Entretien exclusif avec Sélom Klassou, premier ministre du Togo.
« Le PND offre un développement qualitatif et quantitatif », déclare Sélom Klassou, Premier ministre du Togo, dans un entretien réalisé par notre envoyé spécial, Ibrahima Dia Junior. Le pays plat, coincé entre le Ghana et le Bénin,au centre du corridor Abidjan -Lagos, bercé par l’Atlantique et une improbable plage de sable fin, est dans une étape cruciale de son développement socioéconomique.
Le nouveau Plan national de développement (PND) devrait en effet libéré un potentiel économique longtemps sous-exploité. Le pays devrait réaliser un taux de croissance de 7,6% par an pour éradiquer la pauvreté sur la période 2019-2033.
A l’image de la plupart des officiels, investisseurs et observateurs rencontrés à Lomé ces derniers jours , le chef du gouvernement, optimiste, estime que son pays , qui a fait un saut de 19 places dans le dernier classement Doing Business, cible désormais la centième place, voire mieux.
Pourquoi ce forum économique Togo-UE ?
L’objectif de ce forum était de faire découvrir ou redécouvrir à certains bailleurs les potentialités de notre pays. Le Togo, sous la houlette du président Faure Gnassingbé, a adopté suffisamment de réformes pour qu’il soit le plus attractif possible. Et comme tel, nous devons faire connaitre ses atouts. Je commence, au niveau des atouts, par la paix et la sécurité. Aujourd’hui, vous voyez ce qui se passe dans la sous-région et dans le monde entier. La paix et la sécurité sont menacées. Donc, le Togo met d’abord en avant ces facteurs inconditionnels sans lesquels aucun développement n’est possible. En dehors de ces facteurs incontournables, nous avons travaillé suffisamment sur les conditions qui doivent permettre aux opérateurs d’avoir un retour sur investissement. Au rang des indicateurs qui prouvent aujourd’hui que le Togo a effectivement fait du chemin, nous avons le dernier classement du Doing Business établi par la Banque mondiale. Nous étions classés, l’année précédente, à la 156ème place. En 2019, nous sommes au 137 ème rang, soit un gain de 19 places. Je peux vous assurer qu’au prochain rapport, notre objectif est d’aller au 100e rang et pourquoi pas, aller au-dessus de cette barre. Nous sommes capables d’y arriver avec le soutien et la détermination du chef de l’Etat ainsi que le dynamisme du secteur privé national à aller de l’avant. Je prendrai comme exemple un autre indicateur, le Millennium Challenge Account (MCA), qui est un programme de coopération avec les américains. Les Etats-Unis ont des critères sur lesquels les pays sont évalués. À ce jour, au titre de l’année 2019, le Togo a validé 14 indicateurs sur les 20, soit un taux de 70%. Et notre pays est le deuxième en Afrique de l’ouest sur les indicateurs de la lutte contre la corruption et de la politique sociale .
D’ailleurs aujourd’hui, le Togo a le taux de chômage le plus bas dans la sous-région.Dans cette dynamique, l’indicateur Mo Ibrahim a également classé le Togo comme faisant partie des pays les plus réformateurs au monde. Vous voyez que ces indicateurs témoignent du travail remarquable que le gouvernement a abattu pour attirer les investisseurs. Donc, ce Forum avait pour but de permettre à ce que le secteur privé national puisse nouer des partenariats dynamiques gagnant-gagnant avec ses homologues de l’Europe. Il s’agit de faire connaitre toutes les opportunités qu’offre le pays dans l’espace européen. Il faut rappeler que le Togo a joué par le passé un rôle éminemment important dans les relations entre l’Europe et les ACP. C’est le seul pays où la capitale, Lomé, a permis de signer plusieurs conventions ACP-UE. Cas de Lomé 1, Lomé 2 et Lomé 3. Lomé 4 a été amené dans les pays voisins pour certaines raisons. Le Togo est donc le pays qui a servi plus de cadres pour la signature de l’accord de coopération entre les ACP et l’Union européenne. Il est temps que nous puissions faire connaître à nos partenaires européens toutes les conditions favorables, notamment le Code des investissements pour que les bailleurs viennent investir en toute sécurité dans notre pays. Voilà un peu le but de ce forum Togo-UE.
