La Côte d’Ivoire a beau afficher un taux de croissance solide oscillant entre 7 et 8%, la perception, par les opérateurs économiques nationaux, du climat des affaires reste toujours prudente à raison d’une tendance récurrente du gouvernement à s’affranchir, apparemment sans état d’âme, de ses propres engagements.
Le Forum économique mondial (Fem) a publié récemment l’édition 2019 de son traditionnel Index de la compétitivité mondiale (GCI) qui traduit, à la lumière de certains indicateurs évalués par les acteurs économiques eux-mêmes, la perception que ces derniers ont de l’environnement des affaires dans lequel ils opèrent. Et la Côte d’Ivoire, -régulièrement citée au cours des six derniers années parmi les pays les plus réformateurs de leur climat des affaires dans le cadre du classement Doing Business de la Banque mondiale-, occupe le 118ème sur 141 pays. Enregistrant, par rapport à 2018, un recul de quatre places. Situation pour le moins paradoxale ! Mais qui ne manque pas de logique.
Incohérences entre engagements et actes !
Entre pression douce sur des assureurs pour conventionner un établissement hospitalier, méthodes cavalières pour sortir certaines entreprises et /ou pour (ré)intégrées d’autres dans certains projets publics majeurs, «ferme recommandation» d’un partenaire aux entreprises adjudicatrices de marchés publics ou voulant exercer dans certains secteurs économiques spécifiques, alourdissement des procédures et des charges d’importation, réinterprétation de la doctrine fiscale ou extension du champ d’application de dispositions fiscales au gré des impératifs budgétaires, «fatwa fiscale» lancée contre les entreprises dont certains des actionnaires sont soupçonnés de grande proximité avec des partis politiques d’opposition… les situations objectives justifiant ce classement peu flatteur au GCI 2019 sont nombreuses.
Le gouvernement ivoirien qui fait des appréciations du couple Fonds monétaire international (Fmi)-Banque mondiale, la seule boussole de sa gouvernance paraît finalement, aux yeux des milieux d’affaires, «n’avoir que très peu cure de cohérence et convergence entre ses engagements et les actionsqu’il prend dans le cadre de leur mise en œuvre » résume la situation, un chef d’entreprise. Cette tendance est illustrée, ces dernières semaines sur les bords de la Lagune Ebrié, par le dossiers de la réforme fiscale dont le Président Alassane Ouattara avait proclamé , en août 2017, urbi et orbi, la pleine mise en œuvre et qui, deux ans après, n’a toujours pas connu une implémentation de -ne serait-ce que – 10% des mesures ou la «belle feinte» sur le prix bord champ du cacao pour la campagne 2019-2020 récemment faite aux producteurs de cacao -auxquels le Chef de l’Etat ivoirien avait fait miroiter un intéressant prix au kilo de 1 000 FCFA et qui se verront plutôt servir 950 FCFA.
Érosion de la crédibilité de la parole publique
«La parole publique est une des données essentielles avec lesquelles le secteur privé, partout dans le monde, travaille pour se projeter. Ces trois dernières années, cette parole publique se caractérise, en Côte d’Ivoire, par des proclamations des pouvoirs publics sans suites concrètes… La parole publique y est de moins en moins crédible. Pour les opérateurs économiques, cela signifie malheureusement une prédictibilité de l’environnement sujette à caution, une lisibilité de l’action publique pas assez nette et une confiance réduite » se désole, le dirigeant d’une chambre consulaire occidentale en Côte d’Ivoire. Ironie du sort, une disposition du projet d’annexe fiscal 2020 abrogeant la suppression prévu au 31 décembre 2019 -arrêtée par la loi de finances 2017- une taxe destinée au financement des investissements de l’Administration fiscale et la pérennisant sans limitation donne un bel aperçu de ce contexte d’inconstance fiscale qui préoccupe fortement les entreprises.
S’il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’économie ivoirienne est l’une des plus dynamiques de l’Afrique de subsaharienne, l’inconstance de son système fiscal, la fiabilité de plus en plus sujette à caution de la parole et des engagements des pouvoirs publics vis-à-vis du secteur privé, n’en finissent plus de préoccuper les milieux d’affaires. Toute chose que traduit éloquemment la régression de quatre place qu’enregistre le pays dans le GCI 2019. Malheureusement !