de “connecter”, c’est à dire identifier les institutions clés, les acteurs du commerce africain et les mettre en relation. Par exemple, le président d’Afreximbank, Prof. Benedict Oramah, associe le secteur privé africain dans tous ses voyages de prospection et d’échange. La promotion des acteurs de l’économie africaine s’inscrit pleinement dans ce pilier. Idem pour l’organisation d’une grande manifestation comme la Foire du commerce interafricain tenue l’année dernière en Egypte. L’événement aura lieu tous les deux ans et sera accueilli en 2020 par Kigali. Le troisième pilier concerne le monitoring de l’évolution du commerce africain. La maîtrise des statistiques permet un suivi des tendances du commerce intrafricain. Donc, l’industrialisation et la transformation des produits africains, y compris bien sûr les hydrocarbures, s’inscrit au coeur de la stratégie d’Afreximbank. Egalement dans notre rôle, l’investissement dans la construction et la mise à niveau des infrastructures nécessaires au commerce africain comme les ports, les routes, indispensable aux échanges.
Comment s’articule l’intervention d’Afreximbank dans la production et la transformation des produits africains?
Nous sommes entrain de mettre en place 3 000 hectares de parcs industriels à travers le continent. Parallélement, nous investissons dans la facilitation du commerce pour promouvoir les éhanges entre différentes parties du continent. L’intermédiation financière entre exportateurs et importateurs, la facilitation entre banques et institutions, venant compléter le dispositif.
Justement à Malabo, lors du sommet Cape VII, il a été question de transformer le pétrole africain sur place pour alimenter les marchés domestiques? Afreximbank a-t-elle la surface financière nécessaire pour accompagner cet élan?
C’est une préoccupation légitime. La parodoxale situation de pénurie des produits pétroliers transformés dans certains pays africains, pourtant exportateurs de brut, appelle à une réponse structurée, requérant des moyens techniques et financiers adéquats. En termes de surface financière, il faut comprendre que la banque Afreximbank a quatre catégories d’actionnaires. Il y a d’abord les Etats membres. Aujourdhui, sous l’impulsion du président, Prof. Benedict Oramah, qui poursuit une démarche stratégiques initiée par ses trois prédécesseurs, presque tous les pays africains ont adhéré à la charte d’ Afreximbank à l’exception de trois (Somalie, l’Algérie et la Libye). Nous avons une présence panafricaine. Au delà de la signature de la charte de la banque, un très grand nombre d’Etats africains sont devenus actionnaires. A l’heure où je vous parle, une dizaine de pays sont entrain de finaliser les formalités pour devenir actionnaire.
Les autres catégories d’actionnaires sont les institutions inernationales comme la Banque Africaine de Développement, les institutions internationales privées et certaines banques internationales. Comme vous l’aviez constaté dans votre publication il y a deux ans, nous avons coté une partie de notre capital à la Bourse de Maurice. Des discussions sont en cours pour une nouvelle cotation à Londres. Le conseil d’administration de la Banque a autorisé 5 milliards de dollars de fonds propres. Pour sa part, la direction générale travaille sur un programme de mobilisation des fonds pour accompagner l’expansion des activités de la banque. Afreximbank est quasiment en surliquidités, ayant un large accès au marché de la dette et des capitaux pour financer ses investissements.
Vous avez donc assez de liquidités pour accompagner le développement du commerce africain. En face, y-a-t-il assez de projets bancables?
Il y a assez de projets bancables. Le domaine des infrastructures regorge de plusieurs initiatives. Le problème c’est le temps mis dans l’exécution des projets, dans les études financières, juridiques… Nous sommes entrain de travailler en interne avec les partenaires pour simplifier les procédures d’exécution des projets. C’est souvent cela qui pose problème.
Est-ce que votre banque ne gagnerait-elle pas à former un pool avec les banques commerciales africaines pour pouvoir accompagner les operations commerciales de bout en bout, sur toute la chaine financière?
