L’arrestation de Jacques Mangoua, vice-président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), connaît des versions diverses. Selon les proches de l’homme politique joints par Financial Afrik, celui qui est président du conseil régional du Gbèke, la plus grande région de Côte d’Ivoire, depuis décembre 2018, est victime de la guerre de tranchées entre les éléphants.
Cette guerre est la conséquence de l’échec de l’alliance entre Bedié et Ouattara à travers le parti unifié RHDP avec en ligne de mire les présidentielles de 2020. Parmi les cadres les plus en vue du PDCI, Jacques Mangoua, qui a donc remporté les élections dans son fief sous la bannière du PDCI , ancien allié de parti du président Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, aujourd’hui principal opposant de son parti, le RHDP unifié, était, au moment de son arrestation, en attente d’un audit sur la gestion de son prédécesseur, Jean Kouassi Abonoua, ancien PDCI qui a rejoint les rangs de M. Ouattara, ainsi que sur la situation des comptes de la région.
La mission d’audit aurait mis en exergue de nombreux dysfonctionnements dans l’utilisation des ressources de la région. Entre autres, estime-t-on dans l’entourage de M. Mangoua, un endettement de la région à hauteur de 1,9 M€ (soit plus de 1,2 milliard de Franc CFA), et diverses anomalies. « Des mains occultes ont fait tout ce qui était possible pour que cet audit ne voie pas le jour : menaces de mort et intimidation », poursuit la source rappelant que M. Mangoua avait déposé une plainte auprès des autorités compétentes sur ces faits, preuves à l’appui. Le rapport d’audit quant à lui devrait être rendu public très prochainement. Mais bien avant qu’il ne soit enfin divulgué, Jacques Mangoua, alors en séjour en France, a été interpellé.
Il faut le dire, les versions avancées par les autorités et celles présentées par les proches de Mangoua sont aux antipodes l’une de l’autre. Selon le procureur, des munitions et une quarantaine de machettes avaient été retrouvées à son domicile. En tout, 991 munitions d’armes de guerre, 49 munition de fusil calibre 12 et 40 machettes auraient été trouvées chez le leader politique qui n’a pas été en mesure de justifier de la présence des armes. Il s’agit donc d’une infraction matérielle constitutive d’une procédure de flagrant délit, objet de l’audience devant normalement se tenir ce jeudi 3 octobre.
A l’inverse, les proches du mis en cause parlent plutôt d’un complot. Après un court séjour en France du 9 au 19 septembre 2019, M. Mangoua est informé le 21 septembre 2019 par l’agent de sécurité de sa résidence de campagne de la présence de minutions sur le site. Cet agent de sécurité a également pris le soin d’en informer les autorités villageoises. Les deux versions s’accordent sur la nature des armes trouvées, à savoir 40 machettes, des munitions de calibre 12 ainsi que des minutions de kalachnikovs. Toutefois les proches de Mangoua précisent que « les minutions et les machettes ont été découvertes dans la cage du groupe électrogène et du château d’eau situé dans la cour de la villa ».
Les choses s’enchaînent par la suite comme un polar. M. Mangoua qui n’a pas eu le réflexe de faire constater sa trouvaille par des huissiers de justice alerte alors le préfet et la gendarmerie pour constater les faits. « Le constat révèle des traces d’infractions et de vandalisme de son domicile », déclare notre source.
Le procureur, Koné Braman, perquisitionne ledit domicile le 24 septembre 2019 et signifie à M.Mangoua, au téléphone, le même jour , qu’aucune arme ne s’y trouvait ; les sacs de minutions et de machettes ayant été récupérés auparavant par la gendarmerie de Bodokro. Fort de ce constat, Mangoua dépose une nouvelle plainte le 26 septembre 2019 auprès de la gendarmerie et se met à la disposition des autorités judiciaires.
Quelque 24 heures plus tard, le vendredi 27 septembre 2019, il est convoqué devant le substitut du procureur en l’absence de son avocat et sans qu’aucun motif ne lui soit signifié. Retenu dans les locaux de la gendarmerie de Bouaké du 27 au 29 septembre, M. Mangoua fait-il les frais de la guerre des éléphants entre Ouattara et Bedié? Le vice-président du PDCI encours entre cinq à dix ans dans une audience judiciaire aux relents politiques, entre flagrant délit et complot. C’est selon, en attendant le verdict de ce jeudi. .