L’ancien Président de la Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié, 85 ans, par ailleurs président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), démentira-t-il la sagesse populaire selon laquelle on ne peut “être et avoir été”? Revenu dans son pays, le 24 septembre 2019, après un interminable périple européen entamé le 2 juillet par la France, à la rencontre des barons de la Françafrique puis la Belgique, précisément à Bruxelles, le 29 juillet 2019, pour un entretien avec le plus célèbre détenu de la Cour Pénale Internationale, le sphinx de Daoukro ne cache plus ses intentions.
Conservateur, le président du PDCI qui s’est confié au Monde, à RFI et à Jeune Afrique a estimé que tant que son parti, le PDCI-RDA, a besoin de lui, il répondra présent pour «le servir». Précisant par ailleurs que redevenir président serait pour lui une «revanche», mais pas une «vengeance». Renversé par un coup d’Etat militaire en 1999, HKB qui avait été éxfiltré, passant par le Togo pour gagner la France avant de revenir pour participer au jeu démocratique ivoirien, formait jusqu’à peu un tandem, au demeurant indéboulonnable, avec le président Alassane Ouattara, 77 ans, en fin de deuxième mandat avec des intentions peu claires quant à sa volonté de se représenter pour un troisième mandat auquel il n’a pas droit selon Bedié.
Le refus de l’ancien haut cadre du FMI de céder le fauteuil en 2020 au PDCI ( contre-partie tacite de l’appel de Daoukro de 2015), lui préférant une fusion-absorption des deux formations RDR -PDCI dans une formation unifiée, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a accéléré le divorce entre les deux hommes. Depuis leur rupture publique, les deux hommes sont dans une course aux alliances. Après avoir rendu visite à Laurent Gbagbo, 74 ans, le chef Baoulé ne cache plus son jeu de miser sur plusieurs cartes dont celle de Guillaume Soro. À la différence de l’ancien président de l’Assemblée nationale, qui n’a plus droit à la salle d’honneur de l’aéroport Felix Houpheit Boigny, le vieux Bedié jouit de tous ses privilèges d’ancien chef d’Etat. Reste cette question que tout le monde se pose à Abidjan: le «vieux» passera-t-il le témoin à la nouvelle génération de leaders ?
Qui pour prendre la canne du chef
Parmi ses successeurs potentiels qui pourraient être investis lors du prochain congrès du parti à la fin du premier semestre 2020, il y a divers profils présentant chacun des avantages et des inconvénients. Ainsi du Secrétaire Exécutif Maurice Kakou Guikahué , médecin, qui avait assisté Houpheit Boigny jusque dans ses derniers instants et qui est la cheville ouvrière du parti. Originaire de Gagnowa tout comme Laurent Gbagbo, c’est lui d’ailleurs qui a d’abord rencontré ce dernier dans la partie sud-est de Bruxelles, balisant le terrain pour Bedié dont il est une quasi-doublure.
Parmi les autres successeurs probables du « vieux », le nom de Noël Akossi-Bendjo, l’ex-maire du plateau en exil à Paris, revient fréquemment. L’homme qui a eu la prouesse de barrer la route de la mairie du Plateau au RHDP-tendance Ouattara, en y faisant élire son neveu, qui a devancé d’une voix le publicitaire Fabrice Sawegnon, compte un cercle d’admirateurs grandissant dans les hauts étages du parti. Tout d’ailleurs comme Jean-Louis Billon dont l’appartenance au PDCI est une affaire de famille. Le patron du premier groupe agro-industriel du pays se voit toutefois reproché par les caciques sa transhumance en 2011. Ce quatuor est complété par Thierry Tanoh, ancien ministre du Pétrole et ancien conseiller spécial à la présidence. Le technocrate a en sa faveur une virginité politique quasi-intacte et un test de loyauté réussi haut la main, ce qui a été apprécié par Henri Konan Bedié lequel, en bon africain, est très sensible à l’esprit de loyauté et au respect du droit d’aînesse. « Le seul ministre qui assistait à toutes les réunions du PDCI et qui a osé défié la présidence pour assister au Congrès du PDCI bénéficie du respect de tous les clans. Suffisant pour succéder à l’énigmatique Bedié?
Suspens
En attendant, ce dernier fait durer le suspens. Privilégia-t-il l’avenir en misant sur de nouveaux profils ou, comme le craint-on dans certaines chancelleries, optera-t-il pour une hypothétique revanche sur l’histoire en tentant de prendre le pouvoir pour se venger de ceux qui avaient cru l’y avoir définitivement écarté il y a vingt ans ?
En tout cas l’annonce d’une vaste coalition de partis politiques comprenant diverses personnalités dont Laurent Gbagbo et Guillaume Soro sous sa houlette fait de Bedié un homme sur qui il faudra compter. Le meeting de lancement de l’alliance FPI de Laurent Gbagbo et le PDCI organisé le 14 septembre devrait être suivi d’un nouveau rassemblement à Yamoussoukro avec à chaque fois l’empreinte de Maurice Kakou Guikahué, qui fait montre d’une capacité de mobilisation hors normes. Pendant ce temps, Alassane Ouattara, confronté à des indicateurs sociaux en deçà des taux de croissance (en 2015, 46 % de la population ivoirienne vivait en dessous du seuil de pauvreté, 47 % en 2017) cherche à contenir la vague Bedié qu’il a renforcé en octobre 2016 avec l’adoption d’une nouvelle constitution déverrouillant l’âge limite de 75 ans. Le texte fondamental sensé lutter contre le concept de l’ivoirité a-t-il réussi sa mission? Les présidentielles de 2020 nous le diront.
2 commentaires
Bedié a exactement 86 ans et non 82. Aussi me semble t-il que vous maîtrisez mal le marigot politique ivoirien, pour ne l’avoir pas bien fréquenté. Je découvre un texte dicté et qui est moins le reflet d’une investigation bien menée. Les réseaux ont certainement commencé à être mis en branle.
Bonjour monsieurKoné,
Merci pour l’intérêt. Vous avez raison, Bedié n’a pas 82 ans mais exactement 85 ans. Quant à la connaissance du marigot politique ivoirien, il vous appartient de l’apprécier à la lecture de cet article et des autres publiés ici mêmes. Les réseaux n’on pas commencé à être mis en branle, ils l’étaient déjà bien avant.
Cordialement votre