Aissata Touré Kane est décédée samedi 10 août 2019 à Nouakchott à l’âge de 81 ans. Première femme ministre en Mauritanie, elle fut compagnon de route de feu Moktar Ould Daddah, premier président de la Mauritanie, de 1960 au coup d’Etat militaire du 10 juillet 1978. Nommée ministre de la Protection de la famille et des affaires sociales en 1975, Aissata Kane a aussi été Présidente du Conseil supérieur des Femmes, membre de la Commission nationale des Femmes de Mauritanie et membre du conseil supérieur des femmes.
Son franc parler n’a toujours pas servi Aissata Kane, qui avait nourri des sympathies pour les auteurs du «Manifeste du negro-africain opprimé »de 1966 tout en restant loyale envers le président Daddah.
De même, son modernisme engagé allait heurter la communauté peule quand elle milita ouvertement pour la polygamie et le planning familial. La société maure la pointa du doigt quand elle engagea une campagne contre le gavage.
Aux uns et aux autres, elle conditionna l’attribution d’allocation familiale à la présentation de certificats de scolarité, notamment pour les filles.
Née en août 1938 à Dar El Barka, dans la vallée du fleuve Sénégal, à 350 km de Nouakchott, Aissata Kane appartient à une famille qui gère l’essentiel du pouvoir politique et spirituel dans cette localité.
La fille de Mame Ndiack Elimane Abou Kane, chef de canton de 1923 à 1976, – homme que Mokhtar Daddah consulta en privé à la veille de prendre la décision de s’engager dans la guerre du Sahara -a été l’une des premières halpoular à se voir autorisée à poursuivre des études à Saint -Louis, ce qui était impensable à l’époque.
Elle se marie plus tard avec Moctar Touré, alors fonctionnaire français, qu’elle finit par rejoindre en Belgique où elle s’inscrivît en sociologie à l’Université Libre de Bruxelles. La fille du chef de Canton de Dar El-Barka faut partie, avec son mari, des cadres qui ont rallié la Mauritanie à la proclamation de l’indépendance du pays, le 28 novembre 1960. Elle enseigne d’abord le français.
La femme engagée adhère ensuite au parti unique (le Parti du Peuple Mauritanien ) et fonde l’Union Nationale des Femmes de Mauritanie. Directrice d’une revue engagée, «Mariemou », elle est avec la première dame, Mariem Daddah, du clan de celles qui osaient dénoncer les archaïsmes d’une société conservatrice. A l’annonce de sa disparition, Aissata Kane a reçu des hommages de toutes les couches de la nation Mauritanie. Normal, elle est la dernière des Mohicans, celle qui pouvait parler à tous les mauritaniens sans préjugés.
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