En effet, nous sommes complémentaires avec les banques commerciales et les autres banques de développement. Presque 68% de nos décaissements vont aux banques commerciales. Nous avons les moyens de lever des ressources longues et à un coût moindre et nous avons un large accès au marché financier, ce qui fait de nous un partenaire de ces banques commerciales, lesquelles nous apportent, en retour, une fine connaissance du terrain et des opérations commerciales de leurs clients. Afin d’approfondir la relation avec ces banques, nous avons récemment mis en place un programme baptisé African Trade Finance Consumption. L’objectif dans ce volet c’est d’engager une collaboration avec chaque banque africaine pour avoir le minimum d’informations sur la banque (KYC) et échanger les clés Swift. Cela permet à ses banques d’accéder à plus de visibilité vis-à-vis des opérateurs internationaux qui, pour investir en Afrique, se font en général accompagner par des banques internationales à Londres ou New York.
Afreximbank veut offrir une interface efficace entre ces banques africaines et les opérateurs internationaux. Nous avons déjà 400 banques inscrites dans la plateforme sur un total de 680 repertoriées du Cap au Caire. Le deuxième volet de ce programme est la mise en place des lignes de confirmation pour les banques éligibles. D’ores et déjà, nous avons obtenu le feu vert de notre conseil d’administration. Il s’agit d’une démarche essentielle. Car la plupart des banques internationales sont entrain de quitter le continent ou de resserrer les conditions de décaissement. Les importations stratégiques (pétrole, medicaments, etc) de tout pays nécessitent la mobilisation de devises. Or, les banques commerciales africaines peinent à trouver des lignes de confirmation pour confirmer leurs commandes auprès des fournisseurs internationaux. La mise en place des lignes est une réalité. Nous enregistrons d’ailleurs une réponse timide du fait peut être du manque de communication.
Ces lignes de confirmation sont-elles ouvert dans des guichets logés dans de grandes capitales comme Parisou Londres?
Ces lignes de confirmation sont logées chez Afreximbank, banque de première catégorie. Notre signature est acceptée dans le monde entier. La banque commerciale candidate nous envoie un swift pour l’importation d’un produit et nous confirmons auprès du fournisseur. Nous n’exigeons pas de collatéral aux banques adherents. C’’est complétement “insecured “ sur 180 jours .
Y-a-t-il des lignes similaires pour le commerce entre pays africains?
Ces lignes sont globales. Même le commerce entre pays africains est libellé en devise souvent étrangères, nécessant une intermediation à Londres ou New York. Mais, en ce qui concerne spécifiquement le commerce intrafricain, Afreximbank travaille sur une plateforme de compensation des monnaies locales. Objectif, réduire les coûts de transactions transfrontalières, baisser la demande en devises auprès des banques confirmatrices et, donc, fluidifier les échanges. En mettant en place de tels mécanismes, on élargit aussi la base de la formalisation du commerce. L’on ne devrait pas avoir besoin de devises extérieures pour commercer entre le Ghana et la Côte d’Ivoire.
Au delà des architectures logistiques et financières à compléter, quels sont les obstacles du commerce africain?
Je dirais sans hésiter le branding. Les compagnies asiatiques comme LG ou Mitshubishi ont créé des marques puissantes capables de tout commercialiser et de se faire reconnaître par les consommateurs du monde entier. Evidemment, ce ne sont pas elles qui produisent, mais ce sont elles qui commercialisent dans le cadre de puissants conglomérats partant de l’approvisionnement, de la production et de la vente à l’export. De tels regroupements offrent des économies d’échelle à l’Afrique. Dans ce sens, la banque identifie les champions africains et les soutiens à travers des lignes et des mécanismes d’accompagnement.
Vos initiatives pour le commerce africain inscrites dans la Vision 2021 interviennent alors que l’Afrique s’apprête à basculer dans une prometteuse zone de libre-échange continental?
C’est vraiment fondamental. La signature de la ZLECA en mars 2018 à Kigali par 44 chefs d’Etat africains est une avancée confortée par la ratification de plus de 22 membres atteint en ce mois d’avril 2019. Cela s’inscrit dans les initiatives du commerce intra-africain. Je dirais en ce qui me concerne, que notre grand défi africain est la reduction des barrières réglementaires, juridiques, logistiques, financières et culturelles. Le potentiel africain est immense. L’Afrique est l’eldorado du pétrole, des mines, des soft commodites. C’est surtout un marché de 1, 2 milliard d’habitants en forte expansion. Le président, Prof. Benedict Oramah, s’inscrit dans cette vision africaine et cette volonté d’accompagner le commerce continental.