L’audition par le doyen des juges, le 4 septembre, n’a pas permis à notre confrère Adama Gaye de bénéficier de la liberté provisoire. Le journaliste reste donc en prison où il est incarcéré depuis plus de 30 jours pour les chefs d’accusation d’offense au Chef d’Etat et d’atteinte à la sûreté de l’Etat. S’il reconnaît la paternité de tous les posts publiés sur sa page Facebook, Adama Gaye n’en rejette pas moins certains écrits et insultes trouvés sur sa page, plaidant un possible piratage de son compte.
Dans les faits, le maintien du journaliste sénégalais le plus connu dans le monde derrière les barreaux pour une période d’instruction au demeurant élastique, interpelle à plus d’un titre. Vu que le prévenu ne représente pas de danger avéré pour la sécurité publique et qu’on ne peut, dans son cas précis, évoquer le motif de subornation de témoins, la logique voudrait qu’il soit poursuivi en liberté au nom de la liberté d’expression, beaucoup plus globale que la liberté de la presse.
En le plaçant par exemple sous contrôle judiciaire, l’Etat montrerait de la hauteur en donnant le sentiment qu’il ne veut pas punir mais agir dans le respect du droit. Il s’agit d’une option recevable compte tenu du principe qui veut que la détention soit une exception et non un impératif.
En laissant Adama Gaye rentrer chez lui dans l’attente de son jugement, la Justice sénégalaise enverrait un signal fort à l’opinion publique nationale et internationale en montrant quelle ne préjuge pas de la chose à juger.
Bien évidemment, il ne s’agit pas, dans notre propos, de minimiser la portée de cette affaire ou de substituer la morale ou le corporatisme journalistique au droit, fondement et primauté de tous les principes dans un État de droit.
Nous sommes d’avis que la plume du journaliste doit, avant toute divulgation d’une information, de la peser et la soupeser à l’aune de l’utilité sociale. Cependant, force est de le constater. Quand Adama Gaye nie la paternité d’un ou de plusieurs posts à lui reprochés, le dossier ne peut ne pas comporter une dimension présumée de cyber-sécurité et appeler à une expertise devant en définitive statuer et déterminer s’il est responsable ou non des actes qui lui sont reprochés.
Ancien directeur de la communication de la CEDEAO (organisation regroupant 15 États), puis directeur de communication de la banque panafricaine Ecobank (basée à Lomé et couvrant 36 pays), Adama Gaye avait décidé ces dernières années de se consacrer au débat politique et économique du Sénégal.
Ses nombreuses prises de parole en public lui ont attiré de solides inimitiés auprès des hommes politiques mais aussi des journalistes dont ses nombreux compagnons de route qui lui reprochent une certaine arrogance, à notre avis « rançon du succès».
Ceux qui lui contestent l’appartenance à ce noble métier qu’il exerce depuis 40 ans peuvent alterner les saillies et les calembours. Ils sont bien plombiers ayant à charge de colmater toutes les fuites et de réparer les brèches dans la terrible usine de fabrique de consensus qu’est devenue la profession. Car Adama Gaye, lui, est un journaliste qui a gravi tous les échelons pour faire la synthèse des conditions sociales d’une profession paupérisée dont ses représentants sont obligés de faire le ménage pour survivre.