Par Damien Concé et Patricia Cressot , Monoeci Management SAM .
L’Afrique et l’Océan Indien sont aujourd’hui parmi les zones les plus prometteuses en matière de création de Smart Cities. Ces territoires sont paradoxalement les plus à même de tirer parti de la révolution de la «décentralisation» portée par les blockchains. Comme ce fut le cas avec les télécommunications, les paiements par téléphone… l’Afrique et l’Océan Indien sont appelés à étonner le monde en enjambant les étapes intermédiaires pour entrer directement dans l’avant-garde de la modernité.
Les dernières décennies ont façonnés le visage de celle-ci par évolutions successives qui finissent en révolution des usages. En matière de réseaux informatiques nous sommes passés du couple «unités centrales et stations individuelles» à celui «ordinateur personnel et réseau» pour entrer dans un monde de «machines communicantes et de cloud». Internet à aussi connu ses mutations. Sa première phase en faisait une immense bibliothèque, un canal unique (je parle, tu écoutes). La deuxième génération d’internet fut celle des réseaux sociaux (nous échangeons). Et nous sommes entrés dans une phase de «ménage à trois» où les machines se mêlent de nos conversations pour infirmer ou confirmer les informations à partir de données dont le traitement s’automatise (ex. je dit que je marche beaucoup mais mon smartphone me contredit car lui il compte le nombre de mes pas).
Ces évolutions ont comme point commun d’aboutir à une situation où les activités humaines ont développé une ombre numérique qui comme celle de Peter Pan prend son autonomie et devient à la fois un nouveau territoire économique et une entité autonome avec laquelle inter-agir. Ces différentes évolutions n’épargnent pas l’urbanisme. Et avec la multiplication des capteurs et l’automatisation du traitement des données, on passe des villes modernes toujours organisées hiérarchiquement en trois ordres (l’administration de la cité, le commerce, les usagers) dont le développement technique se fait en silos (transport, sécurité, flux), aux villes connectées.
Le passage de l’un à l’autre se produisant par un «centralisme technique» qui consiste essentiellement à fusionner les «centres opérationnels» de chaque silo. Mais cela ne constitue pas une Smart City. Pour achever cette mue, il convient d’intégrer la «révolution de la décentralisation» qui a été initiée par la technologie blockchain, et passer d’une gestion hiérarchisée et cloisonnée de la Ville à une organisation holistique, matricielle, neuronale … fondée sur le cycle de la data, l’efficacité et l’écologie, de nouveaux droits numériques et politiques pour les usagers et l’avènement d’une Economie Numérique.
En effet, la smart city se fonde essentiellement sur la maîtrise du cycle de la «data», car la donnée numérique est aujourd’hui la matière première qui permet l’optimisation de l’emploi des ressources et la création de valeur. Dans ces conditions l’émission de la donnée, sa captation, sont traitement (anonymisation) sa conservation (cloud…) et son utilisation, sont au cœur des projets de smart city. Car c’est l’utilisation de cette donnée qui permet la connaissance en temps réel des évènements (accident, fuite d’eau, consommation électrique…), la disparition du brouillard opérationnel (situation géographique des ambulances, pompiers, force de l’ordre …). Et cette connaissance permet le développement d’analyse prédictives (consommation, ordre public…) et la livraison de la quantité juste de bien (ex. éteindre les lampadaires lorsqu’il n’y a personne à éclairer et les rallumer à l’approche d’un piéton ou d’un véhicule)) ou de service (ex. maintenance prédictive) pour rendre optimal le fonctionnement de la ville.
La capacité de la Smart City à délivrer automatiquement la réponse adaptée à chaque situation donnée, à mutualiser les actifs ou à exploiter la totalité des actifs urbains est le gage d’un fonctionnement efficace, donc écologique et économe. Mais l’attrait du concept de smart city ne tient pas qu’aux économies qu’il permet de réaliser, il se fonde aussi sur les nouveaux droits qu’il permet d’offrir aux usagers de la ville (vote, administration inclusive de la cité…), sur la sûreté (incendie, inondation, accidents climatiques…) et la sécurité (trouble à l’ordre public, criminalité..) qu’il accroît et sur le développement économique qu’il permet (Peer to peer, airbnbisation, ubérisation).
La création d’une smart city peut sembler une tache immense et hors de portée mais elle devient moins impressionnante lorsque l’on se rend compte que la transmutation d’une ville en smart city peut être progressive soit en ce qui concerne le niveau de « numérisation » de la cité que de la dimension de son emprise géographique. Mais, comme l’arbre entier est déjà présent dans la graine, dès son lancement, le projet de Smart City doit comprendre : un projet global et évolutif intégrant un plan d’urbanisme et d’architecture permettant non seulement la mutualisation des ressources individuelles mais aussi la conectibilité, l’autonomie et la durabilité des unités urbaines ; un organisation « politique » qui garantisse les droits «numériques» des usagers (ex. propriété de la donnée) et une administration efficace de la cité (ex. e-administration) ; et une organisation fondée sur une blockchain permissionnée, la création de tokens/jetons/cryptomonnaies urbaine ainsi qu’une bourse (Exchange) et un dépositaire (Custodian) pour permettre le fonctionnement de la Smartcity et le développement de son économie numérique. La smart city ce n’est donc pas seulement truffer les villes de capteurs c’est inventer de nouvelles organisations et une nouvelle économie. Et dans cette compétition mondiale les sociétés holistiques semblent avantagées, ce qui pourrait être la chance de l’Afrique et de l’Océan Indien.