Par Pierre Pingeot, Abidjan.
Dix ans après la crise, la Côte d’Ivoire a définitivement renoué avec la croissance et consolidé sa démocratie. Le prochain scrutin présidentiel sera l’occasion de le prouver.
Alassane Ouattara l’a rappelé le 6 août dernier, veille de l’anniversaire de l’indépendance ivoirienne : «la paix est l’héritage le plus précieux que le président Félix Houphouët-Boigny nous a laissé. Les turpitudes du passé sont derrière nous. La Côte d’Ivoire est maintenant en paix». Moins de dix ans après la profonde crise politique, économique et humanitaire de 2010, le pays a en effet radicalement changé.
D’après les chiffres de la Banque mondiale, l’économie ivoirienne a progressé à un rythme moyen de 8 % par an depuis 2011, «ce qui en fait l’un des pays les plus dynamiques du monde sur cette période». Certes, cette croissance semble profiter à toute l’Afrique de l’Ouest et ne peut être mise sur les seules actions du gouvernement ivoirien. Il n’en reste pas moins que la Côte d’Ivoire a su se donner les moyens de profiter de cette croissance pour améliorer les conditions de vie ses concitoyens. L’institution financière internationale souligne d’ailleurs que le revenu national s’est accru de 80 % entre 2012 et 2015 et que la Côte d’Ivoire enregistre, pour la première fois depuis 40 ans, une diminution de son taux de pauvreté (de 51 % à 46 %). Certains partis d’opposition, il est vrai, estiment que la redistribution des richesses et les promesses de développement «restent lettre morte».
Mais le gouvernement n’a pas attendu ces accusations pour affirmer sa détermination à réduire durablement la pauvreté. C’est précisément afin d’assurer une croissance inclusive que «le chef de l’État, Alassane Ouattara, a décidé en décembre dernier de lancer un programme spécifique mettant l’accent sur le social pour un budget d’un peu plus de 700 milliards de francs CFA sur les deux prochaines années», a déclaré le ministre ivoirien de l’Énergie, Abdourahmane Cissé, lors du Week-end de la Gouvernance Mo Ibrahim, qui se tenait du 5 au 7 avril à Abidjan. Une manière pour la puissance publique ivoirienne de tenter de mieux répartir les fruits de la croissance, notamment auprès des classes sociales les plus fragiles. Le 31 décembre dernier, le gouvernement ivoirien a en effet annoncé qu’il consacrerait, en 2019 et 2020, 727 milliards de francs CFA (1,1 milliard d’euros) aux populations les plus défavorisées. Pas moins de 156 actions prioritaires seront engagées dans divers secteurs essentiels tels que la santé, la protection sociale, l’éducation, l’eau ou encore l’assainissement.
Encourager et soutenir les politiques nationales
L’importance de poursuivre les efforts pour une croissance inclusive a également été rappelée par la communauté internationale. Ainsi, la Banque mondiale encourage le gouvernement ivoirien à «résoudre les enjeux de mobilité à Abidjan pour transformer la forte croissance urbaine en atout de développement». L’institution financière internationale estime en effet qu’«une amélioration de l’ordre de 20 % de la mobilité urbaine à Abidjan pourrait engendrer un gain de croissance annuelle du PIB de près de 1 % ». Elle permettrait également aux ménages de réaliser d’importantes économies en temps et en argent.
La question du désengorgement du réseau de transport est donc un enjeu majeur en termes d’infrastructures, qui pèse sur le développement économique du pays et le pouvoir d’achat des Abidjanais. Un conseil que le gouvernement ivoirien a visiblement entendu. «Je considère que toutes les routes de Côte d’Ivoire doivent être réhabilitées et que toutes les capitales de région doivent être connectées», a affirmé Alassane Ouattara dans un entretien accordée à la chaîne publique RTI le 6 août. D’après les chiffres du ministère de l’Équipement et de l’entretien routier, 4 500 kilomètres de routes sont en cours de construction et 1 500 nouvelles routes bitumées sont en train d’être réalisées. Même son de cloche du côté de la Banque africaine de développement (BAD), pour qui la question de la redistribution des richesses concerne l’ensemble des économies du continent.
