Mamadou Aliou Diallo , Conakry.
À quelques heures de la manifestation appelée par le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), ce lundi 14 octobre 2019, la tension est à son comble à Conakry.
Alors que les principaux meneurs de ce front, Abdourahmane Sanoh de la PCUD, Sékou Koundouno du balai citoyen, Ibrahima Diallo et d’autres activistes qui entendent faire barrage à Alpha Condé pour l’empêcher de tripatouiller ou de changer la constitution guinéenne en vue de s’offrir un troisième mandat, ont été mis aux arrêts samedi, par des hommes encagoulés, le FNDC n’entend pas reculer et a aussitôt nommé un autre coordinateur pour diriger le front, en la personne d’Oumar Sylla, un autre membre du mouvement.
Le deux principaux opposants à Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG, principal parti d’opposition et Sidya Touré, président de l’UFR, tous deux membres du FNDC, ont vigoureusement protesté après l’arrestation des leaders du front et exigé leur libération immédiate et sans condition.
« Il ne faut pas vous émouvoir. Rien, absolument rien ne va nous arrêter dans le combat de barrer la route à l’assassinat programmé de la démocratie…… » Il semble que pour M. Sidya Touré, Cellou Dalein, ce n’est pas la prison qui leur est réservée. C’est la mort. Mais ne vous inquiétez pas parce qu’on a pris la décision de se battre pour libérer ce pays de l’injustice, de l’arbitraire, de la haine….. si vous entendez qu’on est en prison ou que Alpha Condé nous a fait assassiner, ne vous préoccupez pas, continuer la lutte pour le triomphe de la justice, de la vérité et de la démocratie», a alerté le chef de file de l’opposition guinéenne.
Sidya Touré de l’UFR s’inscrit dans la même logique «Ne vous laissez pas intimider parce qu’ils ont déjà commencé à arrêter certains comme Sanoh, Koundouno et autres…Si la Guinée doit aller loin, si votre avenir doit être meilleur, c’est vous qui allez le décider. Dès ce lundi, nous allons tous sortir pour manifester contre le troisième mandat, contre la présidence à vie, contre les élections truquées. Alors, restez tous mobilisés pour ce lundi. Et quand nous allons commencer à manifester, nous n’arrêterons pas tant qu’une solution n’est pas trouvée au problème des Guinéens » .
Dans sa déclaration rendue publique samedi soir, le FNDC parle d’une journée historique qui sera gravée dans la mémoire collective du vaillant peuple du 28 septembre. Objectif annoncé, » libérer définitivement le pays des mains de la horde de brigands qui n’ont ni foi, ni loi et qui veulent saper tous les sacrifices consentis par le glorieux peuple de Guinée dans la quête de la démocratie et d’un État de droit ».
Le FNDC réitère son appel à une mobilisation sans précédent pour que les manifestations qui démarrent aujourd’hui signent la fin du bras de fer qui oppose les patriotes guinéens à « ceux qui s’acharnent à promouvoir une présidence à vie dans notre pays« .
Nouvelle constitution au lieu de révision constitutionnelle
Dans la constitution en date du 7 mai 2010, promulguée par le CNT (conseil national pour la transition) lors de la transition militaire de 2009, les dispositions combinées de l’article 27 qui stipule que «le Président de la République est élu au suffrage universel, la durée de son mandat est de 5 ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non. » et l’article 154 qui stipule que « la forme Républicaine de l’État, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’État, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du président de la république ne peuvent faire l’objet d’une révision » excluent toute possibilité de troisième mandat pour Alpha Condé.
La volonté du régime actuel à un an de la fin de son mandat de soumettre une nouvelle constitution par voix référendaire plutôt que de réviser la constitution actuelle quitte à la soumettre ensuite par voix référendaire, vise explicitement, cela est un secret de polichinelle, à faire sauter les verrous des intangibilités sur la durée et la limitation du nombre de mandats afin de permettre à Alpha Condé qui a déjà déclaré dans un entretien avec des médias Sénégalais « s’il y a nouvelle constitution, il y’aura troisième mandat…. » de se maintenir au pouvoir.
Certains observateurs jugent l’appel grandeur nature à manifester du FNDC contre le troisième mandat trop prématuré parce que « 14 mois nous séparent de la fin du mandat d’Alpha Condé » ; estiment qu’en s’engageant maintenant, ils courent le risque d’essouffler le mouvement, d’autres par contre pensent que c’est maintenant qu’il faut agir pour contrecarrer toutes les stratégies qui sont en train d’être déroulées par le pouvoir pour se maintenir.
Seule certitude, l’appel à manifester de ce lundi 14 octobre à valeur de test pour le FNDC, car il doit prouver sa capacité de mobilisation qui forcera le régime à renoncer à son projet anticonstitutionnel de troisième mandat.