Par Rosy Lee, ancien professeur d’économie internationale au Canada.
Considéré comme le pays le plus démocratique d’Afrique, le Cap-Vert est l’un des exemples les plus connus des succès du continent. Alors que les îles dispersées de cet archipel jouissent d’une démocratie stable et d’un gouvernement fort, doté de la majorité des pouvoirs, ses dirigeants ont entrepris des réformes ambitieuses.
Depuis les années 70, les processus démocratiques se sont continuellement améliorés, amenant le pays aujourd’hui, dans un système pluraliste et multipartite mis en place en 1991. Freedom House, l’ONG basée aux États-Unis qui évalue les sociétés en fonction leurs niveaux de droits et libertés civiles, classe hautement la nation dans les premiers rangs. En 2018, le Cap-Vert était le seul pays africain à avoir obtenu une note parfaite dans l’étude intitulée « Freedom in the World » de Freedom House, dépassant de peu celle de nombreux pays occidentaux, y compris les États-Unis.
Cette stabilité démocratique, malgré les jeux partisans au parlement, a permis aux gouvernements successifs de stabiliser l’économie et de tirer parti d’une industrie du tourisme solide. Ces dernières années, cette atmosphère a suscité un intérêt commercial qui contribue au développement de la nation.
Aussi, le Cap-Vert a organisé en juillet un forum sur l’investissement largement considéré comme un grand succès, qui a permis de lever 1,5 milliard d’euros pour des investissements dans le pays. Le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Olavo Correia, a suggéré que cela démontrait «une grande confiance dans l’économie cap-verdienne». «Le Cap-Vert est un pays formidable et ambitieux. De nombreuses personnes croient en notre pays et nous devons créer les conditions nécessaires à la réalisation de projets structurants pour notre économie », a-t-il expliqué.
Le vice-Premier ministre avait ajouté à l’époque que des contrats avaient été signés avec des investisseurs de plusieurs pays et que toutes les îles du Cap-Vert allaient investir dans la santé, le tourisme, les transports maritimes et aériens, les télécommunications et la formation professionnelle.
Le succès engrangé du forum a également montré un net appétit pour sa reconduction en 2020. Autre signe de succès, la Banque africaine de développement (BAD) et les gouvernements du Cap-Vert et du Portugal ont signé un mémorandum d’accord spécifique à un territoire pour la mise en œuvre du Pacte Lusophone, visant à stimuler le développement du secteur privé dans les pays africains lusophones.
La signature du contrat a eu lieu le 1er juillet 2019 sur l’île de Sal, impliquant Olavo Correia, Helena de Paiva, ambassadrice du Portugal au Cap-Vert, et Moono Mupotola, directeur de l’intégration régionale de la BAD. Plus de 200 investisseurs et bailleurs capverdiens et internationaux ont assisté au processus. Le pacte lusophone est une plate-forme de financement associant la Banque africaine de développement, le Portugal et les six pays africains lusophones (PALOP): Angola, Cabo Verde, Guinée équatoriale, Guinée-Bissau, Mozambique et Sao Tomé-et-Principe.
Moono Mupotola a déclaré que « le Pacte contribuera à éliminer les goulots d’étranglement dans le financement des infrastructures au Cap-Vert. Il a expliqué que cela transformerait des secteurs tels que l’agriculture, l’économie bleue et la petite industrie.
Dans l’agenda du gouvernement, figure la privatisation totale ou partielle de 23 entreprises publiques. C’est le cas entre autres de l’opérateur de téléphonie fixe Cabo Verde Telecom (CVT), de l’exploitant de centre de données Nucleo Operacional da Sociendade de Informacao (NOSi), ainsi que des fournisseurs de services de transport dans les ports maritimes. Ces mesures libéreront d’énormes montants du budget national qui seront réinvestis dans la santé, l’éducation et le tourisme. Au sommet de celle-ci se trouve la décision de privatiser Cabo Verde Airlines dans le cadre d’une vente à Loftleidir Cabo Verde.
C’est peut-être la décision la plus forte de la stratégie du gouvernement car cela réduira le fardeau du transport aérien sur le contribuable. Les vols étant principalement utilisés par les vacanciers étrangers, cela permettra de réinjecter des recettes dans le secteur du tourisme et d’améliorer l’économie du pays. En ce qui concerne les aéroports, il est question de leur concession à un opérateur privé. Là aussi, l’Etat a tout à gagner. En recevant un montant important au début de la concession, en contribuant annuellement au revenu et en augmentant les revenus exceptionnels, le gouvernement du Cap-Vert fait preuve d’une réelle ingéniosité économique et politique.