Si l’institution financière se félicite de la «dynamique économique importante» enregistrée par l’Afrique ces dernières années, elle appelle les gouvernements à «mettre en place des politiques nationales globales pour réduire les inégalités et promouvoir une croissance inclusive». Or, afin de soutenir les efforts réalisés par le gouvernement ivoirien en la matière, la BAD a accordé une enveloppe de 275 milliards de francs CFA pour la mise en œuvre de cinq projets portant sur le transport urbain, les infrastructures routières, l’électricité en milieu rural, l’agriculture et l’intégration sous-régionale.
Vers des élections paisibles
Pour le ministre ivoirien de l’Économie et des Finances, Adama Koné*, « ces financements contribueront indéniablement à la mise en œuvre du Plan national de développement 2016-2020, et auront des impacts probants sur le quotidien des populations». Ce plan est en effet l’un des axes forts de la politique économique de Yamoussoukro et doit permettre au pays de rejoindre le club des nations émergentes d’ici 2020. La ministre du Plan et du développement, Nialé Kaba, gouverneur de la BAD pour la Côte d’Ivoire, s’est de son côté réjouie de «cette importante intervention» qui traduit «la vitalité» des relations entre la BAD et le gouvernement du pays ouest-africain. Mais si le «miracle» économique ivoirien est salué à travers le monde, la transformation politique du pays n’en est pas moins remarquée.
Selon la mission d’observation électorale de la CEDEAO, le scrutin présidentiel de 2015 a été «libre, transparent et organisé de manière acceptable». C’est dire si le pays a définitivement tourné la page de la violence et consolidé sa démocratie. Il souhaite cependant aller plus loin. Le 30 juillet dernier, le Parlement ivoirien a approuvé le projet de loi sur la recomposition de la Commission électorale indépendante (CEI). Demandée par l’opposition et conseillée par la Cour africaine des droits de l’homme, la réforme vise à rendre la CEI plus équilibrée et plus indépendante du pouvoir. Désormais, le nombre de sièges accordés aux soutiens de la présidence ne représente plus que 30 % de la CEI (contre 50 % auparavant), tandis que le nombre de sièges réservés à la société civile en représente 40 % (6 sièges actuellement, contre 3 auparavant).
Dans un communiqué diffusé lundi 19 août, le président de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a salué la réforme de la CEI. Il a notamment félicité «l’ensemble des acteurs politiques en Côte d’Ivoire, y compris les organisations de la société civile, pour leur attachement aux valeurs démocratiques prônées par l’Union africaine». Le président de l’UA, qui s’est félicité «de ce que l’arrêt rendu par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ait été pris en compte», a également encouragé les acteurs politiques et la société civile «dans leur volonté à aller à des élections paisibles dans l’intérêt du peuple ivoirien». Alors que la prochaine élection présidentielle ivoirienne approche à grands pas, l’ombre de la guerre civile qui avait ensanglanté le pays en 2010 se dissipe : le renforcement des institutions démocratiques et les retombées économiques de la croissance devraient faciliter la bonne tenue du scrutin. Car au-delà des rodomontades et des excès verbaux d’une partie de la classe politique ivoirienne, la société civile est désormais apaisée et après 9 ans de présidence Ouattara, la page des années de violence semble avoir été tournée.
Notes:
*A la faveur du dernier remaniement intervenu le 5 septembre 2019 en Côte d’Ivoire, Adama Koné est nommé ministre auprès du président de la République chargé des Affaires économiques et Financières.
2 commentaires
Un article plein de pommade.
Moussa Faki est plutôt président de la Commission de l’Union Africaine et non pas le Président de l’Union Africaine. Si le Président Ouattara tient tant à la pérennité de la paix en Côte d’Ivoire alors qu’il enlève toute velléité à briguer un troisième mandat de son esprit. Qu’il organise des élections libres et transparentes non pas des élections tropicalisées et qu’il passe la main. Il faut savoir partir avec élégance.
Bonjour Antoine William
Merci pour la rectification concernant le titre de Moussa Faki Mahamat qui est bien, comme vous l’avez relevé fort à propos, président de la Commission de l’Union Africaine. Pour le reste, puisque vous jugez l’article fort de pommade, nous serons heureux de publier votre contribution sur les enjeux électoraux de la Côte d’Ivoire.
La rédaction