Par Mamadou Aliou Diallo, Conakry.
La forte résistance face aux «velléités» de troisième mandat, enregistrée les 14, 15 et 16 octobre derniers, lors des manifestations du Front National de Défense de la Constitution (FNDC) en Guinée, ne semble pas totalement convaincre Alpha Condé de renoncer à s’engager dans un «projet suicidaire» qui risque de menacer la stabilité du pays.
Ce, malgré les morts par balle de 10 manifestants à Conakry et Mamou, près d’une centaine de blessés par balle également, et environ 200 arrestations.
En déplacement ce samedi 19 octobre à Boffa, au nord-ouest du pays, Alpha Condé, dans une déclaration, est resté droit dans ses bottes, semblant minimiser la volatilité de la situation. «Nous dirigerons jusqu’au jour où Dieu le voudra. Personne ne peut parler à la place du peuple, la démocratie, c’est le pouvoir du peuple, c’est au peuple qu’on doit demander ce qu’il veut. Comme ils savent que le peuple n’est pas derrière eux, ils font la pagaille » a réagi le Président Guinéen.
Ainsi, malgré la paralysie totale de Conakry lors des journées des 14 et 15 octobre, et de plusieurs villes de province ; malgré des vidéos qui passent en boucle sur les réseaux sociaux, montrant des forces de l’ordre s’acharnant contre des populations de la haute banlieue de Conakry, faisant irruption dans les domiciles des manifestants, maltraitant, violentant ces derniers, principalement à Ratoma, des agissements dénoncés, entre autres, par Human Rigth watch (HRW),Alpha Condé réfute en bloc :
« ÀConakry, il n’y a eu la pagaille qu’à Cosa et Bambeto (….), les images qui passent sur les réseaux sociaux sont celles des manifestations qui ont eu lieu à Haïti et au Mozambique. Une des images d’une fillette qu’ils montrent est du Cameroun et non de la Guinée. À part Bambeto et Cosa, il n’y a pas eu de manifestations à Conakry, nulle part d’ailleurs. Ni en Basse-Guinée, ni en Haute-Guinée moins en Guinée-forestière, il n’y a eu des manifestations sauf à Mamou où ils ont tué un gendarme.Nos gendarmes et policiers ne tuent pas les gens, c’est eux qui le font et ils le mettent sur le dos du gouvernement »
Niant la représentation de la manifestation, accusant les manifestants d’être responsables des tueries et réduisant le mouvement à la commune de Ratoma, traditionnellement de l’opposition et à une région, celle du Fouta, alors que des manifs ont bel et bien eu lieu en basse Guinée, notamment à Télimélé, et engendré une perturbation des activités à Boké et Kindia, entre autres, le président chercherait-il à orienter la colère de la rue sur un autre terrain?
Pour l’heure, la tentation de la force l’emporte sur la recherche d’un consensus. Accusés de troubles à l’ordre public et arrêtés samedi 12 octobre, les leaders du FNDC ont été jugés et risquent 5 ans de prison selon les réquisitions du procureur de la république à la suite de leur comparution les 16 et 17 octobre.
Affichant une confiance à toute épreuve, Abdourahmane Sanoh, Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno, principaux acteurs du FNDC, ont tous dénoncé devant la barre des mauvais traitements lors de leur détention, et malgré, leur volonté à barrer la route à tout prix à projet de troisième mandat.
Pendant que le verdict de leur jugement devait tomber ce vendredi 18 octobre, le tribunal de première instance de Dixinn a reporté son délibéré au mardi 22 octobre. Les avocats de la défense y voyant une « manœuvre »ont immédiatement pointé du doigt une instrumentalisation de la justice dénonçant «un procès politique et des accusations vides de contenus… ».
En effet la condamnation des leaders du FNDC risque de jeter de l’huile sur le feu. Le report du verdict, est perçu par maints observateurs comme visant à influencer le report d’un nouvel appel à manifester du FNDC.
Malgré l’épée de Damoclès qui plane sur la tête des meneurs du FNDC, dans une déclaration lue ce Samedi par Oumar Sylla, coordinateur par intérim du FNDC, il a appelé à une nouvelle mobilisation le jeudi 24 octobre prochain sur toute l’étendue du territoire national.
C’est donc dans un contexte de position frontalement tranchée que se déroulera la manifestation du jeudi 24 octobre, avec d’un côté un président Condé, qui après un appel au dialogue réfuté par ses partisans, et déterminé à faire « consulter le peuple »sur une nouvelle constitution ; de l’autre, les leaders du FNDC, les victimes des tueries et plusieurs douzaines de milliers d’opposants au troisième mandat à travers tout le pays.
Les positions se radicalisent, malgré l’appel de l’Union africaine, l’Union européenne et de la communauté internationale en général, aux autorités guinéennes à privilégier le dialogue et le respect de l’ordre conditionnel.