Le Togo compte mobiliser près de 4 622 milliards de FCFA pour financer son PND. Quelle sera la stratégie à adopter ?
Je crois que ce forum fait déjà partie de nos stratégies. Evidemment, la mise en œuvre du PND, sur la période 2018-2022 , a besoin de 4 622 milliards de FCFA. Nous sommes conscients que l’Etat togolais ne peut pas mobiliser à lui seul ce montant. Nous savons également le rôle important que le secteur privé, moteur de la croissance, doit jouer pour réussir ce programme. Le secteur national non plus ne peut pas mobiliser les 65% du montant global que nous attendons. Le forum Togo-UE est donc une opportunité donnée aux PME et PMI qui représentent 80% du tissu économique de pouvoir nouer des partenariats dynamiques avec leurs homologues de l’UE.
En clair, ce forum constitue une des stratégies. Et cette initiative ne va pas s’arrêter en si bon chemin car il y aura d’autres éditions pour tenter de faire connaître le Togo aux secteurs privés du monde. Nous comptons également sur le rôle des médias pour faire connaître davantage les atouts dont regorge le Togo. Un petit pays certes mais avec une position géographique très stratégique en Afrique, au centre du corridor Abidjan -Lagos. Le Togo a également une ouverture sur la mer pour les pays de l’intérieur du continent. Donc, de par sa position naturelle et les conditions favorables de notre pays, nous pensons que nous allons pouvoir mobiliser les ressources financières nécessaires au financement du PND. C’est dans cette dynamique que ce forum Togo -UE est organisé.
Quelle différence faites-vous entre votre plan de développement et les autres plans élaborés dans certains pays africains ? Notamment les plans d’émergences du Sénégal ou encore celui du Gabon?
Je ne veux pas commenter les plans élaborés par les autres pays. Je ne peux parler que pour le compte de mon pays. Mon souci, c’est de trouver les voies et moyens pour rendre le Togo le plus attractif possible. Et aujourd’hui, avec la CEDEAO, nous avons un marché de plus de 300 millions de consommateurs. Nous voulons être la plaque tournante et favoriser nos exportations. D’autant plus que notre marché intérieur est restreint, mais bénéficie de l’espace ouest-africain pour disposer d’un marché plus large, permettant aux bailleurs de venir investir au Togo.
Grosso modo, nous comptons sur nos opportunités, nos atouts et sur la capacité du président Faure, qui était d’ailleurs à Londres, la semaine dernière, pour vendre ce PND. Et du coup, faire venir des opérateurs économiques. Nous pensons que notre plan est le meilleur sans vouloir commenter ce que les autres pays font.
Un mot sur la ZLECAF ?
Le Togo a adopté en conseil des ministres un projet de loi portant sur l’accord de la ZLECAF. Il a été ensuite validé par l’Assemblée nationale. Donc nous sommes partie à part entière de cette zone de libre-échange continental . Aujourd’hui, on ne peut pas vivre en autarcie et prétendre à une croissance économique vertueuse. Dans ce sens, les autorités togolaises mènent une politique d’ouverture sur la sous-région et le monde entier. Par conséquent, nous sommes partie prenante de la ZLECAF.
Est-ce que le Togo est bien outillé pour peser sur un tel marché commun ?
C’est ce que nous sommes en train de faire. Nous n’avons pas suffisamment de compétences en ressources humaines dans certains domaines . Mais ce premier forum permettra un transfert des compétences de la part des opérateurs européens. Ces derniers ont des moyens et un savoir-faire indéniable. Donc à partir de ce partenariat, nous pouvons combler des lacunes et aller vers la mise en œuvre intégrale de notre PND. Le Togo, certes, présente des atouts mais, humblement, je dois le reconnaître, doit travailler davantage en termes de formation de la qualité des ressources humaines. Ce qui permettra de satisfaire les besoins du marché national et international. Et du coup, promouvoir la création de richesses partagées.
Propos recueillis par Ibrahima junior Dia, Envoyé spécial à Lomé