Dans ses dernières revues des politiques africaines en ce mois de septembre 2019 en prélude de ses assemblées générales prévues dans quelques semaines à Washington, le Fonds monétaire international n’a eu de cesse d’insister auprès de ses interlocuteurs pour l’augmentation de la pression fiscale, le payement de la dette intérieure, la réduction du train de vie de l’Etat et l’application de la «vérité des prix».
Le vocabulaire et les sigles ont changé mais le message est le même : il faut supprimer les subventions sur les denrées de base et le carburant, y compris pour les pays comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, liés au fonds par l’Instrument de coordination des politiques économiques (ICPE), mécanisme mis en place en 2017 comportant une assistance technique mais sans décaissement, ou ceux comme le Congo et le Gabon, engagés par la Facilité élargie de crédit (FEC).
Seule différence avec le PAS originel, la nécessité rappelée aux États de mettre en place des filets de protection sociale. Mais comment y parvenir vu l’injonction de contrôler la dette et de réduire les dépenses publiques? Mortelle dualité.
La vérité des prix à tout prix ?
C’est le message donné en particulier aux derniers pays “auscultés”. Ainsi, tout en déclarant le 23 septembre 2019, au terme de sa mission de deux semaines que le Sénégal est un pays extrêmement dynamique, avec un potentiel important, qui a l’émergence à portée de main», Corinne Deléchat, la cheffe de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour ce pays, n’en a pas demandé moins à Dakar de serrer la ceinture. La suppression ou fusion de 16 agences parapubliques entre dans ce cadre aux côtés des régimes secs promus aux fonctionnaires jusque dans leurs crédits téléphoniques.
Reste à savoir si ces politiques issues des 10 commandements du Consensus de Washington sont pertinentes. “Quelle crédibilité accorder aux “nouveaux” instruments du FMI si l’on sait que ses experts ne connaissent rien du développement industriel et des changements de structures dont les économies africaines ont besoin, s’interroge l’économiste Pape Demba Thiam, ancien de la Banque Mondiale, spécialiste en industrialisation et développement de chaînes de valeur ?
La raideur actuelle du FMI n’est pas sans rappeler les fameux programmes d’ajustement structurel (PAS) qui ont conduit à la faillite des structures de santé et d’éducation de beaucoup de pays africains dans les années 90 ou encore, et on en parle peu sous nos cieux, la récente banqueroute de l’Argentine.
Syndrome de l’Argentine
L’interruption des subventions de l’eau, de l’électricité et du transport a affecté le pouvoir d’achat des argentins. Loin de favoriser la croissance, le programme du FMI a freiné la consommation intérieure et ralenti l’économie.
Conséquence, l’Argentine qui a limogé son ministre des Finances , vu sa monnaie, le peso, perdre 20% de sa valeur depuis le 11 août et sa Bourse plonger de 30% , a demandé au FMI un rééchelonnement de sa dette de 57 milliards de dollars accordée à l’actuel régime libéral contre une cure d’austérité. Un mauvais signal pour le marché. L’agence Standard and Poor’s a aussitôt placé la signature du pays en catégorie spéculative.
En tout cas, le président Mauricio Macri, en très bon élève du FMI, est obligé de le constater : entre son arrivée en 2015 et le mois d’août 2019, la dette extérieure de son pays a augmenté passant de 50% à 89%. L’inflation atteint 50% et le taux de pauvreté est estimé à 30%. Beaucoup d’observateurs estiment que l’échec du libéral Mauricio Macri place son rival, Alberto Fernandez, dans une position idéale en vue des présidentielles du 27 octobre prochain.
L’ampleur du cas argentin devrait tout au moins ouvrir de larges concertations sur les engagements contractés par les États africains auprès du FMI.
Christine Lagarde qui a cédé son fauteuil de directrice générale du FMI à la Bulgare Kristalina Georgieva, réputée plus libérale, part avec beaucoup d’interrogations sur la pertinence des politiques d’austérité qu’elle a appliqué sur de nombreux pays dont la zone CEMAC. Quant à la nouvelle directrice, à défaut de changer de doctrine, elle doit au moins changer de lunettes et accepter que l’émergence est affaire de pouvoir d’achat.