Par Steve Kpoton
S’il y a un sujet qui taraude l’esprit de tous les Ivoiriens, c’est bien la présidentielle de 2020. Elle divise les leaders politiques, suscite l’émoi des militants des différents partis et captive les citoyens. Au sein de la presse nationale et internationale, elle fait l’objet de commentaires et d’analyses de tout genre. Certains journalistes s’emploient à des pronostics sans réserve. Entre déni des performances économiques du pays et remise en cause des acquis sociaux, ils semblent déjà avoir une idée de l’issue de la présidentielle de 2020, dont on ne connait pas encore les candidats, et encore moins le choix que feront les Ivoiriens. Reste que le contexte post-conflit complexe dans lequel se trouve aujourd’hui la Cote d’Ivoire n’en est pas moins porteur d’espoirs pour le pays et ses citoyens. Et pour plusieurs raisons.
D’abord, les Ivoiriens semblent vouloir tourner les pages sombres de leur histoire pour construire une paix durable. Certes, cette dernière peut paraitre fragile, mais la volonté des Ivoiriens de se réconcilier est évidente. En 2018, le gouvernement a montré l’exemple en accordant l’amnistie à 800 personnes détenues ou condamnées par la justice, dont certains acteurs politiques impliqués dans la crise postélectorale de 2010 – 2011. Un acte courageux qui a été salué, presque à l’unanimité, par l’opinion publique nationale et internationale.
Par ailleurs, il faut aussi souligner les progrès sociaux que connait la Côte d’Ivoire, au service desquels le gouvernement ivoirien a souhaité mettre l’efficacité économique depuis 2011. Le commerce équitable permet aux paysans ivoiriens de mieux vivre de leur cacao qu’avant. Alors qu’une seule organisation ivoirienne bénéficiait du label « commerce équitable » en 2004, près de 200 coopératives réunissant 120 000 producteurs sont certifiées aujourd’hui. Sur le plan sanitaire, la construction et l’équipement des hôpitaux ont bénéficié d’un intérêt particulier du gouvernement. Sur le plan social, la Cote d’Ivoire a le SMIG le plus élevé de la zone UEMOA. Selon les conclusions du 8e rapport sur la situation économique de la Côte d’Ivoire publié par la Banque mondiale, la croissance est restée forte à 7,4% en 2018 et le PIB réel par habitant a augmenté de 32% depuis 2011 . En somme, le progrès social est en marche. Pour l’avenir, il faut consolider les acquis et ouvrir de nouvelles perspectives pour réduire toujours plus les inégalités sociales.
Ensuite, l’élection présidentielle de 2020 est, en soi, un chemin d’espérance pour les Ivoiriens. Ils choisiront en toute liberté leur prochain Président. Dans cette perspective, des réformes constitutionnelles, politiques et électorales ont été effectuées. Ces évolutions ont été menées avec le peuple ivoirien, à travers le référendum de 2016 en ce qui concerne la réforme constitutionnelle et par le Parlement et le Sénat en ce qui concerne la Commission électorale indépendante (CEI). De quoi souligner la souveraineté du peuple ivoirien et la crédibilité des institutions démocratiques du pays. En témoigne le communiqué publié par la Commission de l’Union Africaine le 19 août 2019. Par la voix de son Président, l’UA a ainsi salué « l’ensemble des acteurs politiques en Côte d’Ivoire, y compris les organisations de la société civile, pour leur attachement aux valeurs démocratiques prônées par l’Union africaine et les encourage dans leur volonté à aller à des élections paisibles dans l’intérêt du peuple ivoirien ».
D’aucuns affirment que le Président Ouattara a la volonté de verrouiller la future élection présidentielle ou d’imposer un dauphin issu de la RHDP. A ceux-ci, on peut rappeler qu’en janvier 2019, la majorité présidentielle s’est refondée politiquement sous le leadership du Président de la République. Certains leaders politiques de la majorité ont estimé qu’ils ne partagaient plus la ligne idéologique et les orientations politiques du parti unifié de la majorité présidentielle. Au nom du principe de la liberté politique, il est tout à fait logique que les cartes soient, à nouveau, redistribuées au sein de la majorité. Pour maintenir le cap de ses actions, le Président de la République a besoin d’une équipe soudée. Comme tous les autres partis politiques ivoiriens, le RHDP est engagé dans la course pour l’élection présidentielle de 2020. Le parti a un bilan à présenter aux Ivoiriens. Ses instances fonctionnent et sont soumises aux lois ivoiriennes. Dans toutes les grandes démocraties, les partis politiques se battent pour conserver le pouvoir. Le RHDP le fera en 2020 dans le respect strict des règles du jeu démocratique, à n’en pas douter. La décision finale reviendra, quant à elle, aux Ivoiriens, à travers une élection libre, démocratique et transparente.
En conclusion, on ne peut nier que la Côte d’Ivoire a fait des pas de géant sous le leadership du Président Ouattara. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, le gouvernement américain à travers le Millenium challenge corporation, la Fondation Mo Ibrahim et le PNUD ont tous salué les résultats économiques du pays. Sur le plan du progrès social, les infrastructures socio-communautaires réalisées font, aujourd’hui, la fierté de tous les Ivoiriens. Pour autant, cela ne doit pas occulter les efforts que le pays doit encore déployer pour rendre cette croissance économique plus inclusive et réduire les inégalités. Ces progrès attendus constituent un défi inscrit dans l’agenda du gouvernement, tout autant que la promotion et la protection des droits de l’homme. Pour tout démocrate, au-delà des calculs politiciens, il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’avenir du pays.
Steve Kpoton est juriste et analyste politique. Il s’intéresse aux dynamiques qui structurent la vie politique africaine